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Les malades mentaux sont plus souvent victimes que criminels

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02012009

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Les malades mentaux sont plus souvent victimes que criminels Empty Les malades mentaux sont plus souvent victimes que criminels




Par Rémi Leroux | Rue89 | 01/01/2009 | 19H29

http://www.rue89.com/marseille/2009/01/01/les-malades-mentaux-sont-plus-souvent-victimes-que-criminels

La fugue d'un malade mental jugé dangereux à Marseille (finalement rattrapé pendant la nuit du Nouvel An) a relancé le débat sur la psychiatrie.

Le psychanalyste et universitaire marseillais Roland Gori revient sur cet événement et sur les mesures annoncées par le président de la République début décembre, après la mort d'un étudiant grenoblois poignardé par un malade échappé d'un hôpital psychiatrique.

Roland Gori est l'un des trente-neuf premiers signataires de "La nuit sécuritaire", une pétition qui dénonce ce plan pour la psychiatrie de Nicolas Sarkozy.

Un plan "aux conséquences dévastatrices" selon les praticiens, hospitaliers et universitaires, mais surtout révélateur de cette "politique de la peur" menée par le président de la République et son gouvernement qui, bien au-delà de la seule psychiatrie, usent et abusent du sensationnel et du fait divers pour "imposer des mesures sécuritaires".

Sécurité et qualité des soins en milieu psychiatrique... est-il aujourd'hui possible de concilier les deux?

Qu'il s'agisse du drame de Grenoble ou de l'évasion d'un fou dangereux de l'hôpital Edouard Toulouse de Marseille, je voudrais d'abord dire que nous sommes obligés de prendre en compte la souffrance des familles des victimes et des patients eux-mêmes.

Cependant, je ne vois pas très bien comment nos sociétés pourraient éradiquer ces événements. A moins de penser que l'on puisse supprimer la folie, ou supprimer les différents troubles liés à la souffrance psychique ou aux souffrances sociales.

La question alors est: quelles réponses peut-on apporter à ces situations? Bien souvent, on assiste à des crimes fous, heureusement isolés et statistiquement peu fréquents. Les médias jouent un rôle dans ce qu'ils donnent à voir de ces événements. Ils ne sont pas seulement un reflet, ils en sont aussi les acteurs, les déterminants.

Enfin, ce n'est pas par hasard si l'on montre les monstres. C'est souvent au moment même où l'on a besoin de préparer et de fabriquer une opinion, c'est-à-dire de faire de la publicité et de la propagande pour imposer des mesures sécuritaires.

Vous dites "des crimes statistiquement peu fréquents"...

Si vous prenez le rapport de la commission "Violence et santé mentale", en 2005, sur 51 411 mises en examen dans des affaires pénales, 212 ont bénéficié d'un non-lieu pour irresponsabilité mentale, c'est-à-dire 0,4% des crimes et des délits. Statistiquement parlant, le nombre de crimes et délits imputables à des malades mentaux est donc très bas.

Ce que l'on sait aussi, c'est que la prévalence des crimes violents contre les patients malades mentaux est, elle, douze fois plus importante que dans la population en général... Manifestement, les malades mentaux sont beaucoup plus victimes qu'acteurs de délits ou de crimes.

Or, le gouvernement et le pouvoir politique à son plus haut niveau ont connaissance de ces chiffres. On ne dit pas aux malades mentaux: on va vous protéger des réactions de la société, ce qui est le rôle de l'Etat, d'être tiers. Non, on dit à l'opinion publique: nous allons vous protéger des malades mentaux.

Pourquoi alors instrumentaliser la maladie mentale ?

Aujourd'hui, le président de la République utilise le fait divers pour faire passer sa politique? Pour moi, l'instrumentalisation se situe à ce niveau-là, et elle est dramatique: on fait comme si une politique pouvait s'établir à partir de faits divers.

On ne fait pas une politique du soins à partir d'un schizophrène évadé d'un centre psychiatrique ou d'un drame qui se produit dans un service d'urgence, de Samu, ou autre... C'est extrêmement dangereux pour la démocratie.

Ce qui m'inquiète, c'est cette exploitation des émotions collectives, particulièrement dans un contexte de crise financière et de crise économique, qui va avec un écrasement des classes moyennes.

C'est le grand bond en arrière...

On peut alors se demander si, quelque part, nous ne sommes pas face à un renouveau du grand renfermement, tel qu'il a été à l'origine de l'hôpital. Il ne passerait pas forcément par les murs, pas une réclusion géographique, mais davantage par un quadrillage des individus et des populations, qu'on suivrait à la trace, avec la possibilité d'une surveillance numérique qui irait jusqu'au marqueur biométrique de l'humain.

Il y a cette inquiétude face à la possibilité, grâce aux moyens technologiques qui sont les nôtres, de réaliser le rêve biocratique, le rêve de biopouvoir qui était celui du totalitarisme du XXe. S'il n'y a pas de réactivité du social, du politique, du culturel face à ce quadrillage numérique des populations, jusqu'au grain le plus ténu de leur existence, ce risque est grand.

S'agira-t-il alors d'une nouvelle forme de totalitarisme?

Oui, d'un totalitarisme light, mou, mais bien d'une forme de totalitarisme dès lors qu'on veut bien considérer qu'elle a, une visée totalitaire, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de possibilité de repli intime ni de pensée qui échapperait à la surveillance du pouvoir.

Nous sommes aussi dans une culture de la réaction immédiate. C'est la culture du nouveau capitalisme, pour parler comme le sociologue Richard Sennett, avec ses nouvelles valeurs. C'est la promotion d'un homme conçu comme micro-entreprise libérale, autogérée, ouverte à la concurrence qui, sur le marché de sa relation aux semblables, doit être réactif, flexible, mobile.

Ce qui est fou, c'est qu'on vient d'avoir la preuve que cette idéologie libérale née du milieu des affaires conduit dans le mur et on essaye pourtant d'introduire ces valeurs qui ont fait la preuve de leur inefficacité dans le soin, dans l'éducation, dans l'information, dans la culture.

Comment cela se traduit-il dans notre système de soin?

Il ne faut pas faire croire aux populations qu'on va les préserver du meurtre, de la folie, de la délinquance, parce qu'on enfermera un peu plus de fous, en passant, par exemple, de cinq unités pour malades difficiles (UMF) à neuf.

On ne dit pas qu'on a fermé un nombre de lits faramineux, qu'on a accru les cadences des soignants, qu'on a recomposé leur conception du soin, qu'on les a enfermés dans un système qui les empêche de bosser.

Ce qui compte, c'est l'acte. L'homme est réduit à ses actes, à ses productions. Et pendant qu'on nous jette en plein visage les éléments les plus monstrueux, les réformes actuelles de l'hôpital conduisent à une conception mercantile de la santé et du soin.
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Les malades mentaux sont plus souvent victimes que criminels :: Commentaires

country skinner

Message Ven 2 Jan 2009 - 10:27 par country skinner

il est dangeureux de qualifier les malades mentaux de "victimes"

Je crois que quand Roland Gori dit : "la prévalence des crimes violents contre les patients malades mentaux est, elle, douze fois plus importante que dans la population en général", il évoque les crimes violents commis contre les malades mentaux (dans la société, et même en milieu psy par d'autres malades - je suppose faute de moyens suffisants pour s'en occuper)...

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brusyl

Message Ven 2 Jan 2009 - 10:17 par brusyl

si mes souvenirs sont bon, un schizophrène qui s'était échappé de l'hôpital et qui est revenu de lui-même, vient d'être condamné à une année de prison ferme.
Aberrant !
Cet article est excellent car il dénonce les dangers d'une politique du tout sécuritaire et met en avant la détestable habitude du guignol de légiférer sur le fait divers !
sauf que juridiquement, il est dangeureux de qualifier les malades mentaux de "victimes" mais d'irresponsable. C'est un principe conducteur de notre système juridique et il faut le défendre becs et ongles. Il ne sert à rien à mon avis de faire appel à l'émotionnel

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