Je vous demande donc de « bien vouloir motiver vos équipes... Votre service ne réalise pas totalement le niveau d'activité que nous avions prévu. » Non, ce n'est pas la note d'un chef des ventes chez Darty ni d'un marchand de voitures. Chirurgiens et autres blouses blanches du centre hospitalier d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, se sont pincés lorsqu'ils ont vu, affiché dans la salle de repos des infirmières, ce courrier adressé, le 17 novembre, par le directeur de l'hôpital aux chefs de service de chirurgie pédiatrique. Plus d'« activité », cela veut dire plus d'opérations. Un chirurgien ironise : « On devrait demander au personnel s'il y a des volontaires pour aller à la sortie des écoles renverser un ou deux gosses qui traversent la chaussée, pousser un petit dans l'escalier ou le faire tomber de vélo. En attendant les beaux jours où il conviendra de les envoyer se brûler un peu sur le barbecue.
Il faudra bien cela : en manager avisé, l'auteur de la lettre, Jean-Michel Toulouse, a joint un beau tableau chiffré : « L'activité moyenne prévisionnelle par mois qu'il conviendrait de réaliser est de 125 enfants à opérer. » Il en manque 80 pour boucler l'année 2009 dans la bonne humeur. Et il s'agit juste, a expliqué au « Canard » le gestionnaire, d'inciter les médecins de ville à diriger leurs petits patients vers les services en question. Car la flemme des chirurgiens et le peu de civisme des parents qui rechignent à prêter, le temps d'une intervention, leur progéniture ont provoqué un vrai manque à gagner : 137 760 euros. Et l'année n'est pas terminée ! Résultat, dans l'univers impitoyable de l'hôpital-entreprise, l'année prochaine, le budget du service sera sans doute revu à la baisse.
A vos bistouris, bande de paresseux !

B. R.

Canard enchaîné du 2/12/2009

Un cas clinique

Voilà un homme dont il est urgent de suivre les conseils. Jean-Loup Durousset, président de la Fédération de l'hospitalisation privée, syndicat patronal des cliniques, a coutume de donner des leçons de gestion aux hôpitaux publics. Récemment encore, il les sommait d' « assurer des soins dans un modèle économique d'efficience». Cet expert aurait été bien avisé de suivre lui-même cette voie : sa propre clinique a été placée en redressement judiciaire, le 6 octobre dernier.
«Le Canard» avait raconté les mésaventures de cet établissement parisien joliment baptisé « Bien naître » et épinglé pour de graves insuffisances dans les domaines de l'hygiène et de la gestion du personnel. Lequel a appris, à la fin de septembre, qu'il n'y avait plus de sous dans la caisse pour payer les salaires dans les temps.
Seule solution, a expliqué Durousset à ses troupes, réaliser au moins 90 accouchements par mois. Mesdames, un petit effort pour sauver l'entreprise privée. Merci.