Un autre mur est tombé, hier. Celui qui nous protégeait de l'intégrisme politique, du fascisme rampant et de la stupidité ordinaire.

Le coup de pioche fatal a été porté par le dépité de Seine-Saint-Denis, cet Eric Raoult dont, depuis longtemps, nous pouvons admirer le racisme élémentaire, la xénophobie basique et le droitisme extrême.



Marie N'Diaye vient de recevoir le prix Goncourt pour son livre "Trois femmes puissantes". Cette récompense lui apporte suffisamment de notoriété pour que des folliculaires s'intéressent à elle. Certains, reconnaissant déjà son talent, étaient venus s'entretenir avec elle à la fin août. L'interview paraissait dans un journal le 30 de ce mois. Ce n'est que ces jours-ci qu'elle est tombée sous l'oeil bovin du gros député UMP.

Essoufflé et époustouflé, le gros plein de la bonne soupe umpique apprend que l'écrivante, son compagnon et leurs trois enfants ont quitté la France, il y a une trentaine de mois, et se sont installés à Berlin. "Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy", dit l'incivile, qui dénonce une "atmosphère de flicage, de vulgarité".

Pour charger un peu plus la barque, elle juge "monstrueux" les ministres de l'immigration prohibée et proscrite successifs, Brice Horteflic et Judas Baissons-Pavillon.



Nombreux sont ceux qui pensent comme elle, mais pas Eric Raoult, qui trouve ses propos "d'une rare violence, peu respectueux, voire insultants".

Il se fend d'une lettre à Frédéric Mitterrand, où l'on peut lire que le Goncourt est "le prix littéraire le plus prestigieux", qu'il "est regardé en France mais aussi dans le monde". D'aucuns lisent l'ouvrage primé, Eric Raoult le "regarde". On mesure la nuance...

Du coup, "le message délivré par les lauréats se doit de respecter la cohésion nationale et l'image de notre pays". L'identité nationale, somme toute.

Sur son cheval noir, avec ses bottes et son grand chapeau, avec son colt et son grand lasso, Zorro, le beau Zéro, le grand Zozo, arrive au secours des valeurs du royaume. Il demande au ministre de l'inculture de rappeler aux honorés un "nécessaire devoir de réserve qui va dans le sens d'une plus grande exemplarité et responsabilité".

Qu'ils soient donc des exemples de flagornerie, qu'ils endossent la responsabilité de la flatterie ou qu'ils se taissent !



Il y a bien des citoyens qui, à cause de leur fonction, sont tenus à un devoir de réserve. On voit mal un préfet tirer à boulets rouges sur le gouvernement qui l'a nommé, un magistrat contester la loi, un professeur endoctriner ses élèves, un gendarme crier "mort aux vaches !".

Ceux qui sont contraints à une certaine retenue sont, en général, des fonctionnaires.

Le lamentable Eric Raoult veut faire des écrivains, des poètes, des artistes, etc., des serviteurs de l'Etat monarchique, ayant le devoir de réserver leurs louanges au prince, à ses pompes à talonnettes, à ses oeuvres et à tous ses godillots serviles.

Il remplit parfaitement son devoir d'idiotie.



A la Cour du Roi Soleil, où régnait la plus grande liberté, les gloires littéraires, les peintres, les musiciens, n'existaient que dans la mesure où ils balancaient l'encensoir. Ceux qui critiquaient avaient des chances de se retrouver à la Bastille.

Dans le poulailler du roitelet comme la Lune, ce sera bientôt la même chose. Hourrah !



Francois Ribard.
http://lemeilleursdesmondes.blogs.nouvelobs.com/