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« Les dettes illégitimes »

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07122011

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voici un article que je viens de lire, qui est en fait l'introduction du livre que F. Chesnais a sorti "Les dettes illégitimes"

Ce qui est intéressant (en plus de l'historique de la dette qu'il retrace) est que cet article, publié en août dernier, décrit exactement dans sa deuxième partie ce que nous vivons actuellement, à savoir que la modification du traité que Merkozy viennent de nous vendre comme "indispensable" vu la pression des événements et du marché est dans les cartons depuis longtemps : ils attendaient le moment favorable pour le sortir..
C'est la lumineuse illustration de la théorie du choc de Naomi Klein : on créé les conditions psychologiques de traumatisme nécessaires pour faire accepter par le peuple les mesures de restriction et de destruction de solidarité sociale qu'on veut mettre en place : un plan parfaitement organisé et implacable !


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Bonnes feuilles de « Les dettes illégitimes » de François Chesnais


« Tout problème humain demande à être considéré à partir du temps. L’idéal étant que toujours le présent serve à construire l’avenir. Et cet avenir n’est pas celui du cosmos, mais bien celui de mon siècle, de mon pays, de mon existence. […] J’appartiens irréductiblement à mon époque. Et c’est pour elle que je dois vivre. L’avenir doit être une construction soutenue de l’homme existant. »

FRANTZ FANON, Peau noire, masques blancs.



INTRODUCTION

Le 22 mars 2011, les salariés grecs ont fait grève et manifesté une nouvelle fois à Athènes contre la politique du gouvernement Papandréou. À la veille du sommet européen qui devait avaliser le « pacte de compétitivité et de convergence », dit « pacte pour l’euro », le gouvernement venait d’annoncer un nouveau train de mesures d’austérité et de libéralisation. Depuis le début de 2010, c’était la dixième fois environ que les travailleurs grecs manifestaient, mais la première fois qu’une des principales banderoles exigeait l’« annulation de la dette ». Interrogé par le correspondant du Monde, un manifestant a répondu : « Nous ne sommes pas responsables de ce qu’ont fait les précédents gouvernements. » Cela ne vaut pas seulement pour la Grèce, mais pour tous les peuples sommés d’assumer la charge de dettes publiques contractées dans des conditions échappant à leur contrôle, voire à leur connaissance. La dénonciation de la dette est une question politique majeure qui se pose pour beaucoup de pays, y compris la France. Elle intéresse celles et ceux qui combattent contre la régression sociale et l’injustice, pour une démocratie qui ne soit pas un simple paravent masquant la domination de l’oligarchie financière.

Beaucoup a été écrit depuis les années 1980 sur la dette des pays du tiers-monde, désignés aujourd’hui sous l’appellation de « pays du Sud ». Dans le cas des pays d’Amérique latine, de nombreux travaux ont expliqué la genèse de leur dette et ont analysé les conséquences économiques et sociales régressives de celle-ci. Aujourd’hui les dettes publiques européennes commencent à faire l’objet de telles études, auxquelles le présent livre souhaite apporter sa contribution. Comme d’autres publications, il se concentre surtout sur les dettes des pays membres de la zone euro, qui partagent une monnaie unique et sont soumis à des instances de décision communes : la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et l’Eurogroup où se concertent les gouvernements de la zone euro. Les dettes latino-américaines résultaient de prêts bancaires classiques et comportaient un face-à-face entre des gouvernements et des consortiums de banques. Dans le cas des dettes publiques actuelles, il y a eu émission et adjudication sur des marchés spécialisés, dits « marchés obligataires », de bons du Trésor et autres titres de dette. Ces titres ont été achetés par deux groupes d’institutions financières, les banques et les fonds de placement spéculatifs, désignés aujourd’hui du nom de Hedge Funds. Les dettes latino-américaines et européennes ont été contractées à des étapes différentes de la libéralisation et de la mondialisation de la finance, mais elles ont des points en commun, dont celui de servir d’instrument destiné à accélérer la libéralisation et la déréglementation. Un document du FMI de novembre 2010 explique clairement que l’endettement des gouvernements peut les aider à imposer les « réformes » propres au capitalisme libéralisé, financiarisé et mondialisé : « Les pressions des marchés pourraient réussir là où les autres approches ont échoué. Lorsqu’ils font face à des conditions insoutenables, les autorités nationales saisissent souvent l’occasion pour mettre en oeuvre des réformes considérées comme difficiles, comme le montrent les exemples de la Grèce et de l’Espagne. » Il faut prendre cet avertissement au sérieux. Depuis un an, les peuples grecs et portugais ont déjà vécu une régression sociale considérable. Ceux d’Espagne et d’Irlande sont appelés à s’appauvrir pour payer les créanciers des banques. Et c’est pour que la France conserve la note AAA donnée par les agences de notation que le calendrier de la réforme des retraites a été changé et que celle-ci a été menée sans ménagement.



Subir la crise sous la forme d’une « double peine » ?

Ce livre présente l’Europe non comme une forteresse à défendre ou à partir de laquelle lancer des « croisades », mais comme le berceau d’idées et de mouvements politiques tournés vers l’émancipation, individuelle et collective. Aujourd’hui, les économies européennes sont confrontées à la perspective d’une longue récession, accompagnée d’un chômage de masse structurel, qui frappe déjà et qui frapperait toujours plus fortement les salariés de plus de cinquante ans et surtout les jeunes. Depuis l’automne 2008, dans la très grande majorité des pays européens comme dans beaucoup de parties du monde, les salariés et les jeunes ont subi les effets de la crise sous la forme du chômage dont le BIT a rappelé récemment l’ampleur4, ainsi que sous celles d’une précarité et d’une déqualification accrues de l’emploi. Depuis 2009, les groupes industriels européens ont réalisé l’essentiel de leurs nouveaux investissements en Asie ou dans les plus grands pays d’Amérique latine. C’est le cas de groupes français importants. Dans de nombreuses régions industrielles d’Europe, les salariés sont frappés par le chômage de masse, à un niveau jamais atteint depuis les années 1930. Ils y sont confrontés dans les conditions inédites d’une internationalisation très poussée de la production industrielle. Partout en Europe, au tournant des années 2010, chez Fiat à Mirafiori, les entreprises exigent des baisses de salaires, une intensité du travail accrue et l’abandon des libertés syndicales. Quelques semaines après avoir arraché aux salariés un vote de consentement, elles annoncent que le transfert de la production aura lieu quand même. Les ouvriers de Continental en ont fait les frais, pour ne citer qu’eux.

Cette situation a deux causes. La première est évidemment la crise économique et financière mondiale. Aux États-Unis et en Europe, il s’agit d’une crise de surinvestissement et de surproduction qui a une acuité particulière dans des industries déterminées, notamment le bâtiment et l’automobile. Dans ces deux parties du système capitaliste mondial, la crise marque les limites d’un « modèle » ou d’un « mode de croissance » dans lequel la production et la vente de biens et de services ont été entretenues par un endettement élevé des entreprises et surtout des ménages, moyen conçu par la finance pour contrecarrer la faiblesse de la demande due à la baisse de la part des salaires dans le revenu national – à laquelle elle a du reste fortement contribué. L’effondrement de ce modèle, dont le détonateur a été la crise de montages financiers insoutenables autour du crédit immobilier, a laissé derrière lui d’importantes capacités de production excédentaires, de biens immobiliers inoccupés et un montant très élevé de dettes privées à épurer.

L’autre cause est à chercher dans les politiques de rigueur budgétaire et de réduction salariale suivies dans la zone euro, comme dans la très grande majorité des pays de l’Union européenne6. En 2008, beaucoup de pays danubiens et baltiques intégrés depuis peu dans l’UE se sont vu imposer une potion assez similaire à celle administrée au groupe de pays auquel les traders ont donné l’acronyme de PIGS (en anglais Portugal, Ireland, Greece, Spain, la lettre I pouvant aussi désigner l’Italie). Ces politiques sont menées au nom de la réduction des dépenses publiques posée comme un préalable nécessaire à celle de l’endettement. Elles ont un caractère dit « procyclique » dans le langage économique. Là où elles n’enfoncent pas les pays dans la récession, elles leur imposent un taux de croissance très faible, synonyme de stagnation. Parce qu’ils ont fortement réduit l’imposition des revenus du capital et des profits et qu’ils ont autorisé de facto l’évasion fiscale vers les paradis fiscaux, beaucoup de pays se sont en effet lourdement endettés. Dans certains cas (Grèce, mais aussi France et Italie), l’endettement avait commencé à croître bien avant la crise. Celle-ci l’a considérablement aggravé. Dans d’autres pays, notamment l’Espagne et l’Irlande, la dette est née de l’effondrement de la bulle immobilière et du fort endettement consécutif des banques et des promoteurs immobiliers, que les gouvernements ont décidé de porter à la charge de l’État. Les grandes banques européennes, qui détiennent une partie importante des titres publics des États les plus exposés, ont reçu une aide considérable à l’automne 2008 au moment où la faillite de la banque Lehman Brothers à New York conduisait la crise financière à son paroxysme. Les banques européennes n’ont pas épuré tous les actifs toxiques de leurs comptes et continué à faire des placements à haut risque. Au printemps 2010, elles ont convaincu certains gouvernements, ceux de l’Allemagne et de la France en premier, ainsi que l’Union européenne et la BCE, que le risque de défaut de paiement de la Grèce mettait leur bilan en danger. Elles ont exigé d’être mises à l’abri des conséquences de leur gestion.

En mai 2010, au terme de négociations longues et tendues, un accord a été conclu à Bruxelles sur un « plan de lutte contre les risques de contagion des dettes souveraines » à hauteur de 750 milliards d’euros, soit à peu près le montant du plan de secours états-unien monté en catastrophe en septembre 2008 lors de la faillite de la banque Lehman Brothers. En mars 2011, cet accord a été prolongé et assorti de dispositions draconiennes (cf. infra chapitre 3). Un banquier britannique a noté au sujet des mesures de 2010 qu’il était « plus facile de vendre un tel plan en disant qu’il doit servir à sauver la Grèce, l’Espagne et le Portugal, que d’avouer qu’il doit d’abord sauver et aider les banques ». Appréciation peu discutée en France, mais partagée par le Financial Times : « fondamentalement on n’a pas affaire à une crise de la dette des États, mais à une crise bancaire doublée d’une crise de coordination des politiques [au sein de l’UE] ». On s’accorde à dire que la crise bancaire a ses racines dans une expansion débridée de certaines formes de crédit, notamment immobilier, dans certains pays, ainsi que dans les placements à très forts risques des grandes banques françaises et allemandes. Le manque de coordination est vrai pour la politique monétaire. Il ne date pas de 2010, car il résulte de la nature même de la zone euro et de la grande hétérogénéité des pays qui en font partie. En revanche, dans le cas des politiques budgétaires et salariales, on a affaire à des politiques similaires. Elles prennent la forme de fortes baisses des dépenses sociales, de diminution de traitements des fonctionnaires et de réduction de leur nombre, ainsi que de nouvelles atteintes aux systèmes des retraites, que ceux-ci soient par capitalisation ou par répartition. Les premiers pays, tels la Grèce et le Portugal, à les avoir appliquées ont été pris dans une spirale infernale dont les couches populaires et les jeunes sont les victimes immédiates. La chute de la production et la montée du chômage résultant des coupes budgétaires et d’une rigueur salariale accrue y ont provoqué une baisse de rentrées fiscales. Le ratio de la dette publique au produit intérieur brut (le PIB), qui est l’un des indicateurs scrutés par les agences de notation, loin de diminuer, s’est aggravé. Le niveau des taux d’intérêt demandés par les banques et les Hedge Funds s’est donc élevé lors de chaque nouvelle émission de bons du Trésor. Les pays les plus endettés sont pris dans une spirale infernale. Chaque deux ou trois mois, les agences de notation et les investisseurs, mais aussi les institutions européennes demandent un tour de vis supplémentaire, budgétaire et salarial, aux gouvernements ; le chômage monte ; la TVA, qui est dans beaucoup de pays l’une des plus importantes sources de recettes fiscales, baisse, creusant le déficit budgétaire malgré la réduction des dépenses. L’émission suivante de titres est encore plus onéreuse que la précédente et donc le service des intérêts encore plus lourd. Les Hedge Funds ont profité de la faiblesse des pays les plus vulnérables et fait grimper les taux d’intérêt.



En France, la soudaine nécessité de « réformer » le système des retraites de l’été 2010

Nicolas Sarkozy s’était fait élire en 2007 sur un programme qui comportait l’engagement de ne pas toucher aux retraites au cours de son mandat. Trois ans plus tard, la réforme des retraites est devenue impérative, qualifiée par lui de « mère de toutes les réformes ». Une dépêche de l’agence de presse Reuters du 16 juin 2010 explique fort bien pourquoi (les références allant dans ce sens abondent) : « Le paquet de mesures dévoilé mercredi par le ministre du Travail Éric Woerth vise à rééquilibrer dès 2018 le système de retraites, qui autrement aurait présenté à cette date un déficit estimé à plus de 40 milliards d’euros […]. Avec son calendrier accéléré, la réforme des retraites en France devrait satisfaire les agences de notation, veut croire le gouvernement. Les sources de Bercy insistent sur le calendrier accéléré de la réforme, alors que la date de 2020 était jusqu’ici la plus souvent évoquée pour l’élimination du déficit des retraites. Le président de la République a vivement souhaité que le problème soit rapidement réglé tout en restant socialement supportable et équitable pour l’ensemble de la population. Pour sa part, le ministère des Finances espère voir confortée la note AAA dont bénéficie la dette souveraine de la France sur les marchés financiers. »

Objectif confirmé par François Fillon dans une intervention du 25 juin : « Ce qui est en jeu, c’est la crédibilité financière de la France, c’est la qualité de notre signature, donc le niveau auquel nous empruntons, et c’est ultimement, au fond, une part de notre souveraineté. » Phrase qui mérite d’être analysée, en raison de la définition tout à fait nouvelle que le Premier ministre donne de la souveraineté. Il fait dépendre celle-ci des desiderata des banques et des fonds de placement, français et étrangers (ceux-ci détenant une part pouvant varier, selon les émissions, d’environ deux tiers des bons du Trésor et titres de la dette publique). Frédéric Lordon est l’un de ceux qui ont énoncé en premier la portée de la « configuration inédite de la politique moderne dans laquelle nous a fait entrer la libéralisation financière internationale. Car on croyait le peuple souverain la seule communauté de référence de l’État, son ayant droit exclusif, l’unique objet de ses devoirs, et l’on aperçoit comme jamais à l’occasion de la réforme des retraites que, contrairement à de stupides idées reçues, le pouvoir politique ne gouverne pas pour ceux dont il a reçu la “légitimité” – mais pour d’autres. Il y a donc un tiers intrus au contrat social et l’on découvre que, littéralement parlant, c’est lui qui fait la loi ».

En France, jusqu’en 1982-1983, la dette publique était négligeable. Comme on le verra (cf. infra, p. 109) elle est née du cadeau fait au capital financier lors des nationalisations du gouvernement d’Union de la gauche. Sa croissance a épousé le mouvement de la libéralisation financière, dont la première phase des années 1980 a été marquée par des taux d’intérêt réels très élevés. L’endettement de l’État a sa source dans la faiblesse de la fiscalité directe (impôt sur le revenu et impôt sur les entreprises) et dans l’évasion fiscale. Depuis cette époque, plutôt que d’affronter les groupes sociaux qui en bénéficient et qui y ont recours, les gouvernements du Parti socialiste comme ceux du RPR-UMP ont « contourné » le problème de la façon la plus favorable au capital et à la fortune. Ils ont emprunté à ceux qu’ils renonçaient à taxer. L’imposition du capital et des hauts revenus a été diminuée d’abord prudemment, puis sous les gouvernements Jospin, Raffarin et Villepin de façon plus forte avec la multiplication des niches fiscales, avant que Sarkozy ne mette en place en 2007, avec le bouclier fiscal, des mécanismes restituant aux plus riches une partie de l’impôt. L’analyse des origines de la dette de la France aidera à cerner la notion de « dette illégitime » et donc à poser la question de son annulation, non seulement d’un point de vue économique, mais comme question politique à fondement éthique.

En 2007, avant le début de la crise mondiale, la dette représentait déjà 64 % du PIB français. À partir de 2008, la baisse des rentrées fiscales, conjointement au sauvetage des banques et des grandes entreprises de l’automobile, l’a portée à près de 83 %. De quoi permettre aux investisseurs de poser la question de la solvabilité de la France, de pousser leurs porte-parole à inciter le gouvernement à accélérer la privatisation du secteur public et de s’attaquer au statut des fonctionnaires. Depuis le milieu des années 1990, le paiement des intérêts des emprunts a été le deuxième poste budgétaire en France, derrière l’Éducation nationale, et devant la Défense. De 44 milliards d’euros en 2010, il s’élèvera à 57 milliards en 2013. Mais si on prend le total des engagements financiers, c’est-à-dire le paiement des intérêts et le remboursement de la dette, ils sont déjà le premier poste de dépenses, devant l’enseignement, les pensions du secteur public et les dépenses militaires. Le poids de l’impôt, dont la TVA est la colonne vertébrale dans le système français, pèse principalement sur les salariés. Moyennant le service de la dette, ce sont eux qui assurent un transfert très élevé de richesse aux banques et aux fonds de placement financiers. Même si une partie des salariés ont des économies dans un compte d’épargne que leur banque place en bons du Trésor, le transfert net opéré aux dépens des salaires est gigantesque. Aucun changement significatif de la répartition en faveur du travail ne peut se faire sans toucher au service de la dette, donc à la dette elle-même. La taxation des profits et des hauts revenus, mesure centrale de toute reconfiguration de la fiscalité, ne se fera pas tant que cette composante importante du pouvoir du capital n’aura pas été anéantie.



A-t-on besoin des banques sous leur forme actuelle ?

Le rôle des banques est de fournir du crédit commercial à très court terme (l’escompte des effets commerciaux) et des prêts à plus long terme aux entreprises pour leurs investissements. Ce rôle est indispensable au fonctionnement du capitalisme. Il le serait aussi pour toute forme d’organisation économique fondée sur des modalités décentralisées de propriété sociale des moyens de production supposant le recours à l’échange. Le financement de l’économie au moyen de ces deux formes de crédit comporte la création de moyens de paiement, c’est-à-dire de monnaie. C’est même la forme dominante de création monétaire, bien plus importante que la mise en circulation de billets. Ces fonctions indispensables ont été dévoyées. Depuis les années 1980, par étape, les grandes banques se sont transformées en groupes financiers diversifiés, qui cumulent des activités de banque de dépôt et de banque de placement financier. Les opérations de placement effectuées par les traders dans les salles de marché ont plus d’importance que les activités menées auprès de la clientèle dans les agences de quartier. Les groupes bancaires ont soutenu à partir de 2002-2003 la transformation de l’immobilier – logements, résidences secondaires, bureaux – en actif financier, souvent à caractère spéculatif, sans que cela résolve la crise massive du logement. Ils ne l’ont pas fait seulement aux États-Unis, mais aussi en Irlande et en Espagne, premiers pays de la zone euro à être frappés par la crise. Ils ont alimenté, ce faisant, le boom de la construction au moyen d’instruments financiers qui en permettaient le financement de façon très risquée, sinon factice, de sorte que la crise a d’abord pris la forme d’une crise de l’immobilier et des modes de financement fondés sur la titrisation, dont les « actifs toxiques » dits subprime sont les plus connus. À partir de fin 2007 et de la faillite de la banque britannique Northern Rock, les gouvernements ont consacré des sommes élevées au sauvetage des banques. Ils en ont transféré la charge sur les citoyens, soit immédiatement comme en Irlande (les premières coupes budgétaires datent de février 2008), soit un peu plus tard ailleurs. Puis a eu lieu le grand sauvetage de l’automne 2008. Dans le cas de l’Europe, l’exigence d’aider les banques n’a apparemment pas de fin.

Les études et rapports officiels sur la situation des banques aboutissent à des conclusions contradictoires. Les uns jugent leurs bilans fragiles, les autres solides. L’un des points majeurs sur lesquels leur attention se focalise est l’« effet de levier », qui désigne des prêts accordés par les banques excédant très fortement leurs capitaux propres. Il suscite des interrogations quant à la nature des prêts et à la place qu’ils occupent dans l’endettement des États. Est-ce une épargne représentant une substance économique véritable qui a été prêtée, ou a-t-on simplement affaire à des montants fictifs résultant de l’« innovation financière » ? La réponse qu’on donne a évidemment une incidence sur l’appréciation de la légitimité des dettes publiques. La question justifie la nécessité de les examiner de très près.

Le bilan de trois décennies de libéralisation financière et de quatre années de crise pose, en tout état de cause, la question de l’utilité économique et sociale des banques dans leur forme actuelle. Devenues des conglomérats financiers, les banques ont-elles droit au soutien des gouvernements et des contribuables chaque fois que leurs bilans sont menacés du fait de leurs propres décisions de gestion ? Beaucoup de gens commencent à en douter et l’expriment parfois, comme l’a fait Éric Cantona, dans des formes que les médias ne peuvent pas ignorer.

Nicolas Sarkozy a été obligé d’inviter, très poliment, les dirigeants des grandes banques bénéficiaires du sauvetage financier d’octobre 2008 à venir lui expliquer pourquoi elles consentaient si peu de crédits aux petites et moyennes entreprises, d’autant plus que la BCE leur prêtait alors des liquidités au taux très bas de 1 %. Il s’agissait d’une simple mise en scène destinée à essayer de calmer l’opinion.

Déjà en 2006, donc hors de tout contexte de crise, le rapport sur les banques françaises commandé par le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (à l’époque Thierry Breton) soulignait que les PME « rencontraient des difficultés pour accéder aux crédits bancaires ». Plus graves et plus symptomatiques encore sont les « actifs toxiques » que les municipalités, les régions et même certains hôpitaux ont été poussés à acheter par les banques. Sensés faciliter par leur rendement élevé le financement de projets d’investissement lourds dans un contexte de transfert de dépenses par l’État, ces achats de titres ont aggravé qualitativement la situation financière des entités publiques. Les élus viennent de se constituer en association pour mener des actions judiciaires collectives contre les banques. L’achat de titres financiers opaques, de contrats de swap notamment, illustre bien entendu le fait que le fétichisme de l’argent n’est pas le propre des seuls traders, puisqu’il emporte le jugement des élus et des administrateurs locaux. Mais les banques savaient parfaitement les risques qu’elles leur faisaient prendre, le jeu de casino dans lequel elles les faisaient entrer. Le supplément d’endettement contracté par les municipalités relève des « dettes odieuses », dont on parlera plus longuement par la suite (cf. infra, p. 105), « celles qui ont été contractées contre les intérêts des populations d’un État (ici une municipalité), sans leur consentement et en toute connaissance de cause du côté des créanciers ».

Ainsi, les banques se sont détournées de leur fonction indispensable de crédit aux particuliers et aux entreprises pour s’engager dans des activités de spéculation financières nocives et dépourvues d’utilité sociale. Il est temps non pas de détruire les banques, mais de les saisir afin qu’elles puissent remplir les fonctions essentielles qui sont en principe les leurs.



Quelles solutions opposer à l’endettement public et aux politiques menées en son nom ?

Les effets économiques procycliques des politiques suivies en Europe vont y aggraver la situation sociale, dans les pays obligés de solliciter l’aide de l’UE comme dans toute l’Europe. La contagion touchera les pays voisins du continent. Les problèmes sociaux y seront d’autant plus sérieux que les conséquences de la hausse des prix alimentaires, provoquée au moins en partie par la spéculation financière, viendront s’ajouter aux effets dépressifs propagés depuis l’UE. Certains lieux de réflexion stratégique de la finance jugent qu’il faut gérer les dettes publiques autrement que ne le font l’UE et la BCE. L’idée qui gagne du terrain est de procéder à la « restructuration » des dettes souveraines, notamment celles de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande. Elle a été défendue en janvier par l’hebdomadaire The Economist, l’un des principaux porte-parole de la City de Londres. Le terme désigne l’échelonnement dans le temps – un temps dont la durée est décidée par les créanciers – du remboursement du principal des prêts, ainsi que l’aménagement du service des intérêts à la capacité de paiement du pays – dans des conditions également décidées par eux. La notion peut être étendue pour inclure l’annulation de la dette due à certaines catégories de créanciers. C’est ce que Martin Wolf, éditorialiste du Financial Times et chroniqueur du Monde de l’économie, défend pour l’Irlande.

La restructuration des dettes est rejetée pour le moment par la majeure partie des investisseurs financiers qui redoutent des réactions incontrôlables de panique sur les marchés financiers. Dans un entretien accordé au journal Le Monde, le Premier ministre grec, Georges Papandréou, s’en est fait l’écho : « Une restructuration se ferait au détriment de la crédibilité de notre pays et de la santé du système bancaire national et européen. Elle pourrait provoquer l’effondrement des banques grecques et produirait une avalanche d’attaques spéculatives contre un grand nombre d’autres pays européens. » Mais l’idée fait son chemin, d’autant que les termes des restructurations seraient décidés par les représentants des créanciers, en l’occurrence la BCE et le FMI avec, en arrière-plan, le gouvernement allemand.

Le terme « restructuration » est également utilisé par des économistes qui combattent le néolibéralisme ainsi que les institutions européennes dans leurs formes actuelles. Ils donnent au mot le contenu d’une annulation d’une partie importante des dettes. Ne serait-il pas préférable d’utiliser ce terme plus clair et plus mobilisateur qui n’est pas entaché d’une expérience historique douloureuse, celle des pays d’Amérique latine, notamment le Mexique, dans les années 1980, lors de la restructuration organisée par le « plan Brady » (œuvre du secrétaire d’État des finances des États-Unis de l’époque) ? Les termes en avaient été dictés par les banques créancières et leurs gouvernements, réunis au sein d’une institution portant le joli nom de « club de Paris » (qui possède toujours des bureaux à Bercy puisque certaines dettes n’ont toujours pas été annulées). Ils avaient inclus la cession d’actifs industriels et énergétiques et avaient opéré au bénéfice des créanciers une longue et douloureuse ponction de la richesse produite dans les pays objets de cette potion amère. Les années 1980 ont été pour ces pays ce que les Latino-Américains ont nommé une « décennie perdue ».

Dans les années 2010, il serait encore plus dangereux qu’un continent entier accepte de vivre une « décennie perdue » pour satisfaire les actionnaires et les dirigeants des banques (car l’Allemagne finirait par se faire happer par la récession prolongée). La consolidation de la domination des banques et des investisseurs financiers aurait un impact bien au-delà de l’Europe – pas seulement dans le domaine économique, social et culturel, mais aussi sur le terrain des luttes autour du changement climatique et contre le pillage des ressources naturelles. On comprend l’importance d’un large débat dans la gauche et l’anticapitalisme pour s’entendre sur ce que la restructuration pourrait signifier exactement.

Prendre position sur les banques et le crédit a pour corollaire la remise en question de l’euro. Aujourd’hui, la monnaie commune pilotée par la BCE est l’instrument au plan monétaire des politiques de mise en concurrence entre salariés et de démantèlement des acquis sociaux auxquelles les traités de Maastricht et de Lisbonne servent de cadre institutionnel et juridique. À mesure que la crise mondiale se développait, l’euro s’est révélé être un système marqué par des contradictions et une instabilité majeures, que l’Allemagne et ses alliés dans la zone euro cherchent à contenir. Soutenus par le gouvernement Sarkozy, ces pays viennent d’obtenir la création de nouvelles procédures européennes de surveillance mutuelle des budgets et des politiques économiques et sociales, ainsi une « stratégie de croissance », dite de « compétitivité », fondée sur la « modération salariale ». Ces dispositions, baptisées « pacte de compétitivité par la convergence » ou « pacte pour l’euro », feront l’objet d’un ajout à l’article 136 du traité de Lisbonne. Le texte, déjà rédigé, sera présenté dès que la situation politique interne des pays de l’UE le permettra. Selon les Économistes atterrés, on a affaire à des mesures destinées à « pérenniser la tutelle des intérêts financiers sur les politiques économiques des États européens ». Elles accentueraient encore les traits fortement antidémocratiques de l’UE et créeraient dans la zone euro une espèce de Directoire des dirigeants des pays les plus puissants. Le combat contre le pacte pour l’euro s’impose. Il n’en va pas de même pour la sortie de l’euro défendue par certains économistes.

L’éclatement de la zone euro sous l’effet des conditions insupportables imposées aux pays les plus endettés ne peut pas être exclu. En France, certains économistes et politistes sont prêts à devancer cette éventualité. Ils défendent la sortie de l’euro. Ils préconisent le retour au franc ainsi que sa dévaluation,dont on a pourtant vu les effets sociaux néfastes dans les années 1980. La sortie de l’euro est également défendue par des économistes grecs. Ce n’est pas la position défendue dans ce livre. L’enjeu est d’aider à la convergence des luttes sociales et politiques des peuples soumis aujourd’hui à une Europe néolibérale vers un objectif de contrôle social démocratique commun de leurs moyens de production et d’échange, donc aussi de l’euro. L’avenir de ceux qui ne bénéficient pas de rentes financières, donc de l’écrasante majorité des citoyens des pays d’Europe, va dépendre de leur capacité à créer ensemble ce qui n’existe pas actuellement, à savoir une véritable union. Dans différents pays européens, la réflexion politique autour de la crise, de la dette publique et de l’euro a débuté dans des formes propres à chaque pays. Dans la perspective de la construction d’une « autre Europe », ne pourrait-on définir des objectifs communs tels que ne pas payer les dettes, saisir les banques, y compris la BCE, et les socialiser pour les contrôler efficacement ?



François Chesnais, Les dettes illégitimes - Quand les banques font main basse sur les politiques publiques, Raisons d'agir, 2011.
http://www.contretemps.eu/lectures/bonnes-feuilles-%C2%AB-dettes-ill%C3%A9gitimes-%C2%BB-fran%C3%A7ois-chesnais
brusyl
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« Les dettes illégitimes » :: Commentaires

Donald11

Message Lun 13 Fév 2012 - 23:53 par Donald11

Je vous invite à regarder ici la petite vidéo contenue dans la page. C'est très rafraichissant !!!

Bonne soirée.

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Donald11

Message Jeu 8 Déc 2011 - 1:10 par Donald11

Je n'ai pas pensé une seule fois que c'était idiot. Ton premier article publié m'avait déjà beaucoup intéressé, même si je n'y avais fait aucun commentaire. Comme quoi, même sans commentaire, un article peut rester gravé dans une mémoire ...
A vrai dire, je fais chaque fois ce constat que, si un certain bon sens existe, l'aveuglement de nos responsables actuels est désarmant tant leurs raisonnements sont pitoyables.
A qui va servir cette campagne d'intox orchestrée par les "agences de notation", relayée par les merdias et servilement répétée par les dirigeants européens, pour mettre en oeuvre une politique d'austérité dont j'ai beaucoup de mal à voir la finalité.

Mais puisqu'on me serine que c'est la criiiiiiiiiiiise et qu'on peut rien faire d'autre ...

Ben non, je n'accepte pas cette explication par trop simpliste et consensuelle.

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brusyl

Message Mer 7 Déc 2011 - 23:05 par brusyl

tu as raison, cela m'était totalement sorti de la tête. Mais ce n'est pas trop idiot puisque les articles sont différents...

Inaudible ? je ne sais pas.... je crois que l'idée fait peu à peu son chemin, pas chez nos gouvernants, oh non ! qui nous mettront mille fois sur la paille avant de commencer à ébaucher l'amorce d'une réflexion en ce sens mais chez les économistes mais aussi localement, des comités pour un audit citoyen de la dette se créent (En Aveyron par exemple aujourd'hui, je viens de lire un article du midi libre à ce sujet)
J'ai signé il y quelques semaines un manifeste pour un audit sur internet ... et le CATDM (Le Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers-Monde, dirigé par Eric Toussaint) et Attac se bougent beaucoup pour cela, organisent des conférences et des débats un peu partout sur le sujet
Voici leur manifeste :

Pourquoi faire un audit citoyen de la dette publique française ?


La tentation est forte au vu de quelques éléments déjà connus des causes de l’endettement public de considérer un audit comme un passage inutile.
Parmi ces éléments connus qui permettent de qualifier cette dette comme illégitime et non due, on peut citer pêle-mêle pour la dette publique française (à compléter) :

Pour la dette publique de l’Etat central :


- l’obligation depuis 1973 d’avoir recours aux marchés financiers ;
- l’effet « boule de neige » qui a consisté à payer des taux d’intérêt sur les obligations d’Etat supérieurs à l’accroissement des ressources nécessaires à ce paiement (décision politique) ;
- la réforme de l’Etat suivie de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) et son impact sur les pertes de moyens des administrations publiques ;
- la dérèglementation des marchés financiers depuis 1983 ;
- la privatisation systématique des banques et assurances depuis 1986 ;
- les privatisations des autres entreprises publiques depuis cette date
- les politiques fiscales favorables aux grandes entreprises (taux de l’Impôt sur les Sociétés et exonérations diverses) depuis le début des années 1980 ;
- les mesures fiscales en faveur des ménages les plus aisés (niches fiscales et baisse du taux supérieur de l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques)
- les impacts budgétaires des mesures d’exonération et d’allègement des cotisations sociales ;
- les plans de sauvetage en faveur des banques et du secteur de l’automobile avec le pillage de la Caisse des dépôts et consignations ;
- la récession économique, produit de la crise du capitalisme et ses conséquences sur la baisse des recettes fiscales, sur le déficit et donc sur la dette
- le mode de gestion de la dette publique : sa gestion est confiée à une agence et non au Trésor public ; le marché primaire de la dette, c’est-à-dire l’émission des obligations d’Etat ou « marché du neuf », est donnée à une vingtaine de banques privées (4 françaises et 16 étrangères) qualifiées de Spécialistes en Valeurs du Trésor et qui se sucrent au passage ;
- les plans de rigueurs et d’austérité qui, loin de résoudre quoi que ce soit, paupérisent les populations et les Etats ;
- les divers traités constitutionnels européens qui organisent la concurrence « libre et non faussée » entre économies européennes et le statut de la BCE qui lui interdit de prêter directement aux États, qui sont par conséquent obligés de recourir aux banques et marchés financiers ;
- certaines dépenses très critiquables comme le recours au surarmement, à des partenariats publics privés où l’intérêt public est relégué à l’arrière plan ;
- etc…
Tous ces éléments participent aux déficits publics et à leur financement par l’emprunt public.

Pour la dette des collectivités locales :

- les décrets qui ont ouvert à la concurrence le marché des prêts aux collectivités et permis le désengagement de l’Etat depuis les premières lois de décentralisation (décentralisation Mauroy 1 et 2 et décentralisation Balladur). Ce sont ces textes, le démantèlement de la Caisse d’Aide à l’Équipement des Collectivités Locales et le désengagement de l’Etat aux profits des banques privées et d’organismes financiers qui sont à l’origine des prêts dits « structurés » qui, avec des taux exorbitants, frappent aujourd’hui des collectivités locales et des hôpitaux (cf.à titre d’exemple la carte publiée par le journal Libération pour les prêts toxiques de Dexia :http://labs.liberation.fr/maps/cart...)
- les effets budgétaires des transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales sans allocation des moyens correspondants ;
- les diverses réformes qui restructurent les collectivités locales et font reculer la démocratie locale en opacifiant les circuits de gestion et de décision.

Pour la dette des organismes de protection sociale :

- on peut énumérer depuis les plans « Barre » jusqu’aux diverses et récentes mesures Fillon toutes les décisions politiques qui ont contribué à baisser au profit des employeurs les ressources des organismes de protection sociale (fiscalisation de la sécurité sociale avec la création de la Cotisation Sociale Généralisée et de la Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale Inclus) ;
- sans oublier le non reversement de la part de l’Etat de diverses ressources affectées à la protection sociale (dénoncée année après année par la Cour des Comptes) ;
- la désindexation des salaires sur les prix ;
- la libéralisation du budget de la protection sociale avec l’instauration de la LFSS (loi de financement de la sécurité sociale) et la perte de contrôle de la protection sociale, telle qu’instaurée par le programme du Conseil National de la Résistance, par les représentants des salariés (instauration du paritarisme puis fin des élections directes aux conseils d’administration des caisses) ;
- le pillage par l’Etat des ressources des organismes excédentaires ;
- on peut aussi ajouter la réforme du mode de gestion de la dette de ces organismes avec la création de la CADES et de la CRDS en 1996 (plan Juppé). Cette très opaque CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale), et au statut très dérogatoire, a bien davantage rémunéré les intérêts des organismes financiers prêteurs que comblé les très hypothétiques « trous de la sécu ». (cf. les comptes publiés sur le site de la CADES)
Il pourrait être confié à un groupe d’experts de chiffrer le coût de ces mesures et leur traduction en montant de stock de la dette publique, émission de dette après émission de dette, coût des intérêts servis compris. Une fois ce chiffrage nécessaire effectué (qui avoisinerait certainement 100% du montant de la dette publique), il suffirait alors de revendiquer son annulation par l’abrogation unilatérale du paiement de cette dette (il pourrait même être envisagé de réclamer le remboursement, voire des pénalités sous formes d’intérêts aux bénéficiaires des profits réalisés sur la dette publique depuis une date à déterminer).

Alors, pourquoi se livrer à un audit et qui plus est, citoyen, c’est-à-dire public ?

Il y a plusieurs raisons à cette démarche.
La première est que, comme son nom l’indique, cette dette est publique, au sens où elle impacte les budgets de l’Etat, des Organismes divers d’administration centrale (ODAC), des collectivités locales et des organismes de protection sociale. Dit autrement, elle limite considérablement le rôle de redistribution des richesses qui incombent à ces différents secteurs de la chose publique.
Plus de dette servie au privé, c’est moins de moyens disponibles pour les besoins sociaux du plus grand nombre. La dette est aussi un outil pour l’inégalité des revenus. Elle concerne chaque citoyen de ce pays. Les plans d’austérité sont décidés et imposés au nom de la réduction des déficits publics et de la dette publique
La seconde est plus politique : elle consiste à associer le maximum d’organisations syndicales, associatives et politiques mais aussi de citoyens dans les groupes locaux d’audit à ce travail de décorticage des causes de l’endettement public.
Il s’agit, avec cette démarche ouverte, de permettre ce qui est interdit par la logique de délégation de pouvoir, à savoir la réappropriation démocratique et collective de ce qui nous concerne. Ouvrir les livres des comptes publics va dans ce sens.
Rendre public ce qui est aujourd’hui interdit de connaître de par la loi comme l’identité des créanciers ou encore la rémunération des banques en charge du marché primaire de la dette est une nécessité si on veut en combattre efficacement les conséquences antisociales. Après le pourquoi et le comment, il s’agit de faire connaître à tous qui sont ceux qui en profitent, qui sont les créanciers de la dette.
La troisième est de faire connaître au plus grand nombre, comme nous l’avons fait en 2004 et 2005 pour le traité Constitutionnel (TCUE), les mécanismes et rouages de la dette publique afin de combattre en termes clairs et lisibles l’idée que ces questions sont trop compliquées pour être partagées et rendues publiques. Cette transparence nous a rendus majoritaires pour dire non au TCUE.

Il s’agit donc de répondre simplement à des questions simples comme :

La dette publique, c’est quoi ? Comment ça marche ? D’où ça vient ? Qui paye et qui en profite ? Qu’est ce qu’on peut y faire ?
L’enjeu, c’est tout simplement la démocratie. C’est aussi poser d’emblée les moyens de la construction du rapport de forces nécessaire pour gagner sur cette question et sur d’autres par enchaînement.
Construire la mobilisation sociale, c’est la garantie pour gagner !
Parce qu’on peut faire toutes les démonstrations possibles, démontrer par A+B que notre cause est juste, que nous avons raison contre le monde de la finance et les donneurs d’ordre que sont les actionnaires, cela sera vain sans un rapport de forces tel qu’il puisse modifier l’ordre des choses.
C’est un peu comme le rapport au droit. Le droit international et de nombreuses dispositions constitutionnelles de pays fournissent nombre de moyens pour définir ce qu’est une dette illégitime ou odieuse. Le droit international dit aussi qu’un Etat est souverain et qu’il peut, au nom de l’état de nécessité, satisfaire en priorité les besoins fondamentaux de la population, décider de ne pas payer cette dette et de poser là un acte unilatéral parfaitement légitime.
Gagner juridiquement ne signifie pas pour autant gagner dans les faits. C’est un moyen à utiliser mais surtout à consolider par une mobilisation qui impose son application.
Même un gouvernement favorable à l’annulation de la dette illégitime ou/et odieuse ne pourra se passer de la mobilisation sociale pour l’imposer aux créanciers.
Pour le TCUE, nous avons pu être majoritaires dans les urnes, mais nous avons manqué d’une mobilisation sociale suffisante pour empêcher le Congrès de trahir la volonté populaire.
Pour la dette, sans une volonté politique qui s’appuie sur une mobilisation citoyenne conséquente, cela risque de ne pas se faire du tout et de disparaître au fonds des salons des négociations internationales.

Mobilisation locale, nationale, européenne et internationale !


Nous devons nous réapproprier notre vie !
Du plus petit village endetté abusivement en passant par l’hôpital escroqué par des contrats opaques jusqu’à la dette nationale illégitime contractée au nom de l’Etat ou encore imposée à notre protection sociale par les divers gouvernements ces 30 ou 40 dernières années au profit des nantis et des marchés financiers, nous devons organiser la transparence pour construire la mobilisation à tous les niveaux.
Tout comme la crise, les effets de ces dettes publiques illégitimes ou odieuses dans certains cas comme en Grèce, en Irlande ou au Portugal et ailleurs , Oont les mêmes causes dans les pays de l’Union Européenne, qu’ils soient dans la zone euro ou non .
Très souvent, on trouve les mêmes causes mais aussi les mêmes créanciers. Ces derniers sont organisés, agissent de concert pour piller les Etats et faire payer leur crise aux populations.
Ils utilisent des organismes comme le FMI, la BCE et la Commission Européenne (les 3 forment la Troïka) pour imposer aux peuples la dictature des marchés financiers.
Rencontrons-nous et organisons nous à l’échelle européenne avec les comités d’audit qui existent déjà et pour permettre la création d’autres dans les 27 pays de l’UE.
Les peuples d’Europe subissent les mêmes logiques imposées par les mêmes créanciers et leurs organismes affidés (la Troïka). Ce ne sont pas les citoyens français, anglais ou allemands qui détiennent une partie de la dette grecque, espagnole ou irlandaise, ce sont les banques, les assurances et autres « Mutuals Funds », le plus souvent les mêmes qui agissent au nom des mêmes actionnaires.
Ensemble, nous pouvons construire une mobilisation européenne efficace contre la dette et les plans d’austérité.

Du Nord au Sud, les peuples ont les mêmes intérêts, menons les mêmes combats !

Auditer les dettes publiques dans les pays riches ou considérés comme tels pour en déterminer la part illégitime ou odieuse à annuler ne doit pas nous faire oublier les créances que nos pays (et les banques et autres organismes financiers) détiennent envers les pays du Sud de la planète.
Ces créances maintiennent les pays du Sud dans un rapport néocolonial de facto et permettent entre autres le pillage des ressources du sol et du sous sol de ces pays.
Exiger et obtenir la publicité des contrats de prêts qui concernent les pays du Sud est un outil incontournable pour la solidarité internationale. Ces contrats de prêt sont d’Etat mais aussi privés avec la caution de l’Etat. Pour les dénoncer, encore faut-il les connaître !
Ils financent aussi la corruption et la rémunération des serviteurs des créanciers, souvent les gouvernements à la botte ou les dictateurs complaisants comme avec Ben Ali en Tunisie.
Ainsi les sociétés transnationales utilisent les gouvernements des pays du Nord pour enchainer ces pays avec des dettes, pour piller leurs ressources des pays du Sud (matières premières, produits alimentaires) et pour délocaliser des activités d’industries ou de services du Nord au Sud, afin d’augmenter leurs profits en réduisant le coût du travail.
Elles utilisent les paradis judiciaires et fiscaux pour leurs transactions avec la complicité active des banques des pays du Nord et des gouvernements qui ferment les yeux sur ces pratiques illégales.
L’expérience des crises de la dette dans les pays du Sud nous sert aujourd’hui pour comprendre les mécanismes des dettes publiques au Nord. Celle des luttes contre les dettes illégitimes et odieuses éclairent notre démarche en France et ailleurs.
C’est en notre nom que l’Etat et les divers gouvernements permettent ce pillage odieux.
Indéniablement, des liens doivent être tissés ou valorisés quand ils existent entre les mouvements qui luttent contre la dette au Sud et les divers collectifs d’audit en Europe. Les peuples du Nord comme du Sud ont les mêmes intérêts et très souvent les mêmes créanciers. Il est plus que temps de faire vivre les solidarités actives entre les peuples.
Le CADTM France s’engage avec cette volonté dans le collectif pour un audit citoyen de la dette publique française.
C’est aussi dans cet esprit que le réseau Europe du CADTM organise le 9 décembre, dans les murs mêmes de l’Assemblée Nationale, un séminaire sur l’audit de la dette avec la participation de Maria-Lucia Fattorelli, animatrice du comité pour un audit citoyen de la dette du Brésil et ex-membre de la commission de l’audit intégral de l’Equateur, de Fathi Chamki, porte parole de Raid ATTAC CADTM Tunisie, en lutte pour l’annulation de la dette Tunisienne et de Renaud Vivien, juriste, membre du CADTM Belgique.
Cette dette, tout comme la crise qui l’aggrave avec le transfert des dettes privées dans le domaine public, n’est pas la nôtre ! Alors, donnons-nous collectivement les moyens de changer les choses !
http://www.cadtm.org/Pourquoi-faire-un-audit-citoyen-de

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Donald11

Message Mer 7 Déc 2011 - 21:21 par Donald11

Tu avais déjà publié un article similaire Ici ... le 19 juin 2011.

Le problème, à mon avis, c'est que Chesnais n'est audible que pour une poignée d'individus !!! M'étonnerait qu'il passe au journal de 20 h !!!

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