On trouve de tout dans le cambouis…
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31032009
On trouve de tout dans le cambouis…
par Giorgione •
Rédigé le 28/03/2009 à 08:17 dans Discours | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)
http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/
Pour défendre son action, vexé, il affirme : « J’ai les mains dans le cambouis, moi, Môssieur ! Je ne parade pas devant les caméras ! » A tel autre, adepte du péremptoire « Y a qu’à… », on suggère de « mettre un peu les mains dans le cambouis ».
Cette métaphore courante, comment fonctionne-t-elle ? De quoi est-elle porteuse ?
Si l’on en croit les dictionnaires usuels, le cambouis, c’est cette huile ou graisse noirâtre, usée par le frottement des roues d’une voiture ou des organes d’une machine.
« Mettre les mains dans le cambouis » suppose donc, dans le pire des cas, une panne, un dysfonctionnement auquel il faut remédier, à tout le moins l’entretien régulier d’un mécanisme pour en garantir le bon fonctionnement. Pour que « ça marche », il faut changer une roue, vérifier un niveau d’huile, toutes opérations pour lesquelles, quand il s’agit d’une voiture, les stations-services offrent maintenant des gants de plastique qui évitent les ongles noirâtres, les taches, les frais de teinturerie.
Mais au-delà de la voiture et plus généralement, dans l’emploi métaphorique que nous en faisons, « mettre les mains dans le cambouis », c’est accepter, bon gré mal gré, d’agir. Il n’y a pas que la théorie dans la vie, il y a aussi la pratique, les conditions concrètes, les contraintes du réel. Théoriquement tout doit bien fonctionner, pratiquement il faut y veiller, y travailler. Ainsi notre expression suppose, en s’y opposant, une division, entre théorie et pratique : à celui qui plane, qui n’a pas les pieds sur terre, on demande d’atterrir. Non pas division, mais partage : « la réalité rugueuse à étreindre », disait Rimbaud.
Car il faut aussi accepter de se salir, d’avoir les « mains sales », pour parler comme Sartre, accepter de se souiller, de se mouiller, au propre comme au figuré : « assurer l’intendance », « se charger des basses œuvres », « faire le sale boulot ». La tâche peut être tache, d’où, peut-être, une hiérarchie, une division du travail entre ceux qui s’arrogeraient la seule conception –les maîtres - et ceux à qui on laisserait de se salir les mains dans l’exécution – les esclaves. Nouvelle division donc, sociale ou politique cette fois-ci que notre expression récuse et conteste : « mettre les mains dans le cambouis », c’est accepter soi-même ou demander à l’autre de rompre une hiérarchie, de se mettre au niveau le plus humble.
N’y en aurait-il pas une troisième division, liée à la précédente ? En effet la division politique et sociale se double d’une division morale ou symbolique, peut-être ontologique. Caractère immaculé du projet, de l’Idée d’un côté, sordide et souillure de la réalité concrète de l’autre, soit donc division entre le Pur de la conception, de l’Idée, et l’Impur du concret, du matériel laissé à des Intouchables. Haute caste contre basse caste ou, si l’on préfère, Esprit vs Corps, incommensurables l’un à l’autre, en bon platonisme qui se respecte.
De la théorie et de la pratique, du politique, du moral et de l’ontologique, décidément on trouve de tout dans le cambouis…
Rédigé le 28/03/2009 à 08:17 dans Discours | Lien permanent | Commentaires (3) | TrackBack (0)
http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/
Pour défendre son action, vexé, il affirme : « J’ai les mains dans le cambouis, moi, Môssieur ! Je ne parade pas devant les caméras ! » A tel autre, adepte du péremptoire « Y a qu’à… », on suggère de « mettre un peu les mains dans le cambouis ».
Cette métaphore courante, comment fonctionne-t-elle ? De quoi est-elle porteuse ?
Si l’on en croit les dictionnaires usuels, le cambouis, c’est cette huile ou graisse noirâtre, usée par le frottement des roues d’une voiture ou des organes d’une machine.
« Mettre les mains dans le cambouis » suppose donc, dans le pire des cas, une panne, un dysfonctionnement auquel il faut remédier, à tout le moins l’entretien régulier d’un mécanisme pour en garantir le bon fonctionnement. Pour que « ça marche », il faut changer une roue, vérifier un niveau d’huile, toutes opérations pour lesquelles, quand il s’agit d’une voiture, les stations-services offrent maintenant des gants de plastique qui évitent les ongles noirâtres, les taches, les frais de teinturerie.
Mais au-delà de la voiture et plus généralement, dans l’emploi métaphorique que nous en faisons, « mettre les mains dans le cambouis », c’est accepter, bon gré mal gré, d’agir. Il n’y a pas que la théorie dans la vie, il y a aussi la pratique, les conditions concrètes, les contraintes du réel. Théoriquement tout doit bien fonctionner, pratiquement il faut y veiller, y travailler. Ainsi notre expression suppose, en s’y opposant, une division, entre théorie et pratique : à celui qui plane, qui n’a pas les pieds sur terre, on demande d’atterrir. Non pas division, mais partage : « la réalité rugueuse à étreindre », disait Rimbaud.
Car il faut aussi accepter de se salir, d’avoir les « mains sales », pour parler comme Sartre, accepter de se souiller, de se mouiller, au propre comme au figuré : « assurer l’intendance », « se charger des basses œuvres », « faire le sale boulot ». La tâche peut être tache, d’où, peut-être, une hiérarchie, une division du travail entre ceux qui s’arrogeraient la seule conception –les maîtres - et ceux à qui on laisserait de se salir les mains dans l’exécution – les esclaves. Nouvelle division donc, sociale ou politique cette fois-ci que notre expression récuse et conteste : « mettre les mains dans le cambouis », c’est accepter soi-même ou demander à l’autre de rompre une hiérarchie, de se mettre au niveau le plus humble.
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