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L'appauvrissement volontaire

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11102011

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L'appauvrissement volontaire Empty L'appauvrissement volontaire






Par Jean Zin le Dimanche, 9 octobre 2011



Bien loin des analyses du Capital, les marxistes avaient tendance à réduire le capitalisme à la captation illégitime de la force de collectivisation du travail, ce qui leur permettait de promettre des lendemains qui chantent avec une productivité soi-disant augmentée et une abondance socialiste que tout démentait hors la propagande soviétique. Il faut se persuader au contraire que le capitalisme et son productivisme intrinsèque sont imbattables dans la production de richesses monétaires et de marchandises. Toute alternative devrait donc se traduire par une réduction plus ou moins sensible du pouvoir d'achat d'une majorité de la population, d'autant plus dans ces périodes de crise. Prétendre qu'on saurait mieux faire marcher l'économie que le capitalisme marchand est une illusion sauf à en adopter son productivisme justement.

On ne fait pas ce qu'on veut en économie. L'échec de 1936, c'est la dévaluation et l'inflation qui ont annulé les augmentations de salaire arrachées de haute lutte, sa victoire, ce sont des droits conquis comme les congés payés. On peut certes attendre beaucoup d'une "libération du travail" et de la créativité qu'elle devrait produire, une bien meilleure qualité de vie mais certainement pas une augmentation du PIB ni des revenus sauf pour les plus pauvres.

Il faut donc être très clair sur les conséquences de toutes les mesures radicales qu'on veut défendre et l'amputation de notre pouvoir d'achat qu'elles impliquent. D'une certaine façon, on peut dire que, ce qui donne une chance à l'alternative, c'est que la crise de toute façon appauvrit toute la société mais ce serait mentir que de prétendre éviter cet appauvrissement qui est même désirable écologiquement et qui doit simplement être beaucoup plus équitable.

L'appauvrissement n'est acceptable qu'à 2 conditions, d'abord de supprimer la pauvreté en renforçant le droit à l'existence et le socle commun (revenu minimum, santé, logement, formation), ensuite en donnant accès à un travail épanouissant, au travail choisi et aux moyens du développement humain, ce qui est la seule façon de passer du quantitatif au qualitatif, d'améliorer la qualité de la vie en produisant et consommant moins.

Qui donc serait prêt à réduire son train de vie sauf à y être forcé ? Il y a bien quelques stratégies compatibles avec un retour de la croissance comme l'investissement dans les énergies renouvelables mais les enjeux écologiques, notre niveau de développement et la révolution numérique, pas seulement dans la finance, exigent des changements plus profonds. On ne peut plus accepter la domination universelle du profit ni une société de consommation qui devrait redevenir une société de producteurs autonomes ou associés. Il faut juste savoir que cela a un coût. Même la simple régulation de la finance, absolument indispensable, se traduit pas un coût financier, certes inférieur à l'écroulement d'un système dérégulé, mais quand la finance produisait de la richesse, rien ne pouvait l'arrêter. Les mesures plus radicales comme le retour au Franc ou le protectionnisme coûteraient encore plus cher, sans parler de l'autogestion des entreprises ou, bien sûr, des coopératives municipales. La relocalisation se traduit tout autant par un certain renchérissement des prix même si elle donne accès aussi à de nouveaux services de proximité. Il n'est pas question d'arriver au même niveau de vie, ce n'est pas forcément un drame s'il y a des contreparties mais il faut en être conscient.

Le slogan de la décroissance a été trop dévoyé et paraît particulièrement déplacé dans un moment de décroissance économique, cependant, son principal défaut tient non seulement à son caractère purement quantitatif mais à son abstraction trompeuse. Il faut parler plus clairement d'appauvrissement qui en est la réalité vécue qu'il faut regarder en face. Il s'agit de passer d'un appauvrissement subi à un appauvrissement voulu. Rien à voir avec tous ceux qui revendiquent une "simplicité volontaire" dans une stratégie individuelle plus religieuse et sacrificielle que politique. C'est de l'ordre du choix collectif, pour autant qu'on peut vraiment choisir, de la prise de conscience collective au moins, en tout cas de l'organisation de la production et de la sortie du productivisme salarial qui ne se fera pas sans perte de revenu. Il n'y a pas de mystère, si on cherche à se faire employer par une grande entreprise, c'est parce qu'on y est mieux payé qu'ailleurs et bien plus qu'à son propre compte. Il faudrait avoir mieux à faire, plus intéressant, et substituer l'objectif d'un travail choisi épanouissant au travail forcé rémunérateur. Il n'y a sans doute pas de majorité encore pour ça mais la crise pourrait en donner l'opportunité, sait-on jamais !

Il n'est pas si étonnant qu'on le dit que le capitalisme financiarisé ait tant de soutiens quand tant de gens auraient à perdre à son effondrement et la difficulté n'est pas tant de trouver un autre système mais qu'on le voudrait aussi productif (et une réduction du temps de travail sans perte de salaire). Les Chinois ont bien vu la différence entre l'économie administrée et le productivisme capitaliste. On ne peut nier que pas mal de gens auraient beaucoup à y perdre mais ce serait s'aveugler que de ne pas admettre le fait que toute sorte d'alternative ne peut que nous appauvrir, réduire des revenus déjà bien entamés, en commençant par une inévitable hausse des impôts. Il est naturel et sain de manifester contre ces agressions on ne peut plus injustes mais la revendication d'un retour à la prospérité antérieure est tout ce qu'il y a de plus vaine, on ne reviendra pas de si tôt à l'emballement du crédit et des bulles spéculatives. Après l'effondrement de la pyramide, les économies développées ne peuvent éviter des années de récession et de reconstruction. Ce qu'il faut, c'est se réorganiser en fonction de cette baisse des revenus, ce qui veut dire notamment réorganiser la distribution des revenus. Ce qu'il y a de bien dans ces luttes salariales, c'est qu'elles créent de nouvelles solidarités entre populations touchées à un titre ou un autre et c'est sur cette solidarité qu'il faut s'appuyer. En effet, ce qui semble sûr, c'est qu'un tel appauvrissement général rend les inégalités plus insupportables encore, soulevant l'indignation partout dans le monde.

Dans la suite d'un mouvement altermondialiste, qui a pu avoir une influence certaine malgré sa relative inconsistance, le mouvement des indignés semble prendre de l'ampleur et se répandre un peu partout, phénomène autant médiatique que social mais qui pourrait être le premier acte d'une véritable révolution mondiale qui commence avec la révolte contre une finance devenue folle. Il ne faut pas imaginer que se passer de la finance nous rendrait plus riches, mais plus libres, sûrement. Si nous ne pouvons pas retrouver notre niveau de vie antérieur, nous pouvons du moins ne plus courber la tête sous le joug de la finance et retrouver notre dignité et notre liberté avec notre solidarité. Les mots d'ordre des indignés ne sont pas si éloignés de l'ancien mot d'ordre des résistants grecs contre la dictature des colonels : "Pain, éducation, liberté". La crise actuelle qui a commencé par l'immobilier met en avant la question du logement qui s'ajoute au socle de droits qu'on peut attendre d'une société riche afin de protéger tous ses membres de la précarité : revenu minimum, droit au logement, sécurité sociale, éducation gratuite, participation citoyenne, liberté de parole, de manifestation et de moeurs.

Il faut quand même le dire, notre appauvrissement reste très relatif. Ce sont effectivement les sociétés riches qui s'appauvrissent alors que les pays pauvres se développent à un rythme accéléré. Cet appauvrissement pourrait même devenir un enrichissement si on en profitait pour augmenter les protections sociales et réduire les inégalités, pour organiser la relocalisation de la production et construire les institutions du travail autonome. La perte de productivité immédiate pourrait alors être compensée par une meilleure qualité de vie, la diminution des destructions et pollutions en tout genre, une société où les compétences seraient mieux valorisées. Il y a donc quelques raisons de prétendre qu'il n'y aurait finalement pas vraiment de perte de productivité ni véritable décroissance sur le long terme mais peut-être une production moins destructrice dans un monde plus fraternel et plus sûr. Oui, mais avec moins d'argent, même si une monnaie locale peut tenter de le compenser..

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brusyl
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