Oxymore, ou est ta victoire ?
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23032009
Oxymore, ou est ta victoire ?
Canard du 18 mars 2009
Voici un homme qui ne demande qu'a etre dementi. A condition, bien entendu, d'etre au moins d'accord sur deux faits. Un, "la biosphere est une pellicule fragile et fine, une sorte d'exception presque miraculeuse dans un environnement vide et glace" : ceux qui croient qu'on trouvera la semaine prochaine une planete habitable de rechange a portee de fusee peuvent quitter le debat. Deux, "cette fragile biosphere ne pourra longtemps supporter cette croissance continue sans s'effondrer" : ceux qui pensent qu'une croissance infinie est possible dans ce monde fini et que le marche couple a la techno-science sera, par essence, capable de resoudre les problemes qu'il a engendres peuvent retourner au PMU, les paris sur l'avenir, c'est distrayant.
Considerant ces deux faits, le philosophe Bertrand Meheust en deduit dans un livre stimulant (1) qu'il faut changer le systeme en place : air connu. Mais il ajoute aussitot que cela lui parait impossible : "tout concourt a ce que le systeme aille jusqu'au bout de sa logique." Transformer les mentalites et les pratiques, comme nous l'enjoignent bon nombre de "lanceurs d'alerte" ? Mais comment ? "Toute societe cherche a perseverer dans son etre", affirme Meheust et, un univers mental ne se modifiant que sous la pression, il faudra que celle-ci soit extreme pour que la notre se decide a changer. Les chances sont fortes qu'il soit alors trop tard. Mais le "developpement durable" alors ? Ne constitue-t-il pas la seule alternative encore praticable entre un impossible retour en arriere et la surenchere suicidaire du liberalisme moderne ? Meheust rappelle qu'il s'agit juste d'un oxymore, une de ces expressions qui rapprochent deux termes inconciliables, comme "obscure clarte", et n'a qu'une fonction : embrouiller les esprits. "Pour se cacher a elle-meme cette horrible verite, que son projet fondamental est insense et intenable, et qu'il mene l'humanite aux abimes", notre societe recourt massivement a ces figures de style. Ainsi, "le Grenelle de l'environnement vient dans le discours sarkozyen compenser l'apologie du liberalisme et de la consommation". Ainsi, l'"agriculture raisonnee" ou la "moralisation du capitalisme" n'ont pour but que d'enfumer les esprits, et de differer les mesures cruciales. Inertie considerable du systeme. Aveuglement des elites et formatage subsequent de l'opinion via les medias. "Atouts handicapants" qui permettent a notre societe d'aller beaucoup plus loin que les autres dans le domaine de l'egarement. "Chaque instant qui passe nous eloigne davantage du moment ou un autre avenir serait possible", dit Meheust. Voila un prophete de malheur de plus. En ces temps d'optimisme force genre "la reprise n'est pour pas plus tard que dans pas longtemps", ca fait du bien, non ?
Jean-Luc Porquet
(1) "La politique de l'oxymore" (Les empecheurs de penser en rond/La Decouverte), 162 p, 12 euros.
Voici un homme qui ne demande qu'a etre dementi. A condition, bien entendu, d'etre au moins d'accord sur deux faits. Un, "la biosphere est une pellicule fragile et fine, une sorte d'exception presque miraculeuse dans un environnement vide et glace" : ceux qui croient qu'on trouvera la semaine prochaine une planete habitable de rechange a portee de fusee peuvent quitter le debat. Deux, "cette fragile biosphere ne pourra longtemps supporter cette croissance continue sans s'effondrer" : ceux qui pensent qu'une croissance infinie est possible dans ce monde fini et que le marche couple a la techno-science sera, par essence, capable de resoudre les problemes qu'il a engendres peuvent retourner au PMU, les paris sur l'avenir, c'est distrayant.
Considerant ces deux faits, le philosophe Bertrand Meheust en deduit dans un livre stimulant (1) qu'il faut changer le systeme en place : air connu. Mais il ajoute aussitot que cela lui parait impossible : "tout concourt a ce que le systeme aille jusqu'au bout de sa logique." Transformer les mentalites et les pratiques, comme nous l'enjoignent bon nombre de "lanceurs d'alerte" ? Mais comment ? "Toute societe cherche a perseverer dans son etre", affirme Meheust et, un univers mental ne se modifiant que sous la pression, il faudra que celle-ci soit extreme pour que la notre se decide a changer. Les chances sont fortes qu'il soit alors trop tard. Mais le "developpement durable" alors ? Ne constitue-t-il pas la seule alternative encore praticable entre un impossible retour en arriere et la surenchere suicidaire du liberalisme moderne ? Meheust rappelle qu'il s'agit juste d'un oxymore, une de ces expressions qui rapprochent deux termes inconciliables, comme "obscure clarte", et n'a qu'une fonction : embrouiller les esprits. "Pour se cacher a elle-meme cette horrible verite, que son projet fondamental est insense et intenable, et qu'il mene l'humanite aux abimes", notre societe recourt massivement a ces figures de style. Ainsi, "le Grenelle de l'environnement vient dans le discours sarkozyen compenser l'apologie du liberalisme et de la consommation". Ainsi, l'"agriculture raisonnee" ou la "moralisation du capitalisme" n'ont pour but que d'enfumer les esprits, et de differer les mesures cruciales. Inertie considerable du systeme. Aveuglement des elites et formatage subsequent de l'opinion via les medias. "Atouts handicapants" qui permettent a notre societe d'aller beaucoup plus loin que les autres dans le domaine de l'egarement. "Chaque instant qui passe nous eloigne davantage du moment ou un autre avenir serait possible", dit Meheust. Voila un prophete de malheur de plus. En ces temps d'optimisme force genre "la reprise n'est pour pas plus tard que dans pas longtemps", ca fait du bien, non ?
Jean-Luc Porquet
(1) "La politique de l'oxymore" (Les empecheurs de penser en rond/La Decouverte), 162 p, 12 euros.
Donald11- Admin
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Oxymore, ou est ta victoire ? :: Commentaires
Re: Oxymore, ou est ta victoire ?
Comme nous n’avons rien de plus précieux que le temps, il n’y a pas plus grande générosité que de le perdre sans en tenir compte.brusyl a écrit:Il faudrait en effet que nous nous pressions tranquillement, au lieu d'enfoncer les portes ouvertes comme le fait Sarkozy ou le non-dit officiel diffusé par le gouvernement, pour rompre ce silence assourdissant et imposer une rupture dans la continuité, un changement tranquille de notre monde, une consommation solidaire!!!
Marcel Jouhandeau
On faisait, on faisait ... a coup de Martel ... en 732 ... si ma memoire ne me trahit pas.PS : à Poitiers, on fait de beaux occis maures !!!
Il faudrait en effet que nous nous pressions tranquillement, au lieu d'enfoncer les portes ouvertes comme le fait Sarkozy ou le non-dit officiel diffusé par le gouvernement, pour rompre ce silence assourdissant et imposer une rupture dans la continuité, un changement tranquille de notre monde, une consommation solidaire!!!
PS : à Poitiers, on fait de beaux occis maures !!!
PS : à Poitiers, on fait de beaux occis maures !!!
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