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Chou et Chaton en route vers l'insurrection

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16022009

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Chou et Chaton en route vers l'insurrection Empty Chou et Chaton en route vers l'insurrection




Chou et Chaton en route vers l'insurrection partie 1

(Des balbutiements de mutinerie au cœur de l'infanterie présidentielle par Seb Musset)


Elle se situe à portée de métro de Paris, dans ce département cher à l’union majoritaire qui fait bien sur le CV.
La ville est un ancien bastion ouvrier dont les logements se divisent aujourd’hui entre parents rentiers et enfants endettés.
Des panneaux municipaux aux sourires appuyés rappellent que dans cette ville moderne chaque mètre carré est vidéo surveillé. Pourtant bien peuplée, la ville se terre silencieuse, sans émulation de voisinage. On y entend vaguement quelques rires d’enfant entre 16h30 et 17h10 et puis rien, juste le bruit de fond des véhicules qui, depuis les larges avenues qui leurs sont dédiés, vont et viennent de la capitale en laborieux soubresauts de l'aube à la nuit tombée

Au fil des petites rues anonymes désertées par les commerces, se suivent sans ligne conductrice autre que le bétonnage du moindre espace libre, des rangées dépareillées de bâtiments sans âme, dortoirs pour CDI parisiens à rêves américains.

C’est une ville propre, non-fumeur, non-buveur. Y trône à l'entrée un Mac Donalds’s avec son Mac Drive spécialement aménagé pour les 4X4, histoire de signifier aux alter-mondialistes égarés qu’ici on ne va pas contre le progrès.

C’est le genre de ville de la petite couronne comme celle d’avant et celle d’après dont on ne peut dire en la traversant où et quand l’on est vraiment. Cumulant atonie provinciale et promiscuité urbaine, sans cœur ni charme, cette ville n’aura d'intérêt que pour les jeunes propriétaires qui y sont majoritaires.

La municipalité ne respectant pas depuis des décennies les quotas de logements sociaux, l’inflation du mètre carré à la location fait la fierté des primo-accédants qui, sponsorisés à taux préférentiel par leurs parents (ceux-là habitent dans les belles maisons individuelles des rares rues arborées transformées en réserve pour seniors), ont achetés au plus haut de la bulle immobilière leur parcelle sonore, hideuse et surchauffée dans un de ces paquebots gris crasseux que partout ailleurs ils appelleraient immeubles à chier.

C’est dans l’un d’eux, Bloc D couloir B, 4e étage, porte 7 que se déroule la soirée.

Bienvenue chez Chou et Magali.

Chou est chef d’équipe dans une concession Pigeon. Magali stagne depuis trois ans à son guichet de vente de téléphone mobile de la Rue des Martyrs. En mai 2007, Chou et Magali ont voté pour qui vous savez. Déjà forts d'un revenu cumulé de 2500 euros qui leur assurait le bonheur sur terre (à savoir appartement, Laguna, scooter et ensemble Guy Degrenne de 12 couverts, le tout en 420 mensualités), ils étaient persuadés que leur contribution au sacre de leur candidat scellerait leur assimilation à la fine fleur de la nation. D'autant qu'avec son vocabulaire tout terrain, son dégout de la culture, sa prime à ceux qui se lèvent tôt, ses lunettes de marque et ses montres dorées agitées crânement sous le nez des chômeurs, ils leur semblait qu'ils avaient tous les trois beaucoup de points en commun.

La faute aux enfants et au pouvoir d’achat en baisse, chez Chou et Magali comme chez tous les Chou et Magali de la barre D, on ne touche Paris que des yeux. Chez eux, c'est par la fenêtre de la cuisine que l'on voit le mieux un bout de Tour Eiffel. Le couple ne se rend à la capitale que pour taffer. Pour compenser, dans la bonne humeur et le respect des traditions de la classe supérieure, on s’invite de temps à autre à domicile, entre relations de bureau ou anciens copains de classe, dans des rallyes de savoir-vivre.

Ce samedi soir, Chou et Mag reçoivent la sœur ainée de cette dernière et son mari, Chaton.

L’enceinte Marion, version pavillonnaire et excentrée de sa sœur, est montée de Limoges pour montrer son bidon bien rebondi à Magali qui, elle, piaffait d’impatience de lui faire admirer ses huit nouvelles chaises en polycarbonate de Starck que Chou lui a offert pour ses 30 bougies. Les nouvelles chaises racées et à prix malin, viennent s'ajouter aux 6 autres Verner Panton de chez Habitok. Le taux de siège dans le petit salon, 0.6 par mètre carré, grimpe à 1 si l'on prend on compte les 2 canapés croutés de chez Tout-en-massif. Les convives ne bougeront guère dans la petite pièce de réception. S'ils ont l'embarras du choix pour s'asseoir , pour s'y mouvoir c'est une autre histoire.

Marion ayant vu la promotion en question en décembre dernier sur enchères-privées.com, elle s’est procurée les mêmes chaises un mois plus tôt et en 10 fois sans frais.

- La vache ! Ragea en son fort intérieur la maitresse de maison alors qu'elle servait les chips de pomme séchée. La soirée est mal barrée.

L’effet de stupeur n’ayant pas fonctionné, Magali se rattraperait en mettant les petits plats dans les petits. Pour cela, elle avait sorti le grand jeu du vaisselier obstruant de moitié l'accés à la cuisine: L'ensemble 24 assiettes, 16 couverts avec plateau tournant et poubelle de table en argent.

Le repas, entamé depuis une bonne heure, les deux couples en étaient seulement à la septième entrée. Ni Chou ni Mag n'évoquèrent les patates contre l’ennui (et la vie chère) qu'eux et leurs enfants mangèrent toute la semaine afin de financer cet extra intra-muros.

Pas question de ne pas impressionner. Surtout qu'avec son préambule enjoué, à peine arrivée, au sujet de son super pavillon d’architecte charentais bordé de son terrain d'e 120 m2 avec vue sur TGV, Marion prit une avance certaine sur son aînée.

Marion réhitère la précision avec une pointe de sadisme lourde de sous-entendu : - "Nous on a fait le choix de la qualité de vie."

Les initiés savent que le choix de Marion n'en fut pas un. A la fin de leurs études en stratégie marketing, elle et Chaton quittèrent Paris sous peine de finir sous les ponts. Avec l’apport de Papa et Maman prenant leur retraite vers Angoulême, ils firent construire une maison pas loin. Voila les dessous de l'affaire qui, grâce à une hable réinterprétation des faits, place la barre très haut en convient secrètement Magali. Pour sa part, elle ne peut que se vanter de l'imposant prix d’achat de son 60 m2 : 280.000 euros. Bien qu'il eut s'agit d'une époque où les banques prétaient les yeux fermés, la somme impose toujours le respect dans les diners de salariés.

D'abord isolés, Marion et Chaton déprimèrent un peu. Mais, bientôt, d’autres comme eux eurent la même idée et, en moins de 3 ans, le paradis perdu devint le centre d’un ghetto horizontal pour petits revenus, le département n’étant pas réputé pour la vivacité de son marché de l'emploi.

Au bout de 200 curriculum envoyés, Marion dégota un poste de sécretaire dans une entreprise de fabrication de frigos pour bouchers, à 85 kilomètres de son royaume. Chaton s'en tira avec un poste de commercial en pierres tombales. Pas vraiment la boîte de pub qu'ils revaient de fonder. Mais cela n’aura qu’un temps jure Marion: Une fois le petit en âge de regarder tout seul la télé, ils deviendront auto-entrepreneurs sur Ebay !

FIni l’anti-pasti au foie gras lafoir'fouille nappé de son coulis de fraise de chez Pas-cher-mais-périmé, le gratin du tertiaire déguste à la petite cuillère son surimi à la gelée de pistache Bouffe-en-gros dans des verrines Maisons du monde à 37 euros l’unité, le tout arrosé de Coca Zero. Focalisant la totalité de leur espace annuel de conversation sur ces choses qu'elles avaient ou qu'il leur fallait posséder, il y avait bien longtemps, peut-être même jamais, que les deux sœurs n'avaient abordé un sujet d'actualité à contenu social.

Délaissant leurs ravioles à la vache-qui-rit, Magali et sa soeur se dépatouillaient comme elles le pouvaient depuis une heure avec un vrai débat de fond, certes entamé par Chou et Chaton. Thématique du soir : On a pas assez de pognon !
Face à la crise, Chou, homme à poigne, tranche dans le superflu :
- Nous on va réduire de 300 euros sur la bouffe en budget mensuel.
Le mari passe son temps libre à gérer les finances du couple, établissant sur la base d'une étude comparative des prospectus trouvés dans sa boite aux lettres, le plan de combat des excursions culturo-familiales du week-end au Garreouf et au Lechèr, le premier étant le plus avantageux pour le kilo de nouilles, le second offrant un quatrième dvd gratuit de Jet Li pour 3 de Steven Seagal déjà achetés.

Tant bien que mal, bravant les imprévus du type de ceux imposés par une contre-visite au contrôle technique ou par une liste d'achat de fournitures scolaires pour ces enfants qui coutent vraiment trop chers, le couple se tient à jour du must-have de ses compagnons de standing : Console de jeu, écran plasma, lcd, hd ready, full hd, total hd, new hd2 ready, lampe fleur ou tabouret chromé et autres objets aussi inutiles que dispendieux au look seventies, signes extérieurs de noblesse familiale. Ainsi, leurs parents lorsqu’ils descendent en excursion dominicale dans leur colonie ne se sont jamais inquiétés des difficultés budgétaire du couple apparaissant, sur le plan décoratif, au zenith de la joie de vivre.

Tout le reste, ce qui n’est pas ostentatoire, du paquet de biscottes aux vacances éternellement repoussées, sans parler de ces impôts qui font chier, est envisagé par Chou et Magali sous l’angle du qu’est-ce que ca va encore nous coûter !

Au beau milieu de son salon décoré comme la page centrale d'un Marie-Chantal Maison, disposant de toutes les avancées technologiques telle qu'imposées dans le hors-série spécial alors-tu-l'as-voit-ma-thune de Total Dolby 5.1 Magazine, Chou s’insurge :

- Avec la crise, on se fait encore niquer !


Dernière édition par brusyl le Lun 16 Fév 2009 - 15:05, édité 1 fois
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Chou et Chaton en route vers l'insurrection :: Commentaires

brusyl

Message Lun 16 Fév 2009 - 15:03 par brusyl

Chou et Chaton en route vers l'insurrection partie 2


Le constat lucide et clairvoyant impose le respect à la petite assemblée consciente de l’urgence de se fédérer en un mouvement concret. D’autant que pour des questions budgétaires aucun d’entre eux n’a renouvelé sa cotisation UMP cette année.

Sentant l’unanimité du mécontentement au sujet de la tournure économique du moment, Magali se lance :

- Chou montre leur notre groupe fessebouque.

L’homme s’exécute et pose fièrement, pas loin du sorbet de pot-au-feu à la feuille d’oranger, son notebook précieux dont il caresse la coque ambrée en susurrant ces 4 mots "- 350 euros sur Mister-bon-tuyau.com" accompagnés d’un clin d’œil complice au couple de provinciaux qui décode d’instinct la valeur ajoutée que procure à l’objet cet imposant rabais.

Le groupe social se nomme sobrement : Ceux qui en ont marre de travailler comme des abrutis et de se faire enfler par des patrons qui gagnent des millions.

Il réunit en ligne une trentaine de trentenaires révoltés qui veulent en découdre avec un monde trop injuste. Ils revendiquent ce point commun d’être diplomés au terme d'études qui ne servent à rien et de travailler depuis comme des bœufs dans des métiers qu’ils définissent comme pourris pour des augmentations classées merdiques mais qui cette année, suite à l’abandon sec des heures supplémentaires pour la plupart d'entre eux et la menace du chômage partiel pour le reste, seront en croissance négative comme dirait celle à qui ils ont confié, par calife interposé, leur destinée économique.

Magali dévoile la génése de cette révolution Hi-tech au service de son bouleversement idéologique :

- C'est depuis l'histoire des milliards donnés aux banques le jour où on m'a refusé ma prime que j'ai eu l'idée !
Et Chaton de développer :

- Ouais, ils nous prennent vraiment pour des cons !

L’ambition du groupe est sans détour : Il s’agit pour cette crème du tertiaire n’ayant toujours aucun recul sur les conséquences de ses actes et de son vote, de partager sa douleur de caste bafouée avec d’autres déclassés comme elle. En clair : Parce que cela fait trop gauchiste de défiler dans la rue, les enfants de la petite-bourgeoisie, confrontés avec horreur à une réalité de prolétaire (sans l’estime de leur travail et avec les impératifs économiques d'une endettement carabiné) déversent leur rancoeur en petit comité.

- Je fais ça le soir avant de me coucher, mais pas trop longtemps. Pour pas être trop chiffon le lendemain au boulot. Susurre la séditieuse.

Le premier article est un appel au rassemblement des "hôtesses de caisse, techniciens de surface, chefs de rayon, commerciaux, conseiller clientèle, animateurs ou vendeurs, bref tout ceux qui" (malgré l’intitulé initial déplorant des activités professionnelles ennuyeuses et peu rémunératrices) "ont la chance d’avoir un boulot". Ne pas chercher la
présence de fonctionnaires dans la liste des métiers, il est stipulé "salariés du secteur privé". Pour la petite assemblée qui en est à son troisième dessert, un cake à la sole, les fonctionnaires sont une dérive parasitaire de la race humaine qui entrave la croissance du PIB, des fauteurs de grève qui les empêchent, eux, les honnêtes travailleurs d’arriver en avance sur leur site d’exploitation, histoire de bien se faire voir du patron.

Message suivant : Une secrétaire aux 39 heures sans RTT, vocifère d’en faire 45 parce qu’une saloperie de conscience professionnelle s’est introduite en elle. Suivent des coups de gueule contre les assistés qui ne veulent pas travailler et qui n’ont qu’à quitter le pays.

Une clerc de notaire, appuyant sur son Bac+6, dénonce cette malversation sociale qui déstabilise sa supériorité bourgeoise et déchire ses espérances d'acquisition de maison avec piscine et jakuzzi d'ici 10 ans : "Conseille à ton enfant de faire un CAP plomberie. Les plombiers eux ils se font des couilles en or." Et de poursuivre sa vibrante confession "en plus de mon boulot de merde, j’me tape les courses le soir, le ménage et le repassage" . Il n’y a pas plus grand malheur pour un enfant de bourgeois que de ne pas pouvoir s'offrir de domestiques à temps partiel, si ce n'est celui de se rendre compte, les années de labeur passant, qu'il est le domestique à temps plein de cette aristocratie qu'il a plébiscité et à laquelle il n'aura jamais accès.

Un conseiller clientèle se morfond : "On m’avait dit qu’on m’augmenterait et maintenant comment je vais rembourser mon prêt ?" Chiale t-il en octets.

Un vendeur d’assurances dénonce son mauvais traitement : "Et en plus, on paye 200 € mensuel le syndic de copropriété pour être dans le quartier le moins huppé de la ville !" L'homme qui voulait être propriétaire a du se résoudre à acheter chez les gueux, un scandale de plus ! Constatant qu'avec la chute de l’immobilier et ses comptes chroniquement dans le rouge, il n'est pas pas prêt de quitter sa cellule surtaxée entouré de tous ces médiocres qui lui foutent la haine parce qu’ils lui ressemblent, l'homme se lâche dans une dernière sentence dont la rudesse justifie toutes les inquiétudes de Frédéric Lefebvre au sujet de la dérive des propos sur internet :

- J'pète un plomb contre ce gouvernement !

De message en message, Magali et Marion retrouvent à travers les phrases des autres leur lancinant désarroi quotidien que depuis des années elles n'imaginaient pas mettre en mots. De la difficulté de vivre une vie de nouveau riche quand on a jamais vraiment cessé d’être pauvre. Et plus si récession.

Le comble de la tragédie des trentenaires est atteint dans ces témoignages accusant leurs parents de devenir radins. Paniqués par la crise et le maigre montant de leurs retraites, les ainés ferment le robinet à subvention (autant il est mal vu d'être aidé par l'état, autant par les coups de pouce parentaux ne sont eux jamais discutés). Ce chef de secteur est ainsi horrifié par ses ingrats géniteurs qui lui demandent de rembourser l’apport prêté pour qu’il achète à crédit son 3 pièces il y a 5 ans. "Salauds de vieux qui se goiffrent des retraites à rien foutre tandis que nous on se tue à la tache pour leur payer leurs pillules bleues !" Guigne supplémentaire, loin de la plus value escomptée, 5 ans après le 3 pièces du trahi n'en vaut plus que 2.

En lisant les plaintes, les doléances et la montée de cette colère envers les puissants, Magali est émue aux larmes. Jamais elle n’aurait pensé qu’elle serait à l’origine d’un grand mouvement de contestation qui comptabilise à ce jour 34 amis, dont 16 sous un faux nom.

Marion est séduite par cette violence inédite des échanges sociaux. Elle découvre ébahie que l’on peut faire autre chose sur internet que retrouver des copains de classe et acheter des chaises en ventes privées pour 4 millions d’abonnés.

- C’est vachement bien tu m’enverras l’invit’.

Pas encore habituée à décrier son boulot, elle se dit qu’elle trouvera bien quelque chose à critiquer sur celui-ci pour ne pas passer à coté de la nouvelle mode fessebouquienne de la dénonce de sa condition d'esclave consentant. Vu qu'elle a entendu des rumeurs de dégraissage en provenance de la direction, elle se dit qu'elle aura de quoi faire à son retour de congé maternité. Enfin, si la boite survit.

- Bon, un poker ça vous dit ? Claironne Magali servant les cappuccinos tirés de sa machine dorée aux capsules à clipser.

- Ouais, mais sans argent alors : J'ai plus un rond. Répond Chaton.

Dépités à l'idée qu'une fois encore ils ne vont rien gagner, touillant la crème de leur cappuccino à la petite cuillère en argent dans des tasses Allessi, les révoltés du néo-monde se soumettent une fois de plus à la réalité :

- Bon,bah,on a qu’à faire semblant.


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