cybermaquis
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Cartes Pokémon : la prochaine extension ...
Voir le deal

novlangué-e-s........

Aller en bas

07012009

Message 

novlangué-e-s........ Empty novlangué-e-s........




à lire vite fait, amusant pas détonnant !

Fatigué-e-s du Meilleur des Mondes ?

Vous reprendrez bien un peu de novlangue !


Aldous a battu George, on s’en rend compte depuis un petit moment maintenant : le Brave New World d’Huxley semble beaucoup plus vraisemblable que le 1984 d’Orwell. Les grands totalitarismes se sont éteints avec le XXème siècle et s’ils peuvent toujours se réveiller, ce n’est sans doute pas pour tout de suite.

En attendant, un élément de 1984 est bel et bien présent aujourd’hui, quoique dans un contexte différent : la novlangue. Enfonçons une porte ouverte en rappelant que la différence avec la novlangue de 1984 tient bien sûr au fait que l’Etat n’est pas l’instigateur du phénomène. Mais nous constatons tous les jours que de nouvelles et mystérieuses règles non écrites prohibent ou détournent l’usage de certains mots.

Le politically correct n’a rien de nouveau, mais de toute évidence le mouvement s’accélère aujourd’hui : aux Etats-Unis le marketing de la langue fait succéder les prochoice aux prolife dans une surenchère de positive attitude ; en France, au delà des classiques "SDF" ou "non voyants" (mal-comprenants, disait aussi Desproges), on féminise les professions et (de plus en plus en ces temps de crise) on criminalise le mot "libéral", qui n’avait rien demandé à personne.

Difficile de vraiment condamner quelqu’un en l’accusant simplement de libéralisme : on a beau faire, le mot employé seul n’est pas encore entièrement connoté négativement (peut-être à cause du faux ami liberal qui désigne les progressistes américains ?). On l’entoure donc chaleureusement de fourbes préfixes qui ne cherchent qu’à le poignarder dans le dos. On traitera de préférence l’adversaire d’ultra-libéral, voire d’hyper-libéral, des sortes de mutants survitaminés vraiment très très méchants. Bien loin d’évoquer la fraîcheur de la nouveauté, le "néo" de néo-libéral évoque avantageusement celui de néo-nazi et pourra être employé avec prodigalité pour terrasser l’ennemi récalcitrant, dans une sorte de point Godwin économique.

L’arme fatale dans les querelles internes des forces de progrès sera bien sûr de condamner à une longue pénitence le malheureux qui n’aura pas dégaîné le premier le fameux "social-libéral". La preuve, Bockel a du se précipiter dans les jupes sarkozystes après sa motion du congrès du Mans, et Delanoë cherche partout le type qui a écrit son bouquin sans prédire la chute des frères Lehman, afin de lui briser les tibias. De vrais sociaux-traitres.

A droite même, le mot n’est employé qu’avec d’extrêmes précautions, et le libéralisme assumé reste l’apanage d’une micro-secte paranoïaque de discrets adorateurs d’Alain Madelin. Ce qui nous garantit le décès du mot libéralisme tel que les plus anciens d’entre nous ont pu le connaître : novlanguisé.

Beaucoup plus amusantes, certaines bizarreries novlanguistes peinent à s’imposer et à sortir de leur pré carré originel.
Prenons par exemple l’association des Motivé-e-s, qui connut son heure de gloire aux élections municipales de 2001 à Toulouse. Dotée d’un nom en forme de fer de lance de la lutte contre le machisme syntaxique, l’organisation sous-titre sa présence sur l’intertoile d’un fantastique et mystérieux "Motivé-e-s les élu-e-s".

La contagion a rapidement pris chez d’autres mouvements citoyens, sans doute à cause de l’allure délicieusement exotique que prennent les différents mots d’ordre et manifestes "syntaxiquement responsables".
La LCR défend par exemple les "exploité-e-s et les opprimé-e-s", la Confédération Paysanne entretient ses "liens avec les paysan-ne-s palestinien-ne-s" en ces temps difficiles et le PCF, dans un louable effort de modernité résolument altermondialiste, assure les migrant-e-s qu’il se battra jusqu’au bout pour leurs droits.
Les grands syndicats et certaines sections locales socialistes participent aussi occasionnellement à ce grand progrès.
Il n’est pas jusqu’aux sympathiques cyclonudistes (de joyeux lurons souhaitant faire la révolution tout nus et en vélo, si j’ai bien compris) qui n’invitent à "un déshabillage simultané de tou-te-s les manifestant-e-s" lors de leurs défilés.

Nonobstant ces quelques francs succès, peu d’autres associations ou partis ont suivi le mouvement : Attac, SOS Racisme, le MRAP s’en abstiennent, de même que les tendres Chiennes de garde. Pire encore, le NPA ne reprend pas la formule qui avait pourtant fait ses preuves à la LCR. Quant aux Verts, ils ont sans doute prévu d’en discuter âprement au cours des 27 prochaines AG, avec constitution de courants internes et débats jusqu’au bout de la nuit : le site global du parti s’en tient à un coupable conservatisme, alors qu’un grand nombre de sections locales évoquent les élu-e-s vert-e-s.

Alors, quel avenir pour les descendants des Motivé-e-s ? Visiblement, le phénomène n’a pris que dans certains mouvements altermondialistes et d’extrême-gauche, s’arrêtant aux marges de plus grands partis... mais n’ayons crainte, ailleurs aussi l’imagination est au pouvoir : la grande Ségo invente la bravitude et les droits humains, tandis que le petit Nicolas passe au Kärcher ce qui reste d’exigence en matière de culture générale dans la fonction publique. On n’est pas complètement largué-e-s, dans les grands partis de gouvernement.



http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=49521
brusyl
brusyl
Admin

Nombre de messages : 3110
Date d'inscription : 17/07/2008

Revenir en haut Aller en bas

Partager cet article sur : reddit
- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum