Comment la crise de la bactérie tueuse a été traitée par les médias.
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13062011
Comment la crise de la bactérie tueuse a été traitée par les médias.
Non seulement je n'ai pas le temps de tout lire mais en plus je charge l'ordre du jour.
Amicalement
Franz
http://culturevisuelle.org/icones/1781
La “bactérie tueuse”, laboratoire du journalisme de communication
Samedi 11 juin 2011
Par André Gunthert
Du 26 mai au 10 juin 2011, l’affaire dite du “concombre tueur”, puis de la “bactérie tueuse” fait les gros titres de l’actualité. La contamination accidentelle de graines germées par une souche résistante d’E. coli dans la région de Hambourg provoque une trentaine de morts en l’espace de deux semaines par syndrome hémolytique et urémique (SHU) incurable.
La gestion de cette crise témoigne d’un certain nombre de dysfonctionnements dans les mécanismes d’alerte sanitaire et leur amplification médiatique. En résumé, une infection accidentelle s’est produite à une échelle locale sans qu’on ait pu à aucun moment enrayer un processus qui a fini par s’interrompre de lui-même, la source du problème ayant disparu. Comme dans d’autres cas récents, les systèmes d’alerte censés prévenir l’extension de l’épidémie se sont avérés inadaptés et largement inopérants, contribuant à créer une panique médiatique aux effets catastrophiques, sans commune mesure avec la gestion sanitaire proprement dite de la crise. Entretenue par l’urgence, la circulation de fausses nouvelles et d’annonces contradictoires a atteint des sommets.
L’affaire de la “bactérie tueuse” est révélatrice de deux crises jumelles: celle de l’expertise dans le domaine biomédical et celle du journalisme scientifique. Dépourvues du minimum de culture scientifique qui leur permettrait de critiquer les informations véhiculées par les systèmes d’alerte, les rédactions s’avèrent incapables de traiter autrement qu’en relayant de manière aveugle les dépêches, abandonnant les principes de vérification du journalisme d’information au profit d’un journalisme de communication.
L’analyse du traitement iconographique de cette crise par LeMonde.fr permet de documenter cette dérive. En l’espace de 16 jours, le support consacre pas moins de 24 articles à la “bactérie tueuse” (sans compter les dossiers réservés aux abonnés, les billets de blogs ou les sujets connexes), chacun d’eux illustré d’au moins une photographie, dont on trouvera ci-dessous le relevé chronologique (visualiser sous forme de diaporama)
http://www.flickr.com/photos/gunthert/sets/72157626931358520/show/
L’élément le plus frappant de ce tableau, qui restitue le film de la perception du phénomène, est à quel point l’image semble suivre fidèlement les options du récit. Quatre thématiques peuvent être identifiées: 1) les légumes (le plus souvent représentés à l’étal); 2) le monde agricole; 3) la recherche biomédicale; 4) l’univers hospitalier. Sur 24 images, 2 seulement n’appartiennent pas à ces registres: une infographie du Monde.fr et un portrait utilisé pour une interview. Si l’on identifie par des couleurs ces thématiques, on constate qu’entre le début et la fin de la période, on est passé d’une vision de crise alimentaire à une vision de crise biomédicale – du “concombre tueur” à la “bactérie tueuse” (voir tableau ci-dessous).
http://www.flickr.com/photos/gunthert/5820632040/in/photostream/lightbox/
L’autre caractère remarquable de cette iconographie est son instrumentalisation du reportage à des fins illustratives. A quelques exceptions près (comme la représentation de la bactérie, l’infographie ou le portrait de la directrice générale de l’Institut de veille sanitaire en illustration de son interview), aucune des photographies n’apporte une information visuelle utile et pourrait être supprimée sans que la compréhension de l’article en soit affectée. A moins de penser que nous ne savons pas reconnaître un concombre ou une tomate, ou bien que la vision d’une culture de cellules dans une boîte de Pétri nous renseigne sur l’évolution de la crise, ces images ont à l’évidence un caractère plus décoratif qu’informatif.
Le caractère volontiers générique de la plupart d’entre elles pourrait même laisser croire qu’il s’agit pour l’essentiel d’une iconographie d’illustration issue de banques d’images. En réalité, il n’en est rien: à l’exception de l’imagerie médicale de la bactérie, empruntée à Fotolia, toutes les photos utilisées sont bel et bien des images de reportage, la plupart réalisées dans le contexte de la crise de la “bactérie tueuse” par les grandes agences filaires: AFP, AP, Reuters. Le concombre illustrant les demandes de l’Espagne a bien été photographié l’avant-veille sur un marché de Malaga; l’infirmière masquée qui a l’air sortie d’un épisode d’Urgences est bien employée par l’hôpital de Lübeck qui soigne les malades atteints du SRU.
Plutôt que les repères classiques du photoreportage tel qu’il est défendu à Perpignan, l’iconographie de cette séquence rappelle l’illustration des journaux télévisés: une imagerie de confort utilisée pour ses vertus de support de récit et pour sa capacité à caractériser l’événement par des informations d’ambiance. Pendant que les experts – et à plus forte raison les journalistes – s’avèrent incapables d’identifier l’origine de la contamination, les images donnent l’illusion d’une maîtrise de la qualification médiatique de l’événement. Pourtant, ce qu’elles illustrent n’est rien d’autre que les erreurs et les revirements d’une compréhension lacunaire.
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Amicalement
Franz
http://culturevisuelle.org/icones/1781
La “bactérie tueuse”, laboratoire du journalisme de communication
Samedi 11 juin 2011
Par André Gunthert
Du 26 mai au 10 juin 2011, l’affaire dite du “concombre tueur”, puis de la “bactérie tueuse” fait les gros titres de l’actualité. La contamination accidentelle de graines germées par une souche résistante d’E. coli dans la région de Hambourg provoque une trentaine de morts en l’espace de deux semaines par syndrome hémolytique et urémique (SHU) incurable.
La gestion de cette crise témoigne d’un certain nombre de dysfonctionnements dans les mécanismes d’alerte sanitaire et leur amplification médiatique. En résumé, une infection accidentelle s’est produite à une échelle locale sans qu’on ait pu à aucun moment enrayer un processus qui a fini par s’interrompre de lui-même, la source du problème ayant disparu. Comme dans d’autres cas récents, les systèmes d’alerte censés prévenir l’extension de l’épidémie se sont avérés inadaptés et largement inopérants, contribuant à créer une panique médiatique aux effets catastrophiques, sans commune mesure avec la gestion sanitaire proprement dite de la crise. Entretenue par l’urgence, la circulation de fausses nouvelles et d’annonces contradictoires a atteint des sommets.
L’affaire de la “bactérie tueuse” est révélatrice de deux crises jumelles: celle de l’expertise dans le domaine biomédical et celle du journalisme scientifique. Dépourvues du minimum de culture scientifique qui leur permettrait de critiquer les informations véhiculées par les systèmes d’alerte, les rédactions s’avèrent incapables de traiter autrement qu’en relayant de manière aveugle les dépêches, abandonnant les principes de vérification du journalisme d’information au profit d’un journalisme de communication.
L’analyse du traitement iconographique de cette crise par LeMonde.fr permet de documenter cette dérive. En l’espace de 16 jours, le support consacre pas moins de 24 articles à la “bactérie tueuse” (sans compter les dossiers réservés aux abonnés, les billets de blogs ou les sujets connexes), chacun d’eux illustré d’au moins une photographie, dont on trouvera ci-dessous le relevé chronologique (visualiser sous forme de diaporama)
http://www.flickr.com/photos/gunthert/sets/72157626931358520/show/
L’élément le plus frappant de ce tableau, qui restitue le film de la perception du phénomène, est à quel point l’image semble suivre fidèlement les options du récit. Quatre thématiques peuvent être identifiées: 1) les légumes (le plus souvent représentés à l’étal); 2) le monde agricole; 3) la recherche biomédicale; 4) l’univers hospitalier. Sur 24 images, 2 seulement n’appartiennent pas à ces registres: une infographie du Monde.fr et un portrait utilisé pour une interview. Si l’on identifie par des couleurs ces thématiques, on constate qu’entre le début et la fin de la période, on est passé d’une vision de crise alimentaire à une vision de crise biomédicale – du “concombre tueur” à la “bactérie tueuse” (voir tableau ci-dessous).
http://www.flickr.com/photos/gunthert/5820632040/in/photostream/lightbox/
L’autre caractère remarquable de cette iconographie est son instrumentalisation du reportage à des fins illustratives. A quelques exceptions près (comme la représentation de la bactérie, l’infographie ou le portrait de la directrice générale de l’Institut de veille sanitaire en illustration de son interview), aucune des photographies n’apporte une information visuelle utile et pourrait être supprimée sans que la compréhension de l’article en soit affectée. A moins de penser que nous ne savons pas reconnaître un concombre ou une tomate, ou bien que la vision d’une culture de cellules dans une boîte de Pétri nous renseigne sur l’évolution de la crise, ces images ont à l’évidence un caractère plus décoratif qu’informatif.
Le caractère volontiers générique de la plupart d’entre elles pourrait même laisser croire qu’il s’agit pour l’essentiel d’une iconographie d’illustration issue de banques d’images. En réalité, il n’en est rien: à l’exception de l’imagerie médicale de la bactérie, empruntée à Fotolia, toutes les photos utilisées sont bel et bien des images de reportage, la plupart réalisées dans le contexte de la crise de la “bactérie tueuse” par les grandes agences filaires: AFP, AP, Reuters. Le concombre illustrant les demandes de l’Espagne a bien été photographié l’avant-veille sur un marché de Malaga; l’infirmière masquée qui a l’air sortie d’un épisode d’Urgences est bien employée par l’hôpital de Lübeck qui soigne les malades atteints du SRU.
Plutôt que les repères classiques du photoreportage tel qu’il est défendu à Perpignan, l’iconographie de cette séquence rappelle l’illustration des journaux télévisés: une imagerie de confort utilisée pour ses vertus de support de récit et pour sa capacité à caractériser l’événement par des informations d’ambiance. Pendant que les experts – et à plus forte raison les journalistes – s’avèrent incapables d’identifier l’origine de la contamination, les images donnent l’illusion d’une maîtrise de la qualification médiatique de l’événement. Pourtant, ce qu’elles illustrent n’est rien d’autre que les erreurs et les revirements d’une compréhension lacunaire.
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