scène de la vie courante...
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25032009
scène de la vie courante...
Une jolie berceuse policière
MINUIT ET QUART. Jean-Louis Blancard se gare en bas de chez lui, à Bagneux (Hauts-de-Seine), ce samedi 31 janvier. Il monte coucher ses deux enfants, de 4 et 10 ans, qui s'étaient déjà assoupis, puis re-descend au pas de course pour garer sa voiture au parking, à 300 mètres de là. Il faut faire vite, les petits sont seuls.
Il n'a pas fait 30 mètres dans l'allée de sa résidence qu'une patrouille de flics l'arrête : « Contrôle du véhicule, papiers ! » Blancard n'a sur lui que la carte grise et l'assurance. Le permis est resté chez lui, dans son manteau. Il montre la fenêtre allumée et propose de monter le chercher. « Vous avez bu ? », questionne le poulet. Blancard « avoue » bien volontiers. Il a pris un apéritif et deux verres de vin en début de soirée. Cela fait plus de quatre heures... « Vous avez circulé à contre-sens dans la résidence », accuse alors le fonctionnaire. Blancard s'étonne. Il habite là depuis un an, tout le monde fait ça. Le flic passe à autre chose : « II y a de la vente de drogue dans votre résidence. Vous êtes consommateur ? », s'enquiert le représentant de la loi. « Videz vos poches ! » Fouille du coffre. Les investigations ne donnent rien. Les enfants sont toujours sans surveillance...
Blancard reste en retrait. « J'ai compris, à ce moment-là, qu'ils cherchaient la petite bête, mais je voulais remonter au plus vite pour les enfants, et je leur ai demandé ce qu'ils comptaient faire de moi. » Réponse du chef de la patrouille : « Vous avez bu. On vous emmène au poste. » Ce relieur, fonctionnaire à la Bibliothèque nationale, rappelle alors qu'il a avalé son dernier verre voilà maintenant quatre heures.
Souffler n'est pas jouer
II répète une fois encore que ses enfants sont restés seuls là-haut, qu'on peut le faire souf-fler dans un ballon sur place, ou monter chez lui. Réponse : « Tournez-vous ! » Sans comprendre, il obtempère. Et se re-trouve avec les menottes.
Dans la voiture de police, il proteste encore qu'il n'a pas bu, que ses deux enfants peuvent se réveiller et s'affoler. Une heure moins le quart du matin, arri-vée au commissariat d'Antony. Blancard souffle dans l'appa-reil : 0,07 gramme. Autant dire rien. Fin du cauchemar ?
Pas du tout : direction une cellule crasseuse. On lui pose un tas de questions et il doit vider ses poches, une fois encore. A une heure et quart (cela fait maintenant une bonne heure que les enfants sont seuls), il signe sans discuter deux PV, l'un pour circulation en sens inverse, l'autre pour défaut de permis de conduire. Et dehors ! Il est une heure et demie, il se trouve à 4 kilomètres de chez lui, sans un sou, il n'y a plu» ni RER ni bus.
Cette fois, Jean-Louis Blancard se cabre : « Vous devez me ramener chez moi. Mes enfants sont sans surveillance. » II avise un type qu'on lui a présenté comme étant le chef : « Je voudrais porter plainte, lui dit-il, contre ces trois agents. » Le gradé ne moufte pas. Aucun poulet ne veut décliner son identité. Leur chef menace, avec cet humour en vogue dans les com-missariats : « Si vous prenez la chose comme ça, on vous colle un rapport à la Ddass pour la façon dont vous vous occupez de vos enfants. »
Après un quart d'heure de palabres, Blancard est raccompagné chez lui par des policiers qui commencent à se demander s'ils n'ont pas un peu poussé...
Les enfants dormaient comme des anges. Leur père a écrit au procureur, au commissaire, chez MAM. Le secrétariat de la ministre a répondu qu'elle insistait beaucoup sur « la formation des policiers ». C'est ce que chacun avait deviné. Le commissaire du coin, Thierry Galy, que « Le Canard » a essayé en vain de joindre, a fait courageusement savoir au père que, « recherches faites, ces fonctionnaires n'appartiennent pas
au commissariat ».
Ah, au fait, un détail qui n'a aucune importance, Blancard a la peau un peu noire.
Brigitte Rossigneux
Le canard enchaîné 25 mars 2008
MINUIT ET QUART. Jean-Louis Blancard se gare en bas de chez lui, à Bagneux (Hauts-de-Seine), ce samedi 31 janvier. Il monte coucher ses deux enfants, de 4 et 10 ans, qui s'étaient déjà assoupis, puis re-descend au pas de course pour garer sa voiture au parking, à 300 mètres de là. Il faut faire vite, les petits sont seuls.
Il n'a pas fait 30 mètres dans l'allée de sa résidence qu'une patrouille de flics l'arrête : « Contrôle du véhicule, papiers ! » Blancard n'a sur lui que la carte grise et l'assurance. Le permis est resté chez lui, dans son manteau. Il montre la fenêtre allumée et propose de monter le chercher. « Vous avez bu ? », questionne le poulet. Blancard « avoue » bien volontiers. Il a pris un apéritif et deux verres de vin en début de soirée. Cela fait plus de quatre heures... « Vous avez circulé à contre-sens dans la résidence », accuse alors le fonctionnaire. Blancard s'étonne. Il habite là depuis un an, tout le monde fait ça. Le flic passe à autre chose : « II y a de la vente de drogue dans votre résidence. Vous êtes consommateur ? », s'enquiert le représentant de la loi. « Videz vos poches ! » Fouille du coffre. Les investigations ne donnent rien. Les enfants sont toujours sans surveillance...
Blancard reste en retrait. « J'ai compris, à ce moment-là, qu'ils cherchaient la petite bête, mais je voulais remonter au plus vite pour les enfants, et je leur ai demandé ce qu'ils comptaient faire de moi. » Réponse du chef de la patrouille : « Vous avez bu. On vous emmène au poste. » Ce relieur, fonctionnaire à la Bibliothèque nationale, rappelle alors qu'il a avalé son dernier verre voilà maintenant quatre heures.
Souffler n'est pas jouer
II répète une fois encore que ses enfants sont restés seuls là-haut, qu'on peut le faire souf-fler dans un ballon sur place, ou monter chez lui. Réponse : « Tournez-vous ! » Sans comprendre, il obtempère. Et se re-trouve avec les menottes.
Dans la voiture de police, il proteste encore qu'il n'a pas bu, que ses deux enfants peuvent se réveiller et s'affoler. Une heure moins le quart du matin, arri-vée au commissariat d'Antony. Blancard souffle dans l'appa-reil : 0,07 gramme. Autant dire rien. Fin du cauchemar ?
Pas du tout : direction une cellule crasseuse. On lui pose un tas de questions et il doit vider ses poches, une fois encore. A une heure et quart (cela fait maintenant une bonne heure que les enfants sont seuls), il signe sans discuter deux PV, l'un pour circulation en sens inverse, l'autre pour défaut de permis de conduire. Et dehors ! Il est une heure et demie, il se trouve à 4 kilomètres de chez lui, sans un sou, il n'y a plu» ni RER ni bus.
Cette fois, Jean-Louis Blancard se cabre : « Vous devez me ramener chez moi. Mes enfants sont sans surveillance. » II avise un type qu'on lui a présenté comme étant le chef : « Je voudrais porter plainte, lui dit-il, contre ces trois agents. » Le gradé ne moufte pas. Aucun poulet ne veut décliner son identité. Leur chef menace, avec cet humour en vogue dans les com-missariats : « Si vous prenez la chose comme ça, on vous colle un rapport à la Ddass pour la façon dont vous vous occupez de vos enfants. »
Après un quart d'heure de palabres, Blancard est raccompagné chez lui par des policiers qui commencent à se demander s'ils n'ont pas un peu poussé...
Les enfants dormaient comme des anges. Leur père a écrit au procureur, au commissaire, chez MAM. Le secrétariat de la ministre a répondu qu'elle insistait beaucoup sur « la formation des policiers ». C'est ce que chacun avait deviné. Le commissaire du coin, Thierry Galy, que « Le Canard » a essayé en vain de joindre, a fait courageusement savoir au père que, « recherches faites, ces fonctionnaires n'appartiennent pas
au commissariat ».
Ah, au fait, un détail qui n'a aucune importance, Blancard a la peau un peu noire.
Brigitte Rossigneux
Le canard enchaîné 25 mars 2008
brusyl- Admin
- Nombre de messages : 3110
Date d'inscription : 17/07/2008
scène de la vie courante... :: Commentaires
Et pourtant, lui etait bien blanc et propre sur lui !!!
Garde a vue : Histoire vécue (Broché)
de Christophe Mercier (Auteur)
Présentation de l'éditeur
" Voici le compte rendu, sans ajout romanesque, d'une mésaventure désagréable qui m'est arrivée une nuit de la fin février 2007. Vers deux heures du matin, à mi-parcours des dix-neuf heures pendant lesquelles je suis resté enfermé sans comprendre ce qu'il m'arrivait, la policière qui prenait ma déposition m'a dit - je ne sais toujours pas si elle faisait de l'humour - que ça me donnerait peut-être des idées pour un roman.
Pour l'instant, je me contente de ne rien oublier. "
Biographie de l'auteur
Christophe Mercier, ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, est romancier, essayiste, critique littéraire, et a publié un livre d'entretiens avec Jacques Laurent, de l'Académie française, dont il est l'exécuteur littéraire.
Editeur : Editions Phébus (12 avril 2007)
Collection : AUJOURD'HUI
2,85 euros chez amazon.fr
Garde a vue : Histoire vécue (Broché)
de Christophe Mercier (Auteur)
Présentation de l'éditeur
" Voici le compte rendu, sans ajout romanesque, d'une mésaventure désagréable qui m'est arrivée une nuit de la fin février 2007. Vers deux heures du matin, à mi-parcours des dix-neuf heures pendant lesquelles je suis resté enfermé sans comprendre ce qu'il m'arrivait, la policière qui prenait ma déposition m'a dit - je ne sais toujours pas si elle faisait de l'humour - que ça me donnerait peut-être des idées pour un roman.
Pour l'instant, je me contente de ne rien oublier. "
Biographie de l'auteur
Christophe Mercier, ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, est romancier, essayiste, critique littéraire, et a publié un livre d'entretiens avec Jacques Laurent, de l'Académie française, dont il est l'exécuteur littéraire.
Editeur : Editions Phébus (12 avril 2007)
Collection : AUJOURD'HUI
2,85 euros chez amazon.fr
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