cybermaquis
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le coffret Collection Alakazam-ex ?
Voir le deal

Les cinq stades de l'effondrement

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Aller en bas

06082011

Message 

Les cinq stades de l'effondrement Empty Les cinq stades de l'effondrement




Les cinq stades de l'effondrement
Dmitry Orlov

Bonsoir à tous ! L'exposé que vous êtes sur le point d'entendre est le résultat d'un processus longuet de mon côté. Ma spécialité est de réfléchir à — et malheureusement de prédire — l'effondrement. Ma méthode est basée sur la comparaison : j'ai vu l'Union soviétique s'effondrer et, puisque je suis aussi familiarisé avec les détails de la situation aux États-Unis, je peux faire des comparaisons entre ces deux superpuissances défaillantes.

Je suis né et j'ai grandi en Russie, et je suis retourné en Russie à maintes reprises entre la fin des années 1980 et le milieu des années 1990. Cela m'a permis d'acquérir une solide compréhension de la dynamique du processus d'effondrement tandis qu'il se déroulait là-bas. À partir du milieu des années 1990 il était tout à fait clair pour moi que les États-Unis prenaient la même direction générale. Mais je ne pouvais pas encore dire combien de temps le processus prendrait, alors je me suis assis et j'ai regardé.

Je suis un ingénieur, et donc j'ai naturellement tendance à chercher des explications physiques à ce processus, par opposition aux explications économiques, politiques ou culturelles. Il s'avère que l'on peut trouver une très bonne explication de l'effondrement soviétique en suivant les flux d'énergie. Ce qui s'est produit dans les années 1980 est que la production de pétrole Russe a atteint un pic historique. Cela a coïncidé avec la mise en production de nouvelles provinces pétrolières à l'Ouest — la mer du Nord en Grande-Bretagne et en Norvège, la baie de Prudhoe en Alaska — et cela a rendu soudainement le pétrole très peu cher sur les marchés mondiaux. Les revenus soviétiques ont dégringolé, mais leur appétit pour les marchandises importées est demeuré inchangé, et donc ils ont plongé de plus en plus profondément dans l'endettement. Ce qui les a condamné finalement n'était même pas tant le niveau d'endettement que leur incapacité à engager davantage d'endettement encore plus vite. Une fois que les prêteurs internationaux ont rechigné à accorder davantage de prêts, la partie était terminée.

Ce qui arrive aux États-Unis maintenant est largement similaire, avec certaines polarités inversées. Les États-Unis sont un importateur de pétrole, brûlant jusqu'à vingt-cinq pour cent de la production mondiale, et important plus des deux tiers de cela. Au milieu des années 1990, quand j'ai commencé pour la première fois à essayer de deviner le moment de l'effondrement des États-Unis, l'arrivée du pic global de la production pétrolière était prévue aux environs du tournant du siècle. Il s'est avéré que l'estimation était décalée d'une décennie, mais c'est assez précis, en fait, pour ce genre de grandes prédictions. Et voilà le prix élevé du pétrole qui met un frein à davantage d'expansion de la dette. Tandis que les prix plus élevés du pétrole déclenchent une récession, l'économie commence à se contracter, et une économie qui se contracte ne peut soutenir un niveau d'endettement en expansion perpétuelle. À un certain point la capacité de financer les importations de pétrole sera perdue, et ce sera le point de basculement, après lequel rien ne sera plus jamais pareil.



Ceci n'est pas pour dire que je crois à une sorte de déterminisme de l'énergie. Si les États-Unis réduisaient leur consommation d'énergie d'un ordre de grandeur1 (Une division par dix, approximativement) , ils consommeraient toujours une quantité invraisemblablement énorme, mais une crise énergétique serait évitée. Mais alors, ce pays, tel que nous avons l'habitude de le concevoir, n'existerait plus. Le pétrole est ce qui actionne cette économie. À son tour, c'est cette économie basée sur le pétrole qui rend possible le maintien et l'augmentation d'un niveau d'endettement extravagant. Donc, une réduction drastique de la consommation de pétrole causerait un effondrement financier (plutôt que l'inverse). Quelque autres stades d'effondrement suivraient, dont nous discuterons ensuite. Ainsi, on peut voir cet appétit bizarre pour le pétrole importé comme un échec culturel, mais ce n'en est pas un qui peut être défait sans causer beaucoup de dommage. Si l'on veut, on peut appeler cela du "déterminisme ontologique" : ça doit être comme c'est, jusqu'à ce que ce ne soit plus.



Je ne veux pas suggérer que chaque partie du pays va soudainement subir une panne d'existence spontanée, en revenant à une nature inhabitée. Je suis d'accord avec John Michael Greer que le mythe de l'apocalypse n'est pas le moins du monde utile pour faire face à la situation. L'expérience soviétique est très utile ici, parce qu'elle nous montre non seulement que la vie continue, mais aussi exactement comment elle continue. Mais je suis tout à fait certain qu'aucune quantité de transformation culturelle ne nous aidera à sauver divers aspects clefs de cette culture : la société de l'automobile, la vie dans les banlieues3, les grandes surfaces, le gouvernement affairiste, l'empire global, la finance incontrôlée.

D'un autre côté, je suis tout à fait convaincu que rien de moins qu'une profonde transformation culturelle ne permettra à un nombre significatif d'entre nous de garder un toit au dessus de la tête, et de la nourriture sur la table. Je crois aussi que le plus tôt nous commencerons à abandonner notre bagage culturel inadapté, plus nous aurons de chances de tenir. Il y a quelques années, mon attitude était juste de continuer de regarder les événements se dérouler, et de garder cette histoire d'effondrement comme une sorte de passe-temps macabre. Mais le cours des événement est certainement en train de s'accélérer, et maintenant mon sentiment est que le pire que nous pourrions faire est de prétendre que tout ira bien et de passer le temps restant dans l'organisation actuelle de notre vie, sans rien pour la remplacer une fois qu'elle aura commencé de s'arrêter.



Maintenant, pour en revenir à mes propres progrès personnels sur ces questions, en 2005 j'ai écrit un article appelé Leçons post-soviétiques pour un siècle post-américain. Initialement, je voulais le publier sur un site tenu par Dale Allen Pfeiffer, mais, à ma surprise, il a fini sur From the Wilderness, un site bien plus populaire tenu par Michael Ruppert et, à mon étonnement croissant, Mike m'a même payé pour cela.

Et depuis lors, on me pose la même question, très souvent : "Quand ? Quand l'effondrement va-t-il se produire ?" Étant un petit peu intelligent, je refuse toujours de donner une réponse spécifique, parce que, voyez-vous, dès que l'une de vos prédictions spécifiques s'avère fausse, c'en est fait de votre réputation entière. Une manière raisonnable d'envisager le minutage est de dire que l'effondrement peut se produire à différents moments pour différentes personnes. Vous pouvez ne jamais vraiment savoir que l'effondrement s'est produit, mais vous saurez qu'il s'est produit pour vous personnellement, ou pour votre famille, ou pour votre ville. La vision d'ensemble ne s'assemblera peut-être pas avant bien longtemps, grâce aux efforts des historiens. Individuellement, nous pouvons ne jamais savoir ce qui nous frappe et, en tant que groupe, nous pouvons ne jamais être d'accord sur une seule réponse. Regardez l'effondrement de l'URSS : certaines personnes débattent encore de pourquoi exactement il s'est produit.

Mais quelquefois la vision est plus claire que nous le souhaiterions. En janvier 2008, j'ai publié un article sur Les cinq stades de l'effondrement, dans lequel je définissais les cinq stades, et puis j'affirmais courageusement que nous étions au beau milieu d'un effondrement financier. Et dix mois plus tard il semble que je ne me sois pas trop avancé cette fois. Si le gouvernement américain doit prêter aux banques plus de deux cent milliards de dollars par jour juste pour empêcher l'ensemble du système d'imploser, alors le terme "crise" ne rend probablement pas justice à la situation. Pour continuer ce jeu, le gouvernement américain doit être capable de vendre la dette qu'il engage, et quelles chances y a-t-il, pensez-vous, pour que l'ensemble du monde s'arrache des milliers de milliards de dollars de dette nouvelle, sachant qu'ils sont utilisés pour consolider une économie en train de se contracter ? Et si la dette ne peut être vendue, alors elle doit être monétisée, en imprimant de l'argent. Et cela déclenchera l'hyperinflation. Alors, n'ergotons pas, et appelons ce qui est en train de se produire comme ce à quoi cela ressemble : "un effondrement financier".
Les cinq stades de l'effondrement

Stade 1 : L'effondrement financier ✓
Stade 2 : L'effondrement commercial
Stade 3 : L'effondrement politique
Stade 4 : L'effondrement social
Stade 5 : L'effondrement culturel

Alors voici les cinq stades tels que je les ai définis il y a presque un an. La petite coche à côté de "l'effondrement financier" est là pour nous rappeler que nous ne sommes pas ici pour ergoter ou être ambigus, car le stade 1 est très engagé. Les stades 2 et 3 — les effondrements commercial et politique — sont entraînés par l'effondrement financier, et se chevaucheront l'un l'autre. Pour l'instant, il n'est pas clair lequel est le plus engagé. D'un côté, il y a des signes que le trafic mondial ralentit, et que les grandes surfaces sont bonnes pour une très mauvaise période, avec de nombreux magasins susceptibles de fermer après une saison de Noël désastreuse. D'un autre côté, les États subissent déjà des déficits budgétaires massifs, licencient des employés d'État, réduisent les programmes, et commencent à supplier le gouvernement fédéral pour être renfloués financièrement.

Même si les différents stades de l'effondrement s'entraînent les uns les autres de façons variées, je pense que cela a un sens de les maintenir conceptuellement séparés. Ceci parce que leurs effets sur notre vie quotidienne sont tout à fait différents. N'importe quels moyens constructifs que nous pourrons trouver pour esquiver ces effets seront aussi différents. Enfin, certain stades de l'effondrement semblent inévitables, tandis que d'autres peuvent être évités si nous nous battons assez.

L'effondrement financier semble particulièrement douloureux si vous vous trouvez avoir beaucoup d'argent. D'un autre côté, je rencontre tout le temps des gens qui ont le sentiment que "rien n'est encore arrivé". Ce sont surtout des gens jeunes, qui ont relativement réussi, qui n'ont pas ou peu d'économies, et ont encore des boulots bien payés, ou une assurance chômage qui n'est pas encore épuisée. Leur vie quotidienne n'est pas très affectée par la tourmente sur les marchés financiers, et ils ne croient pas que quoi que ce soit de différent soit en train de se produire en dehors des hauts et des bas économiques habituels.

L'effondrement commercial est bien plus évident, et l'observer ne nécessite pas d'ouvrir des enveloppes et d'examiner des colonnes de chiffres. C'est douloureux pour la plupart des gens, et mortellement dangereux pour certains. Quand les rayonnages des magasins sont vidés du nécessaire et restent ainsi pendant des semaines de suite, la panique s'installe. Dans la plupart des lieux, cela requiert une sorte de réaction d'urgence, pour s'assurer que les gens ne soient pas privés de nourriture, d'abris, de médicaments, et que certaines mesures de sécurité et d'ordre public soient maintenues. Les gens qui savent ce qui vient peuvent se préparer à en éviter le pire.

L'effondrement politique est encore plus douloureux, parce qu'il est mortellement dangereux pour beaucoup de gens. La rupture de l'ordre public serait particulièrement dangereuse aux États-Unis, à cause du grand nombre de problèmes sociaux qui ont été balayés sous le tapis au cours des années. Les Américains, plus que la plupart des autres peuples, ont besoin d'être défendus les uns des autres à tout moment. Je pense que je préférerais la loi martiale à l'anarchie et au chaos complet et absolu, bien que j'admette que l'un et l'autre soient de très pauvres choix.

L'effondrement social et culturel semble avoir déjà eu lieu dans plusieurs parties du pays dans une large mesure. Ce qui reste d'activité sociale semble ancrée dans des activités transitoires telles que le travail, les courses et les sports. La religion est peut-être la plus grande exception, et beaucoup de communautés sont organisées autour des églises. Mais dans les endroits ou la société et la culture demeurent intactes, je croit que l'effondrement social et culturel est évitable, et que c'est là que nous devons vraiment résister. Aussi, je pense qu'il est très important que nous apprenions à voir notre environnement pour ce qu'il est devenu. Dans beaucoup d'endroits, on a l'impression qu'il ne reste simplement pas beaucoup de choses qui vaillent d'être sauvées. Si toute la culture que nous voyons est de la culture commerciale, et si toute la société que nous voyons est la société de consommation, alors le mieux que nous ayons à faire est de nous en éloigner, et de chercher d'autres gens prêts à faire de même.

Les cinq stades de l'effondrement

Une conjecture audacieuse qui nous permet de formuler des réponses spécifiques aux effets de l'effondrement
Chaque stade implique la perte de la foi, ou de la confiance, dans certains composants clefs du statu quo
Les effets physiques, mesurables, peuvent être retardés, mais les mutations psychologiques sont brusques
Tous les stades ne sont pas 100 % inévitables

Il n'y a rien de particulièrement profond ou magique quant aux cinq stades que j'ai choisi, sauf qu'ils semblent pratiques. Ils correspondent aux aspects communément distingués de la réalité quotidienne. Chaque stade de l'effondrement correspond aussi à un certain ensemble de croyances dans le statu quo, qui est sur le point de tomber à l'eau.

C'est toujours une chose impressionnante à observer, quand la réalité glisse. À un moment, une certain idée est vue comme absurde, et le moment suivant elle est traitée comme la sagesse conventionnelle. Il semble y avoir un mécanisme psychologique impliqué, dans lequel personne ne veut être vu comme le dernier imbécile à comprendre enfin le tableau. Tout le monde commence par prétendre avoir pensé de cette façon depuis le début, ou au moins depuis un petit moment, de peur de paraître idiot. Il est toujours difficile de demander aux gens ce qui les a soudainement fait changer d'avis, parce qu'avec la peur d'avoir l'air idiot vient une certaine perte de dignité.

L'exemple le plus convaincant de nombreux esprits ayant soudainement "un éclair" est, à mon avis, la fin soudaine de l'URSS. C'est arrivé avec Boris Eltsine juché sur un tank, à qui on demandait : "Mais que va devenir l'Union soviétique ?" Et sa réponse, prononcée avec le maximum de gravité fut : "Désormais je ne la désignerai plus que comme l'ancienne Union soviétique." Et ce fut tout. Après cela, quiconque croyait encore à l'Union soviétique ne paraissait pas seulement idiot, mais vraiment fou. Pendant un moment, il y a eu beaucoup de vieux fous paradant avec des portraits de Lénine et de Staline. Leur esprit était trop vieux pour avoir "l'éclair".

Ici, aux États-Unis, nous n'avons encore fait l'expérience d'aucune réalisation majeure, fracassante, de celles qui ont l'air absurde immédiatement avant et sont complètement évidentes immédiatement après qu'elles se soient produites. Nous avons eu des secousses mineures, la plupart en rapport avec des hypothèses financières. L'immobilier est-il un bon investissement ? Le système de retraite privé permettra-t-il de prendre sa retraite ? Le gouvernement nous renflouera-t-il tous ? Toutes les réalisations majeures sont encore à venir, ou, comme mes amis jeunes cadres dynamiques endurcis ne cessent de me le dire : "Rien n'est encore arrivé."

Mais du moment où quelque chose sera arrivé, il sera trop tard pour que nous commencions à planifier son arrivée. Il ne semble pas trop valable pour nous de rester assis à attendre l'heureux événement, quand tous les autres se sentent idiots en même temps. Aussi arrogant que cela paraisse, nous ferions peut-être mieux d'accepter leur idiotie avant eux, et de nous tenir à une distance sûre en avance de l'opinion prévalante.

Parce que si nous faisons cela, nous pourrions bien réussir à trouver des façons de nous débrouiller. Nous pourrions apprendre à esquiver l'effondrement financier en apprenant à vivre sans avoir besoin de beaucoup d'argent. Nous pourrions créer des modes de vie alternatifs et des réseaux de production et de distribution informels pour tous les besoins avant que l'effondrement commercial ne se produise. Nous pourrions nous organiser en communautés auto-gouvernées qui pourraient fournir leur propre sécurité durant l'effondrement politique. Et toutes ces étapes mises ensemble pourraient nous mettre en position de sauvegarder la société et la culture.

Ou nous pouvons juste attendre jusqu'à ce que tout le monde commence à être d'accord avec nous, parce que nous ne voudrions pas qu'ils aient l'air idiot.
Stade 1 : L'effondrement financier
La foi dans "les affaires continuent" est perdue. On ne peut plus présumer que l'avenir ressemblera au passé. Le risque ne peut plus être évalué et les avoir financiers ne peuvent plus être garantis. Les institutions financières deviennent insolvables. L'épargne est annihilée et l'accès au capital est perdu.


La dynamique importante, quand il s'agit d'effondrement financier, est à présent évidente. C'est l'effondrement des pyramides de crédit, "tout le château de carte" comme dit le président Bush. Le terme technique est "effet de levier inversé6", et la réponse est le renflouement financier. Le gouvernement fédéral va renflouer les banques et les compagnies d'assurance, les compagnies d'automobiles, et les gouvernement des États. Appelons cela le tapis roulant du renflouement : nous empruntons de plus en plus vite juste pour ne pas chuter. Le tapis roulant est en fait une bonne métaphore. Imaginez ce qui arriverait si vous alliez dans un gymnase, montiez sur un tapis roulant, et poussiez continuellement la vitesse, aussi haut que possible. Ce qui arriverait est que vous trébucheriez, et vous vous trouveriez éjecté en arrière.

Il est instructif de poser la question : à qui empruntons nous l'argent du renflouement ? Les gens vous diront que nous l'empruntons "au contribuable". Mais ce n'est pas comme si les avis d'imposition fédéraux s'étaient automatiquement envolés de quelques milliers de milliards durant les deux derniers mois, et donc cela pose la question : à qui "le contribuable" va-t-il emprunter cet argent entre-temps ? À d'autres Américains ? Non, parce que notre taux d'épargne est abyssalement bas depuis un bon bout de temps maintenant, et le peu que nous avons économisé est dans la valeur immobilière, qui s'amenuise, et dans les actions et les obligations, à travers des fonds mutualisés, des fonds de pension et autres, qui ont baissé d'un tiers environ. La valeur de ces investissements s'effondre, et si nous nous débarrassions de ces investissements pour lever les fonds pour payer cette nouvelle dette, cela la ferait s'effondrer encore plus vite. En effet, nous ne ferions que déplacer l'argent d'une poche à l'autre. Ainsi, réellement, les renflouements doivent être financés par les étrangers. Et si ces étrangers décident de ne plus nous confier davantage de leurs économies ? Alors notre seul recours est de "monétiser" la dette : imprimer de la monnaie.

Et donc la prochaine question est : combien d'argent devrons nous imprimer ? Le but des renflouements est de fournir des liquidités aux compagnies insolvables, pour éviter l'effet de levier inversé. Pour comprendre ce que cela signifie, on doit comprendre que pour chaque dollar réel dans l'économie, au sens de "pas emprunté", il y a plus de 13 dollars d'argent emprunté, qui existent seulement tant que la dette peut être reconduite. Si votre crédit est au plafond tandis que l'économie est en croissance, c'est déjà assez mauvais, mais l'économie américaine se contracte à cause d'un récent choc pétrolier. Une économie plus petite ne peut supporter autant de dette, et c'est en partie la raison pour laquelle nous avons un effet de levier inversé. Une fois que le processus d'aigrissement de la dette a commencé, il est difficile à arrêter, et si l'effet de levier inversé devait continuer sa course, nous chuterions de plus de 1 300 %. Monétiser autant de dette nécessiterait plus de 1 300 % d'inflation. Et une fois que ça commence, ça devient très difficile à arrêter.

Et cela, croyez-le ou non, c'est en fait les bonnes nouvelles. Comme la plus grande part de notre dette est libellée dans notre propre monnaie — le dollar américain — les États-Unis n'auront pas à se déclarer en défaut de paiement souverain, comme la Russie a été forcée de le faire dans les années 1990. Au lieu de cela nous pouvons nous tirer de la banqueroute nationale en imprimant beaucoup de dollars. Nous rembourserons notre dette nationale, mais nous le ferons en papier monnaie sans valeur, poussant à la banqueroute nos créanciers internationaux dans le processus. Il est sûr que ce sera douloureux pour tout le monde, particulièrement pour quelqu'un qui avait l'habitude d'avoir beaucoup d'argent, parce que l'argent ne fera plus tourner le monde. Une fois que les États-Unis devront commencer à gagner de la monnaie étrangère pour payer les importations, on peut être sûr que les importations deviendront tout à fait rares.
L'effondrement financier
Avant Après
Épargne retraite Aide du gouvernement, charité
Valeur hypothécaire du domicile Submergée, occupation illégale
Investissements Clopinettes
Épargne en argent Hyperinflation
Transactions à crédit Transaction en espèces ou troc
Indépendance financière Interdépendance physique

Voici des instantanés des caractéristiques les plus saillantes de l'effondrement financier, telles qu'elles affecteront la vaste majorité de la population. Ici, je fais l'hypothèse que les effondrements commercial et politique sont plus lents à arriver, et que le gouvernement est encore là pour intervenir avec des aides d'urgence de diverses sortes, et qu'une sorte d'économie de marché continue de fonctionner. Cela pourrait en arriver au point où chacun se promène avec ses cartes de débit de petits bons d'alimentation, et le seul endroit où l'on peut les utiliser à portée de marche est le McDonald, mais je fais l'hypothèse d'une période semi-stable durant laquelle d'autres ajustements peuvent se produire avant que les autres stades suivent leur cours.

Les ajustements auraient à voir avec des aspects majeurs du mode de vie, depuis où nous vivons jusqu'à comment nous produisons de la nourriture et comment nous sommes en relation les uns avec les autres. Avec une monnaie rare et pas particulièrement forte, d'autres manières de gagner la collaboration d'autrui auraient besoin d'être développées à toute vitesse. Le domaine financier peut être vu comme un système complexe de barrières : votre compte en banque est séparé de mon compte en banque. Cette organisation nous permet, vous et moi, de ne pas trop nous inquiéter l'un de l'autre, pourvu que chacun d'entre nous ait suffisamment pour continuer de vivre. Bien que ce soit largement une fiction, nous pouvons nous imaginer être des acteurs économiques indépendants sur un pied d'égalité. Mais une fois que ces barrières conceptuelles ne comptent plus, parce qu'il n'y a rien derrière, nous devenons la charge les uns des autres, d'une sorte de façon immédiate qui surviendrait comme un choc pour la plupart des gens. L'indignité d'une telle interdépendance physique serait psychologiquement dévastatrice pour beaucoup de gens, alourdissant le bilan humain de l'effondrement financier au delà de ce qu'on attendrait d'un problème qui n'existe réellement que sur le papier. Cela va être particulièrement dur pour une nation élevée dans le mythe de l'individualisme forcené.
Stade 2 : L'effondrement commercial
La foi dans "le marché y pourvoira" est perdue. Les marchandises sont amassées. Les chaînes d'importation et de commerce de détail sont rompues. Les pénuries généralisées de biens nécessaires deviennent la norme.

L'effondrement commercial, lorsqu'il arrivera, causera à nouveau bien plus de dégâts psychologiques qu'on l'attendrait d'un problème purement organisationnel. Les quantités de biens et de services immédiatement disponibles juste avant et juste après l'effondrement resteront à peu près les mêmes, mais parce que la psychologie du marché est si enracinée dans la population, aucune autre façon de se débrouiller ne sera envisagée. L'accumulation sera généralisée, avec le pillage comme antidote évident. Il y aura instantanément un immense marché noir pour toutes sortes de biens de nécessité, du shampooing aux fioles d'insuline.

Le mécanisme de marché fonctionne bien dans certains cas, mais il ne fonctionne pas du tout quand les marchandises clefs deviennent rares. Cela mène à la spéculation, à l'accumulation, au pillage, et à d'autres effets pernicieux. Il y a habituellement un réflexe de régulation des marchés, en imposant le contrôle des prix, ou en introduisant le rationnement. Je trouve tout à fait amusant que la récente clameur en faveur de la re-régulation des marchés financiers ait été accueillie aux cris de "Socialistes !" Échouer dans le capitalisme ne fait pas de vous un socialiste, pas plus que divorcer ne vous rend automatiquement homosexuel.

Si, au moment où l'effondrement commercial est sur nous, il reste encore assez de système politique intact pour mettre en place le rationnement, le contrôle des prix et des plans de distribution d'urgence, alors nous devrons compter cela parmi nos bénédictions. Une gouvernance à la main aussi lourde n'est certainement pas pour plaire aux foules durant les temps d'abondance, quand elle est aussi superflue, mais elle peut tout à fait être une bouée de sauvetage durant les temps de pénurie. Le système de distribution de l'alimentation soviétique, qui était handicapé par une sous-performance chronique en temps normal, a prouvé sa résilience paradoxale durant l'effondrement, permettant aux gens de survivre à la transition.


L'effondrement commercial
Avant Après
L'argent est rare Les produits sont rares
Économie de service Économie de libre-service
Tout ce que vous pouvez manger Tout ce que vous pouvez grappiller
Centres commerciaux Marchés aux puces
Supermarchés Étals des fermes
Culte de la nouveauté Continuer de faire fonctionner
Produits importés Substituts domestiques

Si avant l'effondrement commercial le défi est de trouver assez d'argent pour payer le nécessaire, après l'effondrement le défi est de faire accepter aux gens l'argent en paiement de ce nécessaire. Nombre des vendeurs potentiels préfèrent être payés avec quelque chose de plus de valeur que de simples espèces. Le "service client" en vient à signifier que les clients doivent fournir un service. Étant donné que la plupart des gens n'ont pas beaucoup à offrir, autre que leur argent à présent sans valeur, s'ils en ont encore, la plupart des fournisseurs de biens et de services décident de prendre des vacances.

Avec la disparition du marché libre et ouvert, même les articles qui sont toujours disponibles à la vente en viennent à être proposés d'une manière qui n'est ni libre ni ouverte, mais seulement à certains moments et à certaines personnes. La richesse qui existe encore, quelle qu'elle soit, est cachée, parce que l'étaler ou l'exposer ne fait qu'accroître le risque d'insécurité, et la quantité d'effort requise pour la protéger.

Dans une économie où la vaste majorité des articles manufacturés sont importés, et conçus avec leur obsolescence planifiée à l'esprit, il sera difficile de continuer de faire fonctionner les choses à mesure que les importations s'assécheront, particulièrement les importations de pièces de rechange pour la machinerie fabriquée à l'étranger. Le parc d'équipement disponible rétrécira avec le temps, tandis que de plus en plus de pièces d'équipement seront utilisées comme "donneurs d'organes". Dans un effort pour continuer de faire fonctionner les choses, des industries artisanales entières dédiées à la remise en état des vieux trucs pourraient soudainement se constituer.
Stade 3 : L'effondrement politique
La foi dans "votre gouvernement s'occupera de vous" est perdue. Les interventions du gouvernement échouent à faire une différence. La classe politique perd sa légitimité et sa pertinence.

Il est parfois difficile de discerner l'effondrement politique, parce que les politiciens tendent à être tout à fait bons pour maintenir l'apparence du pouvoir et de l'autorité alors même qu'ils s'amenuisent. Mais il y a des signes révélateurs de l'effondrement politique. L'un de ceux-ci est quand les politiciens commencent à travailler au noir parce que leur boulot principal n'est plus suffisamment lucratif. Un autre est quand les politiciens régionaux commencent à défier ouvertement les ordres du centre politique. La Russie a connu une grande quantité de chacun de ces symptômes.



Une chose qui rend l'effondrement politique particulièrement difficile à repérer est que plus les choses empirent, plus les politiciens émettent de bruit. La rapport substance-bruit dans le discours politique est très bas même dans les bonnes périodes, ce qui rend difficile le repérage de la transition quand il tombe effectivement à zéro. La variable plus facile à surveiller est le niveau de confusion. Par exemple, quand M. Nazdratenko9, le gouverneur de la région Russe extrême-orientale de Primorsk10, a volé de grandes quantités de charbon, fait de grandes enjambées en direction de l'établissement d'une politique étrangère indépendante envers la Chine, et que pourtant Moscou ne pouvait rien faire pour le mettre au pas, on pouvait être sûr que le système politique de la Russie était à peu près mort.
.

Un autre signe révélateur de l'effondrement politique est la désintégration effective, quand des régions déclarent leur indépendance. En Russie, ce fut le cas de la Tchétchénie, et cela a mené à un conflit sanglant prolongé. Ici, nous pourrions avoir une Reconquista11, là où les anciens territoires mexicains deviennent toujours plus mexicains, le Sud pourrait se lever à nouveau. La Nouvelle-Angleterre, la Californie et le Nord-Ouest Pacifique12 pourraient décider de suivre leur chemin séparément. Une fois que le système d'autoroutes inter-États ne sera plus viable et que les lignes aériennes domestiques restantes auront disparu, il n'y aura plus grand chose pour maintenir les deux côtes ensembles. Ce qui a uni le pays autrefois fut la construction du chemin de fer continental, mais les chemins de fer ont été trop négligés pour le maintenir uni à présent. Un pays consistant en deux moitiés reliées par le canal du Panama est, de fait, au moins deux pays.

Une autre chose encore à surveiller est l'intrusion étrangère dans la politique intérieure. Quand les consultants politiques étrangers commencent à diriger les élections, comme il est arrivé avec la campagne de réélection d'Eltsine, on peut être sûr que le pays n'est plus aux commandes de son propre système politique. Aux États-Unis, il y a un abandon graduel de la souveraineté, à mesure que les fonds souverains achètent davantage d'actifs américains. Ce genre de choses était autrefois considéré comme proche d'un acte de guerre, mais c'est une période désespérée, et on leur permet de le faire sans même un commentaire méchant. Finalement, ils pourraient commencer à faire des demandes politiques, pour extraire le plus de valeur de leurs investissements. Par exemple, ils pourraient commencer à contrôler les candidats aux fonctions publiques, pour s'assurer que ceux-ci demeurent amicaux envers leurs intérêts.



Enfin, le vide de pouvoir créé par l'effondrement de l'autorité légitime tend à être rempli plus ou moins automatiquement par les organisations criminelles. Elles essayent souvent de se saisir de la classe politique en faisant élire ou désigner leurs hommes aux fonctions politiques. Les exemples inclus les oligarques russes, tels que Boris Berezovsky13, qui s'est fait élire à la Douma, le parlement russe, et Mikhaïl Khodorkovsky14, qui pensait pouvoir utiliser sa richesse pétrolière pour acheter son parcours dans la classe politique. Heureusement pour la Russie, Berezovsky est en exil en Angleterre, et Khodorkovsky est en prison.
L'effondrement politique
Avant Après
Droits acquis Promesses rompues
Services municipaux Faveurs municipales
Taxes et budgets Malversation, prévarication
Protection policière Patrouilles militaires
Enlèvement des ordures Tas d'ordures du voisinage
Routes et ponts Nids-de-poule et détours



Un grand nombre de gens aux États-Unis affirment qu'ils n'ont pas besoin de l'aide du gouvernement, et qu'ils iraient tout à fait bien si seulement le gouvernement les laissait seuls. Mais ce n'est vraiment qu'une pose ; il y a beaucoup de choses que ce gouvernement fait pour rendre leur vie possible. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral maintient en vie de nombreuses personnes à travers des programmes tels que Medicaid, la Sécurité Sociale et les bons alimentaires. Les gouvernements locaux fournissent l'enlèvement des ordures et l'entretien des conduites d'eaux et des égouts, la réparation des routes et des ponts, et ainsi de suite. Les services de police essayent de défendre les gens les uns des autres.

Quand tout cela commencera à se détricoter, il est probable que cela se fasse par le bas, pas par le haut. Les fonctionnaires locaux sont plus accessibles que les lointains bureaucrates de Washington, et donc ils seront les premiers submergés par la colère et la confusion de leurs administrés, tandis que Washington demeurera sourd. Une exception probable peut concerner l'utilisation des troupes fédérales. Il semble presque donné que les troupes rapatriées des plus de mille bases militaires à l'étranger seront mises en action ici, chez elles. Elles seront réassignées aux taches de maintien de la paix intérieure.

Stade 4 : L'effondrement social
La foi dans "les vôtres s'occuperont de vous" est perdue. Les institutions sociales locales, que ce soit les organisations caritatives ou d'autres groupes qui se précipitent pour combler le vide du pouvoir, tombent à cours de ressources ou échouent par des conflits internes.

En dehors des grands programmes gouvernementaux, peu de choses sont disponibles aux États-Unis pour aider ceux dans le besoin. Encore une fois, les Américains font un grand spectacle de leur philanthropie, mais comparée à d'autres pays développés, ils sont en fait très radins quand il s'agit d'aider ceux dans le besoin. Il y a même un trait de sadisme politique, qui, par exemple, apparaît dans l'attitude des gens vis-à-vis des allocataires de l'aide sociale. Ce sadisme peut être vu dans la prétendue réforme de l'aide sociale, qui a forcé les mères célibataires à prendre des boulots qui couvrent à peine les frais de la garderie, laquelle est souvent de qualité inférieure.

En dehors du gouvernement, il y a les organisations caritatives, dont nombre d'entre elles sont religieuses, et donc elles ont la motivation ultérieure de recruter des gens pour leur cause. Mais même quand une organisation caritative ne fait pas de demandes spécifiques, son but réel est de renforcer la supériorité de ceux qui sont charitables, aux dépends de ceux qui reçoivent. Il y a un flux de gratitude forcée du bénéficiaire au bienfaiteur. Plus grand est le besoin, plus la transaction est humiliante pour le bénéficiaire, et plus le bienfaiteur est satisfait. Il n'y a pas de motivation pour le bienfaiteur de fournir davantage de charité en réaction à un plus grand besoin, excepté dans des circonstances spéciales, telles qu'à la suite immédiate d'un désastre naturel. Là où le besoin est grand, constant, et croissant, nous devrions nous attendre à ce que les organisations caritatives comptent très peu quand il s'agit de le satisfaire.

Puisque ni les largesses du gouvernement ni la charité ne subviendront vraisemblablement à ceux qui ne peuvent se subvenir eux-mêmes, nous devrions chercher d'autres options. Une direction prometteuse est le renouveau des sociétés d'entraide mutuelle, qui reçoivent des cotisations puis les utilisent pour aider ceux dans le besoin. Au moins en théorie, de telles organisations sont largement meilleures que l'aide gouvernementale ou les organisations caritatives. Ceux qui sont aidés n'ont pas besoin d'abandonner leur dignité, et peuvent survivre aux périodes difficiles sans être stigmatisés.

Pour se sortir intact des périodes de grand besoin, la seul approche raisonnable, il me semble, est de former des communautés qui soient assez fortes et cohésives pour procurer le bien-être à tous ses membres, assez grandes pour être pleines de ressources, et cependant assez petites pour que les gens puissent avoir des relations directes, et pour prendre une responsabilité directe dans le bien-être de chacun.
L'effondrement social
Avant Après
Solidarité Chacun pour soi
Aide mutuelle Confrontation
Groupes de voisins Bandes errantes
Diversité Nettoyage ethnique
Si cet effort échoue, alors la perspective devient en effet désespérée. J'aimerais souligner, une fois de plus, que nous devons faire tout ce que nous pouvons pour éviter ce stade d'effondrement. Nous pouvons laisser le système financier, le secteur commercial et la plupart des institutions gouvernementales s'effondrer, mais pas cela.

Ce qui rend cela particulièrement délicat est que l'existence de la finance et du crédit, de la société de consommation, et de la loi et de l'ordre imposés par le gouvernement ont permis à la société — dans le sens d'une aide mutuelle directe et d'une responsabilité librement acceptée pour le bien de chacun — de s'atrophier. Ce processus de déclin social est peut-être moins avancé dans des groupes qui ont survécu à une récente adversité : les groupes d'immigrants et les minorités, ou les gens qui ont servi ensemble dans les forces armées. Les instincts qui sous-tendent ce comportement sont forts, et ils sont ce qui nous a permis de survivre en tant qu'espèce, mais ils ont besoin d'être réactivés à temps pour créer des groupes assez cohésifs pour être viables.
.
Stade 5 : L'effondrement culturel
La foi dans la bonté de l'humanité est perdue. Les gens perdent leur capacité "de gentillesse, de générosité, de considération, d'affection, d'honnêteté, d'hospitalité, de compassion, de charité*".
* Colin Turnbull, Les gens de la montagne

La culture peut signifier un très grand nombre de choses pour les gens, mais ce que j'entends par là est un élément spécifique très important de la culture : comment les gens s'entendent face à face. Prenez l'honnêteté, par exemple : les gens l'exigent-ils d'eux-mêmes et des autres, ou ressentent-ils comme acceptable de mentir pour obtenir ce que l'on veut ? Tirent-ils de la fierté de ce qu'ils ont ou de ce qu'ils peuvent donner ? J'ai tiré cette liste de vertus de Colin Turnbull, qui a écrit un livre sur une tribu dans laquelle la plupart de ces vertus étaient à peu près entièrement absentes. L'idée de Turnbull était que ces vertus personnelles étaient aussi presque toutes détruites dans la société occidentale, mais que pour le moment leur absence étaient masquée par les institutions impersonnelles de la finance, du commerce et du gouvernement.

Je crois que Turnbull a raison. Notre monde est un monde froid, dans lequel les citoyens sont théoriquement tenus de se débrouiller par eux-mêmes, mais ne peuvent survivre en réalité que grâce aux services impersonnels de la finance, du commerce et du gouvernement. Cela ne nous laisse pratiquer ces vertus chaleureuses que parmi notre famille et nos amis. Mais c'est un début, et à partir de là nous pouvons étendre ce cercle de chaleur pour inclure de plus en plus de gens qui comptent pour nous et nous pour eux.
L'effondrement culturel
Avant Après
Nous pouvons nous identifier nous-mêmes et l'un à l'autre Nous ne pouvons plus identifier ni
soi-même ni l'autre


Dans son extraordinaire livre sur l'héritage du colonialisme européen, Exterminez toutes ces brutes, Sven Lindqvist fait l'observation stupéfiante que la violence rend méconnaissable. L'agresseur, qu'il soit actif ou passif, devient un étranger.

La violence n'a pas à être physique. Une forme subtile de violence mentale qui abonde dans notre monde est l'acte de refuser de reconnaître l'existence d'une personne. Nous pouvons croire que passer près des gens sans rencontrer leur regard nous met plus en sécurité. C'est certainement vrai si notre regard est vide ou indifférent, et il vaut mieux alors détourner le regard que de regarder, et dire en effet : "Je ne te reconnais pas." Cela ne met certainement pas plus en sécurité. Mais si votre regard dit : "je te vois, ça va", ou même : "je te reconnais", alors l'effet est tout à fait opposé. Les chiens comprennent parfaitement bien ce principe, et les gens le devraient aussi.
Des raisons de se réjouir

Tous les stades ne sont pas à cent pour cent inévitables
Un rétablissement partiel après l'effondrement peut être possible
Le minutage relatif des stades peut varier
Certains endroits peuvent être stabilisés
Laisser s'effondrer une chose condamnée est bien



Quand je faisais une tournée des radios pour promouvoir mon livre, nombre des jacasseurs des radios AM qui m'interrogeaient résumaient l'entretien avec quelque chose comme : "Alors noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir, n'est-ce pas ?" Et j'avais alors quinze secondes pour une réfutation. Donc, voici ma réfutation standard de quinze secondes : "Non, mon message est en fait complètement optimiste. Je veux faire savoir aux gens qu'ils peuvent trouver des manières de mener une vie heureuse et épanouissante alors même que ce système condamné s'effrite tout autour d'eux." Ici, je peux vous donner une réponse plus longue.

Je crois que le système financier pyramidale et le consumérisme global sont finis. Mais je pense que ne pas avoir de gouvernement du tout n'est pas une option. Oubliez les subventions, oubliez les bases militaires sur le sol étranger, oubliez le cirque à trois rangs qui passe pour de la démocratie représentative ici, mais nous aurons toujours besoin d'agences pour imprimer les passeports, contrôler les réserves nucléaires, ainsi que tant d'autres services terre-à-terre mais essentiels que seul un gouvernement central peut fournir. Pour le plupart des autres besoins, l'auto-gouvernement local est peut-être le mieux que nous puissions faire, et cela pourrait ne pas être mal du tout.

L'effondrement commercial n'est pas nécessairement définitif. Il est tout à fait possible qu'une nouvelle économie émerge spontanément, sans toutes les fioritures et les déchets, mais capable de satisfaire la plupart des besoins de base. Dans les endroits qui sont socialement et culturellement intacts, c'est pratiquement inévitable, puisque les gens se prennent en charge et commencent à faire le nécessaire sans attendre d'autorisation officielle.

En ce qui concerne l'effondrement social et culturel, comme je l'ai déjà mentionné, il s'est déjà produit à un certain degré, mais il est masqué, pour l'instant, par la disponibilité des finances, du commerce et du gouvernement. Mais il peut être défait, pas partout bien sûr, mais dans pas mal d'endroits, parce que les instincts sont là, et une terrible épreuve commune peut être le catalyseur qui change la société, l'amenant plus près de la norme humaine.
Des attentes raisonnables

Se battre bec et ongle pour préserver le statu quo est un exercice pour les imbéciles et les fous
Certains éléments du statu quo peuvent être assignés à la destruction et activement ignorés
L'effondrement peut être le paradis ou l'enfer, selon la force de la société et de la culture

Savoir à quoi s'attendre peut nous procurer de la tranquillité d'esprit, même en plein milieu de l'effondrement. Se vautrer dans la nostalgie du bon vieux temps, ou nier que des changements radicaux sont devant nous : ces réactions sont absolument malsaines.

Si nous savons ce qui approche, nous pouvons commencer à ignorer les choses sur lesquels nous ne pourrons pas compter. Si nous faisons cela suffisamment, nous pouvons nous retrouver dans un monde différent, et très possiblement meilleur, plutôt rapidement. Voici un exemple personnel. Il y a quelques années, j'ai décidé d'abandonner la voiture, la trouvant tout à fait incommode, et j'ai commencé à aller en bicyclette à la place. Cela n'a pas été si facile au début, mais une fois que je m'y suis habitué, une chose étrange est arrivée à ma perception : j'ai commencé à voir les voitures très différemment. En route pour le travail le matin, je passais le long d'une section d'autoroute qui était toujours encombrée de voitures. Quand vous êtes un conducteur, vous voyez cela comme normal, parce que vous faites partie de ce troupeau d'insectes mécanisés. Mais ce que je voyais était des boites en tôle avec des gens emprisonnés à l'intérieur, attachés à un fauteuil dans une minuscule cellule capitonnée, et la plupart de ces pauvres fous n'étaient que l'image de la souffrance : une foule solitaire, furieuse et désespérée, condamnée à tourner en rond. Alors je m'éloignais en pédalant joyeusement, à travers un parc et autour d'une mare, et je laissais cet horrible monde mourant derrière moi.

Et c'est ainsi avec beaucoup de choses. Nous pouvons attendre jusqu'à ce que le style de vie qui est en train de tuer la planète et de nous rendre dingues et malades ne soit plus physiquement possible, ou nous pouvons l'abandonner avant son temps. Et ce par quoi nous le remplacerons peut-être difficile au départ, mais considérablement mieux pour nous à la fin.
Des attentes raisonnables

Le stade 1 — l'effondrement financier — est assuré de se produire
Ce n'est pas une question de liquidité, c'est une question de solvabilité
Les gouvernements ne peuvent pas absorber tout le mauvais risque sans devenir insolvables
Imprimer plus d'argent n'aidera pas
Alors, résumons nos découvertes. L'effondrement financier est déjà bien engagé, et il est assuré de suivre son cours. Les renflouements peuvent faire paraître solvables les institutions insolvables pendant un moment en fournissant des liquidités, mais une chose qu'ils ne peuvent fournir est la solvabilité. Par exemple, peu importe à quel point nous renflouons les constructeurs d'automobiles, fabriquer davantage de voitures sera toujours une mauvaise idée. Similairement, peu importe combien d'argent nous donnons aux banques, leurs portefeuilles de prêts, surchargés de maisons construites dans des endroits inaccessibles sauf en voiture, finiront toujours par être sans valeur. En nationalisant continuellement les mauvaises dettes, le pays va se transformer en un débiteur risqué, et les prêteurs étrangers vont s'en aller. L'hyperinflation et la perte des importations suivront.
Des attentes raisonnables

Le stade 2 — l'effondrement commercial — est assuré de se produire ; le taux et la profondeur de l'effondrement peuvent varier
Les deux tiers du pétrole sont importés — à crédit ! sans cela au moins les deux tiers de l'économie s'arrêtent
De nouvelles façons de faire du commerce, plus économiques, peuvent émerger spontanément

L'effondrement commercial est assuré de se produire. L'une des importations clef est le pétrole, et ici la perte des importations causera l'arrêt d'une grande partie de l'économie, parce que dans ce pays rien ne bouge sans le pétrole. Mais il devrait être possible de trouver des manières nouvelles, beaucoup moins consommatrices d'énergie, de satisfaire les besoins de base.
Des attentes raisonnables

Le stade 3 — l'effondrement politique — est assuré de se produire
La politique locale aura la plus grande importance
De nombreuses municipalités sont déjà en détresse, en raison de la chute des rentrées fiscales
Les politiciens sont déterminés à dépenser l'argent qu'ils n'ont pas

L'effondrement politique est également garanti. À mesure que les recettes fiscales s'amenuiseront, les municipalités et les États ne pourront plus répondre aux exigences minimales d'entretien des infrastructures existantes : routes, ponts, canalisations d'eau et d'égout, et ainsi de suite. Les services municipaux, y compris la police, les pompiers, le déneigement et le ramassage des ordures, seront restreints ou éliminés. Les communautés les mieux organisées pourront trouver des façons de compenser, mais beaucoup de communautés deviendront incirculables et inhabitables, générant une vague de réfugiés intérieurs.



Actuellement, la classe politique ne pourrait pas être plus éloignée de comprendre ce qui est sur le point d'arriver. J'ai prêté l'oreille à l'un des récents débats présidentiels (je n'ai pas de poste de télévision, mais j'en ai attrapé un bout sur NPR20). J'ai été frappé que les deux candidats passent la plupart du temps à discuter des façons de dépenser l'argent qu'ils n'ont pas. Pour moi, les écouter était perdre un temps que je n'avais pas. Je suppose que mon livre se vendrait mieux si McCain était élu ; néanmoins, j'ai choisi de rester altruistement apolitique. La politique nationale est une distraction et une perte de temps.

En fait, je devrais être satisfait. Il y a quelques temps, j'ai proposé un saugrenu Parti de l'effondrement. Le programme du Parti de l'effondrement comprenait des propositions telles que la libération des prisonniers pour dégraisser la population carcérale avant qu'une amnistie générale devienne nécessaire en raison du manque de fonds, un jubilé — l'effacement de toutes les dettes — pour effacer l'ardoise de tous ces mauvais prêts, et quelques autres. D'autre part, je suggérais qu'il serait une bonne idée de cesser de fabriquer de nouvelles voitures — usons simplement celles que nous avons déjà, et nous manquerons de voitures juste en même temps que nous manquerons d'essence. Je suis heureux de signaler que cette année a été une année faste pour le Parti de l'effondrement. Sans mettre sur le terrain un seul candidat, nous sommes parvenus à faire passer une grande partie de notre plan : de nombreux États sont en train de relâcher des prisonniers en raison de la crise fiscale, le gouvernement fédéral s'implique maintenant pour éviter les saisies, une énorme déduction des dettes de cartes de crédit est en préparation (pas tout à fait un jubilé, et pourtant...) et à présent les fabricants d'automobiles sont prêts à fusionner ou à se déclarer en faillite. L'année prochaine, peut-être que nous rapatrierons les troupes et fermerons nos bases militaires à l'étranger, en ligne aussi avec le programme du Parti de l'effondrement.
Des attentes raisonnables

Le stade 4 — l'effondrement social — est assuré de se produire partout où la société est complètement dépendante de la finance, du commerce, ou du gouvernement
Il peut être prévenu dans les endroits où la société dépend de l'entraide mutuelle, de l'interdépendance physique, et de l'auto-gouvernement

Poursuivant notre récapitulatif, je vois l'effondrement social comme évitable, mais pas partout. Dans beaucoup d'endroits, la tâche est de reconstituer la société avant que les trois premiers stades aient suivi leur cours, et il est peut-être déjà trop tard. Mais c'est là que nous avons besoin de résister, ne serait-ce que pour laisser le souvenir de plus que la somme totale de nos erreurs.
.
Des attentes raisonnables

Le stade 5 — l'effondrement culturel — a déjà suivi son cours dans certaines parties de la société ; mais des circonstances désespérées peuvent catalyser des changements positifs
Il est peut-être possible de créer, d'imiter ou d'importer des sous-cultures viables (communautés immigrantes, amish, mennonites21, communes hippies, loges et ordres, etc.)

Enfin, l'effondrement culturel est quelque chose qui est presque trop horrible à envisager, sauf qu'à certains endroits il semble s'être déjà produit, et qu'il est masqué par les institutions variées qui existent encore, pour l'instant. Mais je crois que beaucoup de gens se réveilleront et se souviendront de leur humanité, la meilleure part de leur nature, quand des circonstances désespérées les forceront à se montrer à la hauteur.

Et aussi, il y a des poches de culture intactes ici et là qui peuvent être utilisées comme une sorte de réserve de graines de culture. Ce sont des communautés et des groupes qui ont connu une certaine adversité à des époques récentes, et ont gardé une certaine cohésion sociale de cette expérience. Ils peuvent être aussi ceux qui ont pris certaines décisions conscientes, pour simplifier leur mode de vie de façon à mener une vie plus saine, plus épanouissante. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour éviter ce stade final de l'effondrement, parce que ce qui est en jeu n'est rien de moins que notre humanité.
Les réactions

Stade 1 : Vivre sans avoir besoin (de beaucoup) d'argent
Stade 2 : Subvenir aux besoins de base
Stade 3 : Auto-gouvernement local
Stade 4 : Communauté cohésive, responsabilité mutuelle
Stade 5 : Vertus humaines classiques
J'espère que, si vous avez suivi tout le long, à ce point la diapositive est explicite. L'effondrement n'est pas une chose monolithique. Chaque genre d'effondrement requiert une réaction, que ce soit l'esquiver à l'avance, ne pas y participer, ou s'y opposer avec tout ce que l'on a. À ce point, si quiconque dans cette salle se levait et essayait de nous dire que faire pour éviter l'effondrement financier, nous trouverions probablement cela très drôle. D'un autre côté, si nous attendons et que nous laissons l'effondrement social et culturel se dérouler, à quoi bon tout cela ?
brusyl
brusyl
Admin

Nombre de messages : 3110
Date d'inscription : 17/07/2008

Revenir en haut Aller en bas

Partager cet article sur : reddit

Les cinq stades de l'effondrement :: Commentaires

country skinner

Message Ven 12 Aoû 2011 - 15:27 par country skinner

désolée que ce débat se termine là
Yes ma'am, d'une part parce que je pars en tournée ce soir pour une semaine, et d'autre part parce que je pressens qu'il va me falloir régurgiter ici deux siècles d'analyse critique de la métaphysique, en sachant que tu vas invariablement retomber dans ton argument favori, qui est que le "sentiment" de transcendance est une preuve de son existence (plus quelques arguments totalement sophistiques comme la "croyance à la raison comme transcendance" qui est justement le travers que je dénonce de la métaphysique hégélienne, ou la vision de l'humain comme donnée alors que j'ai expliqué que la seule acception de l'étant est d'être en devenir - mais pas que ce devenir ait un "sens", etc...).
Mais si tu souhaites approfondir, tu peux toujours réfléchir en solo sur ces deux thèmes :

- Toute transcendance est une contradiction ontologique (l'être n'est qu'immanence)
- Toute transcendance est une aliénation rendant l'homme étranger à lui même

Sur ce dernier point, j'ai rectifié le lien de l'article, mais la partie pertinente est la citation du manifeste de cette association qui montre en quoi cette association est témoin de l'emprisonnement, de l'aliénation de l'être humain par sa croyance : Parce qu'elle pose en postulat de son action qu'il existe une transcendance des valeurs (et notamment des interdits) chrétiens qui la justifie et la rend indiscutable. Tout comme d'ailleurs la transcendance affirmée du caractère révolutionnaire unique du prolétariat est à l'origine des dérives du marxisme léninisme... Tous pensent fermement qu'il existe une transcendance absolue (dieu, sens de l'histoire) qui donne son sens au réel... et au nom de laquelle il est justifié d'allumer des buchers. Au moins devrions nous savoir qu'il ne s'agit pas d'un problème de "déviance" intellectuelle ou morale, mais d'une constante ontologique...

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Ven 12 Aoû 2011 - 13:29 par brusyl

merci Monsieur Kant !
En somme, tu crois toi à une transcendance de la raison...

Oui désolée que ce débat se termine là car j'aurais bien voulu le faire déboucher sur justement l'approfondissement du concept de raison...
Mais je sens que ce ne serait pas possible, tu te fermes tu deviens "froid" (je suis très sensible au chaud et froid... il y a des concepts, des théories, des raisonnements chauds ou froids, comme le marxisme par exemple qui a un côté chaud et un côté froid... je suis très frileuse de nature)

Tu ironises sur mon argument sur Dieu et le libre-arbitre... (je continue à ne pas comprendre la logique qui refuse à un Dieu tout-puissant et parfait une création imparfaite , l'idée d'un Dieu "puissamment faible") parce que tu regardes la substance (de Dieu ou de ses créatures) et non le chemin (la vie) , parce que tu vois Dieu comme une entité et non comme une puissance d'amour, l'homme comme un donné et non un devenir. Dieu a donné à l'homme son plus beau présent : la liberté. Comment quelqu'un qui est parent donc créateur de vie refuse de comprendre cela ? qu'aimer et être aimé ne peut passer que par la liberté ? On ne peut aimer librement sans la possibilité de ne pas aimer. Et que ce n'est pas un donné mais un processus qui s'enrichit (ou s'amoindrit) chaque jour ?

Je n'ai pas pu ouvrir le lien que tu donnes. Mais je connais le blog d'Agnès Giard, sorte de Christine Angot du web. Elle me ravit parfois, mais m'agace parfois aussi comme tous ceux qui regardent la vie avec une seule lorgnette. Et je crois deviner ce qu'elle a pu écrire.
Mais exemple n'est pas démonstration : toute croyance et toute pensée a ses perversions, ses fondamentalismes, ses systématisations, ses fanatismes, ses dogmatisme . Comme la recherche de la raison a pu donner naissance au rationalisme, au scientifisme, à l'utilitarisme. Comme la médiocrité intellectuelle de ceux qui jettent aux bûcher Marx au nom de Staline...
En quoi cette association, constituée probablement de gens rabougris serait-elle témoin de l'emprisonnement, de l'aliénation de l'être humain par sa croyance ? Ces fanatiques m'épouvantent autant que toi (le fanatisme est-il simplement de l'ordre du religieux ?)
Tu vois le religieux comme une donnée immuable, un code étroit et étouffant... Or pour un croyant sincère (ce que je ne suis pas, je te l'ai déjà dit.. mais j'en ai rencontré beaucoup) c'est une révélation (ils souscrivent à à une parole venue d'un lieu extérieur à la communauté des hommes) , ils sont appelés "à rendre compte d'une espérance qui est en eux" (première épitre de Pierre). C'est pour cela que tout débat entre croyant et athée militant est sans issue car elle bute sur cette idée de révélation et de textes sacrés.
Cette révélation n'est pas un donné, c'est un principe directeur , il est sujet à interprétation :les grandes religions du livre passent leur temps à l'interpréter et chaque croyant l'interprète personnellement à l'aide de sa raison critique (ou non) , car il est maître de son libre arbitre.
J'aimerais bien que tu lises ce texte :
http://www.contretemps.eu/interventions/croyants-anticapitalistes-ty-crois-toi

qui montre quel abime d'interprétation il peut y avoir entre le texte que critique (je le suppose) Giard et celle d'autres chrétiens....

Bise mon esquimeau préféré !

Revenir en haut Aller en bas

Donald11

Message Ven 12 Aoû 2011 - 12:48 par Donald11

Mon cher cousin,
Nos deux bretteurs ontophilosophotranscendantes ont le plaisir de croiser le fer philosophique sur le maquis de temps a autres. Ils sont les seuls a comprendre leurs propres écrits, interprétant chacun a leur façon une même idée.
Mais j'aime beaucoup lire leurs développements transcendantaux.

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Ven 12 Aoû 2011 - 10:07 par country skinner

tu considères que le sujet est clos
Dans la mesure où il apparait que la notion de transcendance est une contradiction ontologique au regard de la raison, et qu'il est dans la nature des étants d'avoir besoin de l'affirmation de cette pseudo transcendance comme un acte de foi (ou d'espoir au sens foulquien), le sujet est effectivement clos, le point essentiel qui en découle étant le relativisme de toute affirmation de "transcendance" (ton "sacré" n'est pas le mien ni celui de mon voisin).
(Au passage, j'ai adoré l'argument d'un dieu "transcendant" laissant à la diversité des affrontements des libres arbitres humains le soin de donner un sens à l'Etre... une sorte de transcendance pas complètement transcendante ? autominorée ? Une impotence consubstancielle à sa nature ? Une dégradation de sa note de transcendance par Moody, Ficht & co ? )
L'autre point, social celui là, est que toute transcendance étant perspective et se résumant à une forme d'aliénation de l'humain, il convient de les mettre en question par principe, leur affirmation ayant toujours été l'arme de l'intolérance (un exemple récent, parmi d'autres, qui évoque l'effet délétère de la remise en cause des valeurs "transcendantes" : http://sexes.blogs.liberation.fr/agnes_giard/2011/06/les-associations-catholiques-font-circuler-une-pétition-contre-les-cours-de-biologie-qui-seront-donnés-à-partir-de-la-ren.html)


Dernière édition par country skinner le Ven 12 Aoû 2011 - 14:50, édité 4 fois

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Jeu 11 Aoû 2011 - 23:43 par brusyl

Pierrette faisant trop cruche

J'espère que tu es très moche, comme cela on pourrait dire que Pierrette a un poteau laid.

Pff faut que je me coltine un gourou de plus ??? j'en ai déjà tant que je ne sais pas où les mettre....

Tu as perdu 20 000 euros ? adieu veau, vache, cochon, couvée !


Merci de me faire la grâce de penser qu'à mon âge respectable, mes lectures ont dépassé le stade des encyclopédies....à dix ans j'avais déjà lu et digéré l'Universalis non mais, qu'est ce que tu crois ?


@ Country

Tu ne me réponds pas ? tu considères que le sujet est clos ?
dommage ! j'ai bien aimé.
En tout cas, merci de m'avoir permis d'approfondir ce sujet. Tout ce que tu as dit n'est pas entrée dans l'oreille d'une sourde....

Revenir en haut Aller en bas

avatar

Message Jeu 11 Aoû 2011 - 14:02 par Invité

brusyl a écrit:Salut Foulques
Je sens un je-ne-sais-quoi d'irritation, un soupçon d'agressivité dans ton message.. je me trompe ?
...
Merci d'avoir fait l'effort de venir exposer le Foulquisme.. Oui, je partage ton point de vue, l'espoir (ou l'espérance) est le moteur de toute action : si je n'espère plus rien je m'assois je pleure et je dépéris.
Mais l'espoir en quoi ?


Bon, Sylvie, tu es ma première disciple, je devrai t'appeler Pierre comme le veut la tradition, Pierrette faisant trop cruche; faut dire que le Foulquisme vient être formulé très récemment (hier). Non, point d'agacement, moins encore d'agressivité, chez moi, il n'y a puisque, la Vérité absolue, je détiens! (Et modeste en plus!). Votre querelle de phrases piochées dans l'encyclopédie de la Philosophie où l'on trouve tout et son contraire ne fait que vous détourner de la réalité qu'elle était censée expliquer, car les faits demeurent et sont têtus...(je viens de perdre 20.000€ en 2 semaines, moi déjà si pauvre).
Quel espoir? La science ne m'est d'aucune utilité, ici, pas plus que l'Histoire. Quelle est la couleur de l'espoir pourrais-je te répondre? En fait, elle est un paramètre très variable qui dépend du contexte, de la personnalité de chacun de nous (le fondement de l'âme?), de la société. Dans un monde toujours changeant, pour certains cela sera de pérenniser sa vie à travers une descendance, pour d'autres ou à d'autres époques, gagner le salut dans l'éternité cad devenir immortel ( l’immanence?), pour d'autres encore plus hédonistes l'assurance que jusqu'à la mort ils jouiront des plaisirs terrestres, pour les banquiers que leurs placements vont gagner 150% : comme pour les quarks, à chacun sa couleur pourvu qu'on ait l'ivresse (la sérotonine nécessaire à la vie, ce que la brochette des philosophes ne pouvaient savoir). Pour en revenir au sujet : l'effondrement, il n'est porteur d'aucun espoir, donc n'a aucun avenir sauf s'il devient réalité comme une renaissance après un incendie, une mort.
Comme je l'ai déjà dit, je ne me fie pas aux pré-maché qu'il émane de TF1 ou de Nichte (je sais y'a faute), je préfère réinventer mon univers par ma capacité de raisonnement (il est là mon esprit scientifique).

Foulques

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Jeu 11 Aoû 2011 - 12:32 par brusyl

Salut Foulques
Je sens un je-ne-sais-quoi d'irritation, un soupçon d'agressivité dans ton message.. je me trompe ?
keep cool babe !

Pourquoi t'agacer de cet échange philosophique ? parce, dis-tu il ne serait pas en relation avec les "faits matériels" ?
Et pourtant si... si nous vivons actuellement une fin de civilisation comme l'article original le prédit, il n'est peut-être pas inutile de penser aux refondations d'une nouvelle société sinon on risque fort d'aboutir à la barbarie où au totalitarisme.
Et dans cette interrogation, la notion de transcendance prend toute sa place.
Oui, il y eut des dérives dans ce débat, des questions annexes, des précisions de vocabulaire, des digressions sur la méthode...et puis après ? tu sautes si cela ne t'intéresse pas.
le fait pur ne m'intéresse guère : par exemple, si je déguste un bon steack, je ne vais pas discuter durant des heures pour savoir si cela tient au fait que la vache est une blonde d'Aquitaine ou une Charolaise, quel abattoir l'a débitée et comment. Par contre je vais m'intéresser au principe du plaisir que je ressens...
Mais je comprends très bien que d'autres puissent s'intéresser à la substance, au circuit de la vache...
Faut de tout pour faire un monde ! Tu te souviens notre premier échange ? par mail ? sur "littéraire et scientifique" ? On se retrouve devant cette difficulté de communiquer.
Merci d'avoir fait l'effort de venir exposer le Foulquisme.. Oui, je partage ton point de vue, l'espoir (ou l'espérance) est le moteur de toute action : si je n'espère plus rien je m'assois je pleure et je dépéris.
Mais l'espoir en quoi ?

Revenir en haut Aller en bas

avatar

Message Jeu 11 Aoû 2011 - 11:03 par Invité

Madame est servie!
Effet madame voulait placer la philosophie dans le débat sur l'effondrement, une joute oratoire sur des concepts pour "illustrer" des faits bassement matériels. Quelle dérive!
Bravo à Skinner pour son étalage à la wikipédia, j'en serais bien incapable car je n'arrive pas à m'intéresser peu ou prou à ce qu'ont prétendu ces hommes morts il y a plusieurs siècles voire plusieurs millénaires en ayant tout compris, chacun voulant placer sa théorisation plus haute que le prédécesseur voire même que la déité. Pas transcendant pour moi, cet étalage. autrefois, je me suis intéressé aux religions en tant que moteur de l'Humanité mais depuis que je me penche sur la biologie, je me suis aperçu que le seul moteur indispensable s'appelle ESPOIR. L'espoir est ce qui a motivé la croyance, les croyances des religions, des philosophies afin qu'elles apportent un lueur d'avenir sur la Terre ou dans l'au delà de la mort. Les religions ont agrégé toutes les peurs engendrées par ce que l'Homme ne peut maîtriser et ont constitué ainsi le ciment des sociétés au point de se confondre avec elles. Même chez les singes, captifs ou orphelins prématurément , son absence (d'espoir) entraîne le suicide alors qu'ils croient ni aux dieux ni aux philosophes. L'espoir est donc la "transcendance" suprême, tout le reste n'est que charabia. Appelons cela le Foulquisme : une réalité indépassable devant laquelle les bafouilles de Marx ou autres sont des frivolités.
Voilà, Madame est servie.

Foulques

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Mer 10 Aoû 2011 - 20:52 par brusyl

J'espère que tu ne m'en voudras pas de te répondre directement sur ton message : pas envie de soir de faire un intro, un développement..
Donc directement dessus, en italique

Elève Brusyl, (taiiin cela commence mal !)
votre contre argumentation basé sur le sentiment personnel n'est pas pertinent en matière d'analyse ontologique (ne serait ce que parce qu'il est contrebattu par la possibilité même d'un sentiment inverse).
Allons bon, je raisonnerais avec mes « sentiments » elle est bien bonne celle-là ! Suis pas une bibliothèque !d’où puis-je sortir un argument d’ailleurs que de moi ? et cela n’a rien à voir avec un sentiment , c’est tout simplement que je n’ai pas la prétention de raisonner au nom de la nature humaine. Ce que je t’exposais est la dynamique de ma pensée dialectique. Ce n’est pas parce que j’exprime ma pensée avec des mots simples qu’il faut nécessairement la rabaisser à une littérature de roman-photos !
Quand à l'argument qui consiste à opposer la qualité de croyance à l'analyse généalogique de la croyance, il est superfétatoire (retour à l'état ex ante).
???? c’est quoi « l’analyse généalogique » ?

Tu voudras bien me faire l'honneur de penser que j'ai aussi étudié les grands métaphysiciens, de Platon à Hegel en passant par Plotin, Augustin, Thomas d'Aquin et les pères de l'Eglise (les plus marrants à lire par leur restitution naive du platonisme), et que je ne me contente pas de ce qu'a pu en dire Nietzsche (qui en parle d'ailleurs très peu, préférant remonter aux controverses présocratiques, et travailler en généalogiste - il était philologue de formation - plutôt qu'en historien de la philosophie)
Oh grands dieux ! je n’ai jamais pensé que tu n’avais pas lu et étudié ces auteurs ! on ne fait pas deux années de prépa et une licence (ou maîtrise) de philo en faisant de telles impasses. Je dis que tu ne les cites pas, que tu ne les intègres pas à ta réflexion. Et probablement parce que tu ne les entends pas : peut-être les lis-tu avec un à priori critique ? (conf ta phrase : « les plus marrants à lire par leur restitution naive du platonisme ») peut-être parce que ta croyance te ferme les yeux à ce qu’ils veulent exprimer ?
Dans le travail de la raison critique, il ne s'agit pas d'opposer "croyance" à "croyance",
Raison et croyance ?
mais d'analyser la cohérence d'un discours sur l'être qui se fonde en ultima ratio sur la "croyance" (comme l'expression de sentiment personnel, comme plus haut) : Tous les métaphysiciens qui ont analysé l'idée d'une transcendance (immuable) qui "informe" le réel (immanence) se heurtent la même pierre d'achoppement : Si l'Idée (parfaite et immuable) organise le réel, pourquoi la réalité n'est pas strictement conforme à l'Idée qui l'organise ? En termes ontologiques, pourquoi y a-t-il disjonction entre l'Etre et les étants -qui pensent l'Etre ? En termes religieux, pourquoi Dieu, pensé comme infinité et perfection, crée de la finitude et de l'imperfection ? A cette contradiction, tous recourent à l'argument de la "foi" (ou à la subtilité de la distinction entre entendement limité et volonté infinie), c'est à dire dénient à la raison la pertinence à "penser" l'Etre (et donc constituent l'immanence comme "moins etre"). Ce qui revient à conclure comme le faisaient remarquer les présocratiques, que l'Etre se définit comme sa néantisation permanente, donc comme non Etre. En regard, la définition de l'Etre comme immanence et comme contradiction permanente (la lutte de forces antagonistes sans projet, le penta rei d'Heraclite), s'il a le mérite de satisfaire la raison par sa cohérence en définissant l'Etre comme devenir (et donc en évacuant la notion de transcendance), a l'inconvénient d'être absolument désespérant. D'où la question généalogique : Qu'est-ce qui fait que nous (les étants) ne puissions pas supporter ce nihilisme absolu ?
J’ai pas tout saisi en détail, mais le sens général oui.
C’est vrai qu’il y a là une faiblesse apparente : la souffrance, le mal, ,le néant.
Je ne vais pas te ressortir ni Satan ni le péché originel, je n’y crois pas.
Mais oui, je crois à la liberté de l’homme, pas d’amour sans liberté car l’amour est fondamentalement gratuit, sans espoir de récompense. Un Dieu aimant ne peut avoir créé l’homme que libre de ses choix : Mais qu’est ce que la vie sans le néant, le bien sans le mal, le bonheur sans le malheur etc …La liberté est la possibilité de choisir…ou serait alors le choix ? Formidable ouverture de tous les choix possibles et terrible fardeau d’avoir à choisir (l'ex cardinal Ratzinger, plus connu actuellement sous le nom de Benoît XVI (13 et 3 si tu préfères) a écrit de très belles choses à ce sujet)


L'ontologie nietzschéenne est subtile en ce qu'elle propose de penser l'Etre comme un mouvement permanent d'affrontement entre la volonté de lucidité désespérante (par analogie le Thanatos de Freud) et l'illusion fausse mais consolatrice d'un sens ultime (Eros, encore que l'analogie avec Freud soit ici un peu limitée). A mon sens c'est ainsi qu'il faut entendre le fameux aphorisme "La foi sauve, donc elle ment", par opposition à la raison "autodestructrice".
Nietzsche le « crucifié » aurait-il écrit de la même façon s’il avait été soigné de sa psychose maniaco-dépressive par des produits chimiques ? rien de moins sûr. (nan nan aucun sous-entendu vicieux, juste une question et une suggestion : la pensée pure n’existe pas , nous somme reliés à un corps et à une histoire)
Nietzsche ressent l’écartèlement de l’être de façon dramatique, on peut le vivre aussi de façon sereine : la mort est ce qui me fait aimer la vie, l’absence de sens de direction donnée de façon intelligible n’est-il pas ce qui me fait en chercher une ? misère de l’homme sans Dieu, misère de l’homme encore plus avec (le silence éternel des espaces infinis Pascal). C’est ce que vous autres athées qui restez dans votre appréhension de la religion comme le doudou de l’homme face à ses peurs n’arrivez pas à comprendre. Ma recherche de Dieu (ça va là ? c’est pas un sentiment ?) n’a rien à voir avec la mort mais bien plus avec la vie, rien à voir avec la fin mais avec l’origine, la destination. La mort (et j’y ai bien réfléchi tu peux me croire) est un des grands actes de la vie même s’il est le dernier et au pire, juste un mauvais moment à passer (peut-être nous femmes qui sommes passées par l’accouchement avons plus de facilité à appréhender cela, moins de révolte : la naissance est le surgissement du néant comme la mort le retour au néant). Par contre Dieu est ce qui donne(rait) sens à ma vie ici et maintenant. M’en fous d’être sauvée dans une hypothétique vie ultérieure.

Ps : de la transcendance, nous voilà passés à la métaphysique voire à la théologie..... ce n'étais pas mon intention. Je reste fondamentalement laïque en parlant de la transcendance et de sa nécessité sociale

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Mer 10 Aoû 2011 - 17:23 par country skinner

Elève Brusyl, votre contre argumentation basé sur le sentiment personnel n'est pas pertinent en matière d'analyse ontologique (ne serait ce que parce qu'il est contrebattu par la possibilité même d'un sentiment inverse).
Quand à l'argument qui consiste à opposer la qualité de croyance à l'analyse généalogique de la croyance, il est superfétatoire (retour à l'état ex ante).
Tu voudras bien me faire l'honneur de penser que j'ai aussi étudié les grands métaphysiciens, de Platon à Hegel en passant par Plotin, Augustin, Thomas d'Aquin et les pères de l'Eglise (les plus marrants à lire par leur restitution naive du platonisme), et que je ne me contente pas de ce qu'a pu en dire Nietzsche (qui en parle d'ailleurs très peu, préférant remonter aux controverses présocratiques, et travailler en généalogiste - il était philologue de formation - plutôt qu'en historien de la philosophie)

Dans le travail de la raison critique, il ne s'agit pas d'opposer "croyance" à "croyance", mais d'analyser la cohérence d'un discours sur l'être qui se fonde en ultima ratio sur la "croyance" (comme l'expression de sentiment personnel, comme plus haut) : Tous les métaphysiciens qui ont analysé l'idée d'une transcendance (immuable) qui "informe" le réel (immanence) se heurtent la même pierre d'achoppement : Si l'Idée (parfaite et immuable) organise le réel, pourquoi la réalité n'est pas strictement conforme à l'Idée qui l'organise ? En termes ontologiques, pourquoi y a-t-il disjonction entre l'Etre et les étants -qui pensent l'Etre ? En termes religieux, pourquoi Dieu, pensé comme infinité et perfection, crée de la finitude et de l'imperfection ? A cette contradiction, tous recourent à l'argument de la "foi" (ou à la subtilité de la distinction entre entendement limité et volonté infinie), c'est à dire dénient à la raison la pertinence à "penser" l'Etre (et donc constituent l'immanence comme "moins etre"). Ce qui revient à conclure comme le faisaient remarquer les présocratiques, que l'Etre se définit comme sa néantisation permanente, donc comme non Etre. En regard, la définition de l'Etre comme immanence et comme contradiction permanente (la lutte de forces antagonistes sans projet, le penta rei d'Heraclite), s'il a le mérite de satisfaire la raison par sa cohérence en définissant l'Etre comme devenir (et donc en évacuant la notion de transcendance), a l'inconvénient d'être absolument désespérant. D'où la question généalogique : Qu'est-ce qui fait que nous (les étants) ne puissions pas supporter ce nihilisme absolu ?

L'ontologie nietzschéenne est subtile en ce qu'elle propose de penser l'Etre comme un mouvement permanent d'affrontement entre la volonté de lucidité désespérante (par analogie le Thanatos de Freud) et l'illusion fausse mais consolatrice d'un sens ultime (Eros, encore que l'analogie avec Freud soit ici un peu limitée). A mon sens c'est ainsi qu'il faut entendre le fameux aphorisme "La foi sauve, donc elle ment", par opposition à la raison "autodestructrice".

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Mer 10 Aoû 2011 - 12:51 par brusyl


Ouf... ca repart un peu dans tous les sens,

Mais pas du tout cher professeur !
Ma réponse a une introduction, une idée générale (pourquoi tout opposer au lieu de mettre en relation ) un développement et des exemples explicatifs et démonstratifs et même une conclusion en forme d’ouverture.

Ce rôle de correcteur que tu joues ne me déplait pas forcément, cela me permet d’avancer mais j’aimerais bien aussi dialoguer avec toi : je n’ai bien sûr pas la même maîtrise de la théorie philosophique que toi mais j’essaie de sortir de mes tripes ce que je pense, ce que je crois, de ma conception de l’être et de l’existence. Ce n’est pas toujours clair, bien rangé, statique parce que cela aussi est un mouvement … qui passe par le conflit que tu évoques.
Mais j’ai besoin de ce conflit pour avancer, sans renier aucune source de ce conflit. L’harmonie que je recherche passe par là et non par l’abandon d’une des aspirations qui fait ce que je suis, ou plutôt qui fait que je deviens ce que je suis. Je veux faire un tout de mes deux consciences, l’une éternelle et infinie l’autre limitée en durée comme en puissance, comme le un est dans le tout et le tout dans le un, comme le temps est dans la durée, comme la durée m’ouvre à l’infini. Ce qui n'exclut en rien la raison, la pensée critique et le doute.

Je reviendrai dès que j’aurai un peu de temps sur une « critique de la raison pure » (la fin de ton message)
Mais toi Country, ne fais pas-tu pas œuvre de croyance ?
Par exemple tu me cites les philosophes qui disent ce que tu crois : tu évoques , Aristote, Nietzsche, Sartre, Camus… philosophes du scepticisme. Pourquoi tu ne considères jamais ce qu’ont pu dire Platon, Descartes , Pascal, Spinoza ou Bergson ou E. Mounier .. parmi tant d’autres ?
Nietzsche lui-même ne fait-il pas œuvre de croyance lorsqu’il nous parle « d’illusions » Quelle est la science ou la raison qui peut prouver que ce que l’on ne voit pas est une non vérité ? Pourtant tant d’hommes ont témoigné par leur vie et par leur mort qu’ils étaient sortis de la Caverne, qu'il avaient expérimenté une réalité non visible. Pourquoi ne pas les écouter eux-aussi ?

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Mer 10 Aoû 2011 - 9:45 par country skinner

Ouf... ca repart un peu dans tous les sens, sans plus tenir compte de ce qui a été dit avant. Alors :

Pourquoi tout opposer ? Parce que l'Etre est conflit permanent (du polemos d'Heraclite à l'alternance dyonisiaque apollinien de Nietzsche et au conflit des "projets d'existence" des étants de Heidegger). Qu'est-ce qui relie ces forces opposées ? Leur mouvement, sans sens ni direction , si bien que les croyants à la transcendance (y compris les platoniciens et les hegeliens) ont tellement de mal à faire coincider réalité (étant) et Idée (Etre) qu'il leur faut finalement abdiquer la raison et s'en remettre à la foi en la transcendance par un tour de passe passe tautologique.

Quelle application comportementale de ce constat ontique ? Que la raison "s'arrête" lorsque (dans une démarche dialectique qui lui est ontologiquement constitutive) elle se soumet définitivement au principe de la transcendance comme concept organisateur de l'Etre, donc lorsqu'elle cesse son retour critique de questionnement devant l'angoisse du nihilisme. C'est in fine la façon dont se termine aussi bien le doute hyperbolique de Descartes que la critique de la métaphysique de Kant, ou le "sens de l'histoire" de Hegel et de Marx, voire même en un certain sens le "pessimisme heureux de Sysiphe" de Camus. Dans le domaine sociétal, cet arrêt de la raison signe aussi et surtout la soumission intellectuelle aux dogmes (et l'exploitation matérielle des hommes par ceux qui manipulent ces dogmes en se légitimant de cette transcendance). D'où ma remarque initiale sur la nécessité de "tuer le dieu qui est en nous", de portée philosophique, mais aussi pratique. Il ne suffit pas de dénoncer les religions pour mettre fin à la soumission de la raison (tout comme il ne suffit pas de dénoncer l'appétit de lucre ou le manque de sens moral pour mettre fin à l'exploitation économique).

Ce qui ne veut évidemment pas dire qu'en luttant contre notre tendance ontique à la transcendance (exigence de lucidité intellectuelle) nous sapions nécessairement tous les fondements relationnels entre humains. D'abord parce que l'étant en tant qu'il se reconnait comme unique (et non comme simple élément d'un "projet" de l'Etre qui lui confèrerait son sens) reconnait en même temps chacun des autres étants comme tels (écartons donc la confusion fréquente entre individualisme et égotisme), ce qui organise de fait l'exigence "supramorale" de solidarité sociale. Ensuite parce que ce qui "donne sens à l’agir, au collectif en dehors de toute transcendance" , comme tu le questionnes, c'est, comme je l'ai précisé dès le début, la notion de valeurs organisant le consensus social, mais valeurs qui, de par leur dimension historique et conventionnelle, ne sauraient prétendre à une transcendance et sont de fait toujours questionnables par la raison.

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Mar 9 Aoû 2011 - 23:24 par brusyl

Je retrouve bien dans ton texte deux confusions

C'est bien possible... j'ai du pédaler dans la semoule de concepts pas assez digérés. c'est grave docteur ?

mais ne fis-tu pas toi une confusion entre transcendance et transcendantalisme dans la définition que tu en as donnée comme « vérité immuable et indéniable » ?
Pourquoi ce qui serait dans la nature de l'homme (dixit Nietzsche) ne devrait pas exister dans la société humaine ?
Pourquoi toujours mettre tout en opposition ? transcendance/immanence, matière /esprit, nature/civilisation déterminisme/liberté, être et étant , sciences/croyance, individu/société (ou ontologique/sociétal comme tu l’écris) ou je ne sais quoi d’autre ? pourquoi ne pas créer des liens ? pourquoi ne pas chercher le principe qui les unit et leur donne sens ? On est en train de crever de ces oppositions stériles qui ferment toute possibilité d’imaginer une nouvelle voie.

Je suis partie de la signification originale du mot « transcendance » : ce qui est au-delà , non dans une entité séparée mais dans une entité supérieure qui donne sens à la réalité matérielle

Car je pense qu’on ne peut séparer l’être humain de son environnement, que , comme je l’ai dit précédemment, le moi ne peut se construire qu’à travers l’autre, l’homme qu’à travers l’humanité. Comme l’enfant se construit à travers sa relation aux autres, l’être humain ne se construit qu’à travers autrui, à travers sa relation sociale.

C’est pour cette raison que je suis mal à l’aise aussi bien devant les interprétations en terme de système, qui éliminent l’homme de leur analyse ou l’enferment dans une seule fonction (économique par exemple) en rejetant ainsi ce faisant toute sa complexité et imprévisibilité, que les philosophies de l’ego et du Cogito qui ne prennent pas en compte cette dimension relationnelle, qui étudient l’homme comme un objet, un monde clos ( tellement dérisoire dans sa lutte contre le néant, le chaos, la nausée, l’absurde) et non comme un mouvement, un processus, une relation… d’adhésion, de participation ou de révolte et de lutte, n’importe, le oui comme le non sont une relation.
Tu vois, je ne suis pas loin de l’utopie de l’homme marxiste qui par sa praxis réalise son humanité, en réalisant l’harmonie entre son être et les rapports sociaux, mais cela ne me suffit pas : la fin de son aliénation matérielle ne signifiera pas la fin de toutes les aliénations , cela laisse sans réponse la question de sa "destination totale"

PS : où tu vois du pessimisme ? c'est toi qui veux arracher la transcendance du coeur l'homme, pas moi
PS: maintenant que tu as bien déconstruit, voudrais-tu bien répondre à la question que je t'ai posée et reposée ? qu’est ce qui pour toi, donne sens à l’agir, au collectif en dehors de toute transcendance ?

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Mar 9 Aoû 2011 - 13:45 par country skinner

Je retrouve bien dans ton texte deux confusions, l'une transcendance - valeurs (on ne raisonne pas dans le même ordre, ontologique - sociétal) et une nouvelle (confusion kantienne transcendance - transcendantal, mésinterprétation sartrienne ?) qui consiste à parler de la transcendance comme attribut de l'homme (comportemental) alors qu'elle est (chez Kant et Sartre en tout cas) l'attribut de la conscience de l'être (capacité à aller au delà de son ordre). Ce qui d'ailleurs ne change rien à la reconnaissance du besoin de sacré (transcendance) comme moteur ontologique.

(au passage, et sauf bien sur pour les métaphysiciens, la "vérité" n'est que représentation)

Sur ce dernier point, Nietzsche est moins pessimiste que toi puisqu'il reconnait comme fondement de l'Etre le mouvement permanent (figure de l'éternel retour) entre la mortelle volonté de lucidité critique et le besoin d'illusion salvatrice (l'Apollinien ET le Dyonisiaque). L'Etre n'est pas l'un ou l'autre, mais l'un et l'autre...

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Mar 9 Aoû 2011 - 12:37 par brusyl

Je sais ce que tu me dis… pas depuis longtemps, depuis hier où je suis allée fouiner pour chercher à mieux cerner ce concept de transcendance qui était un peu flou pour moi, difficile à distinguer d’autres concepts tels que sacré, spiritualité, idéalisme, religieux… Je me suis parfois perdue dans les labyrinthes du jargon philosophique (ah ! la lecture de philosophie de M. Henry grand défenseur de l’immanence est un régal … j’ai tenu deux pages les yeux écarquillés partagée entre l’envie d’éclater de rire devant un tel charabia et le désespoir de ne pas arriver à comprendre ne serait-ce qu’une seule phrase. Si tu veux t’amuser, c’est ici : http://amichelhenry.free.fr/lessencedela2.htm décidément, l’ontologie n’est pas à ma portée : incapable d’aller plus loin que la compréhension du en-soi et pour-soi sartien)

Mais bon, tout ce que j’ai pu en lire me laisse penser que tu as choisi une définition bien restrictive de la transcendance, et bien datée, disons hégélienne de « gauche » et scientiste du XIX°. Pour de nombreux autres penseurs, la transcendance est partout, l’homme est transcendance (Kant jusqu’à Sartre) par sa capacité à appréhender, à rechercher ce qui n’est pas . Supprimer la dimension transcendantale de l’homme est lui enlever toute possibilité de croire.

Quand tu parlais de la transcendance comme "vérité indéniable et indépassable" , tu ne parles pas de la transcendance en elle-même (qui je le répète ne peut être vérité, mais représentation) mais de la façon dont le pouvoir peut utiliser la transcendance pour assurer sa domination, pas tout à fait pareil. Tu fais de l’analyse politique et non de la philosophie, tu fais une interprétation fonctionnaliste (utilitariste ?) qui ramène un concept à son principe d’utilité sociale.

Entre parenthèses et pour continuer ton petit jeu, moi, si j’étais un tyran-méchant, pas le gentil d’Aristote-, au lieu d’aller chercher une transcendance pour justifier mon pouvoir, (trop mouvant , trop incertain puisque justement du domaine de ce qui n’est pas matériel, expérimental) je distribuerais une partie de l’argent que me ramène ma position de pouvoir pour corrompre mes serviteurs et mes sujets à position clé, et je les impliquerais dans des réseaux d’affaires cachées qui les tiennent ensemble et je placerais des hommes de confiance dans des cabinets de l’ombre qui exercerait le vrai pouvoir, le gouvernement officiel n’étant là que pour habiller d’un vernis idéologique mon action et la faire passer auprès du peuple.

Par contre, une transcendance accepté par tous, une transcendance de vie et non de mort, d'ouverture sur l'autre et non de repli sur sa personne (oui je sais, c’est un jugement moral, de bien et de mal… Pourquoi les philosophes ont tellement de mal à évoquer cette question ?) est une condition nécessaire à l’évolution humaine et sociale , c’est même plus ce qui réalise notre humanité.

Oui elle a été utilisé par les pouvoirs pour assurer leur domination et alors ? elle l’a été comme tant d'autres moyens, les idéologies, la corruption, la peur, la force, le mensonge, la manipulation… tout est bon à utiliser, (et tu oublies dans ta réflexion d’évoquer le pouvoir émancipateur du religieux que les post marxistes ont enfin intégré dans leur réflexion). A partir de là tu dois tout supprimer : l'affect, la pensée ... car tout cela peut être manipulé en vue de la domination !
Vouloir arracher cette dimension du cœur de l’homme comme tu le préconises est le condamner à errer dans un monde du vide, sans avenir, sans projet, à reporter son besoin de croire (supprime le sacré il revient par la fenêtre, aucune philosophie de l’immanence, aucune science ne peuvent évacuer la force irremplaçable de ce besoin de croire) vers les idoles , le magique , la superstition, les addictions compensatrices comme le consumérisme par exemple. Exactement ce que disait Marx, quand il disait « l’âme d’un monde sans cœur » . Mais surtout et c’est là le plus grand danger la tentation pour ceux-ci de confier à un maître, un Führer leurs doutes ,leurs choix et leur libre arbitre.

Je « crois » qu’une transcendance de liberté, de responsabilité (pour soi-même, pour autrui, et pour la planète qui nous accueille) , d’amour, du sacré (considérer l'autre comme sacré -soit par une transcendance religieuse parce qu’enfant de Dieu soit laïque parce que chacun ne peut se réaliser qu’à travers l’autre, ce qui fit l’homme est bien la parole) pourra seule nous sauver de l’individualisme du chacun pour soi, de la recherche de l’intérêt qui seront les causes de l'effondrement de notre civilisation (ouf, j'ai réussi à recoller avec le sujet d'origine !) et pourra nous permettre de nous accomplir en tant qu’ hommes et humanité.

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Mar 9 Aoû 2011 - 10:06 par country skinner

Pour répondre en vitesse, la transcendance est une notion philosophique (depuis Aristote principalement) définissant une vérité qui est ce qu'elle est en elle-même, qui ne dépend pas des hommes ni de leur point de vue, et qui est définitivement explicative du réel (qui, lui, est immanence - ce qui est compris dans la nature d'un être et ne demande pas que l'on fasse appel pour en rendre compte à un principe extérieur). Ce concept a organisé la pensée métaphysique (et la dévalorisation conséquente du monde réel et de l'humain) jusqu'à en gros Nietzsche et Marx (la critique de ce concept ayant ensuite organisé la réflexion ontologique qui va de Heidegger à Sartre). Nietzsche va jusqu'à faire du besoin de vérité transcendantale l'une des deux composantes de l'Etre (dualisme ontologique expliqué dans les posts précédents). Politiquement, elle a servi de support à toute l'organisation de soumission sociale à des détenteurs autoproclamés de cette vérité transcendantale (religion, et droit divin). Je suspecterais volontiers d'ailleurs dans la prétendue "renaissance du sens du sacré" une nostalgie de ce bon vieux temps...

Par contre, il y a une confusion manifeste (et fréquente, je dirais même entretenue) entre ce besoin de vérité transcendante (composante ontologique encore une fois) et la notion de valeurs organisant le consensus social, valeurs qui, historiques et conventionnelles, ne sauraient prétendre à une transcendance et sont de fait toujours questionnables.

Le glissement du besoin de transcendance (le "dieu en nous" ou la "nécessité" du sacré) à l'affirmation de la transcendantalité de "nos" valeurs n'est ni anodin, ni innocent : Il cautionne fondamentalement toutes les tentatives de soumissions intellectuelles, morales, religieuses ou politiques. D'où ma suggestion de "tuer le dieu qui est en nous"...

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Lun 8 Aoû 2011 - 23:05 par brusyl

@ country
Vouais, je savais bien que j'allais me faire taper sur les doigts en faisant cette comparaison entre les révolutions/ émeutes et transcendance . Bon hein, c'était juste une réflexion que je m'étais faite.. je vous la confiais comme cela en passant, sans vouloir en tirer une conclusion syncrétique comme tu dis..
Pour le distingo émeute/révolution, pour moi une révolution est une émeute qui a réussi. Et peut-être aussi ce côté violent qui fait que j'ai parlé de révolution pour les tranquilles, d'émeute pour les autres. la révolution est l'expression de l'utopie, l'émeute celle du désespoir.
Mais je m'incline devant le tien, tu connais beaucoup mieux le sujet que moi.

Le propre de la transcendance, c'est de s'imposer comme une vérité indéniable et indépassable.

Pas d'accord. C'est la définition du dogme que tu me donnes là !
Et si ! la transcendance a un lien avec ce que la liberté individuelle de choisir ce que l'on veut croire. Je peux croire en une transcendance sans vouloir l'imposer comme vérité universelle non ? Et de plus ce n'est pas une vérité puisqu'elle repose sur la croyance, sur un ailleurs, un au-delà et non sur un savoir, sur une réalité objective
Tu me reproches d'en avoir fait une réflexion individuelle : comment pouvait-il en être autrement ? je ne faisais que répondre à ton affirmation "il faut tuer le dieu qui est en nous"..

Une société peut reposer sur des valeurs transcendantales acceptées par tous sans pour autant être une dictature ou une tyrannie ! Par exemple les valeurs transcendantes de notre république sont "liberté, égalité, fraternité " (toutes droites issue je te le signale en passant de la culture judéo-chrétienne) Est ce que cela veut dire que ces trois valeurs existent ici et maintenant ? nan, pour les révolutionnaires (je n'ose plus parler de ces valeurs dans notre simulacre actuel de république) cela voulait dire que le but de la démocratie qu'ils fondaient serait d'aller vers l'accomplissement de cet idéal.

Si moi je syncrétise, toi tu verses dans les extrêmes...

Tu n'as pas répondu à ma question : qu’est ce qui donne sens à l’agir, au collectif en dehors de toute transcendance ?
Cela m'intéresserait bien de lire ta réponse

PS : pas clair mon message sur la transcendance, je fatigue ce soir... j'y reviendrai (peut-être ) demain

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Lun 8 Aoû 2011 - 21:57 par country skinner

Tu as parfaitement illustré ce que Nietzsche identifie comme la pulsion ontologique du besoin métaphysique d'illusion (le besoin de sacré) en plaidant pour la liberté de croire. Aucun jugement de valeur en l'occurrence, la réflexion ontologique se situant par définition "par delà le bien et le mal"

La question de la transcendance n'a rien à voir avec la liberté de choisir ce que l'on veut croire. Le propre de la transcendance, c'est de s'imposer comme une vérité indéniable et indépassable. Ce n'est donc pas de transcendance dont tu parles, puisque tu relativises la portée de ta vérité : elle est perspectiviste (je choisis une transcendance, c'est bien un acte volontaire et libre) et non transcendante. Si elle est véritablement transcendante à la nature humaine, alors sa simple négation constitue un scandale ontologique insupportable (intolérance), et l'humain (immanence) se trouve réduit en regard à une entité insignifiante. C'est en ce sens que Feuerbach analyse l'alienation (entfremdung - devenir étranger à soi même) de l'humain dans le sacré, conférant au transcendant ce qui appartient à l'immanent, dépossédant l'homme d'une véritable conscience de l'essence de son être, abandonnant sa raison et sa volonté (à l'exemple de Pascal précisément) à la soumission au sacré. Quant à l'origine de ce besoin de dépendance au "sacré", je te laisse choisir entre Nietzsche, Marx ou Freud...

Dit trivialement, le fait que tu aies besoin de croire est un acte individuel qui ne concerne que ta conscience critique. Le fait que tu instaures cette croyance comme unique, absolue et indépassable constitue une aliénation (projection au sens feuerbachien). Politiquement, en tant que tyran, j'aurais tendance à capitaliser sur ce besoin "ontologique" de transcendance pour asseoir mon autorité, plutôt que sur le besoin tout aussi "ontologique" de lucidité critique. Tant il est plus facile d'obtenir la soumission de ceux qui croient que de ceux qui demandent pourquoi...

Une remarque en passant à propos de ce mode de pensée symbolique "associatif syncrétique" si répandu aujourd'hui : Les révoltes d'indépendance du Maghreb (pays à haute transcendance ?) dans les années cinquante ont pourtant été sanglantes et les manifestations actuelles des indignés dans les pays européens (matérialistes et individualistes) sont pacifiques... Devant un mouton noir, avant d'en déduire qu'ici tous les moutons sont noir, on peut seulement dire qu'il y a au moins un mouton dont un coté est noir...

Idem pour l'amalgame émeute - révolution : Une révolution est une insurrection, l'acte de violence (sanglant ou pacifique, cf les oeillets au Portugal) par lequel une classe renverse le pouvoir d'une autre classe. Une émeute est le plus souvent à l'origine une manifestation dont l'objet n'est pas nécessairement politiquement insurrectionnel (cf l'origine fiscale des émeutes des commercants poujadistes à la fin des fifties)

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Lun 8 Aoû 2011 - 20:20 par brusyl

La transcendance est aliénation

Oui, je connais… Nietzsche, Marx, Sartre, Castoriadis et j’en passe....
Mais encore là .. pourquoi ?
si je choisis une transcendance, c'est bien un acte volontaire et libre, elle me libère des aliénations imposées par le collectif, elle leur donne du sens, elle me donne un projet, un avenir, elle me fait me révolter contre les injustices et me fait espérer un monde meilleur et tout cela parce que je crois en un principe supérieur à l’homme
Où est la liberté de choix si tu interdis à l’homme de croire ? Au nom de quoi ce choix serait inférieur à celui des matérialistes ou des rationalistes ?

Si ma croyance est la vérité, j’aurais été du bon côté du pari de Pascal et si elle est fausse, quel mal fais-je ? au nom de quoi ce choix serait inférieur à celui des matérialistes ou des rationalistes moi qui n’ai aucune envie de me métamorphoser en surhomme, ou en petite fourmi occupée à poser des actes qui me donneront le sentiment d’exister ou de passer ma vie à vouloir combler mes désir de possession ou à dominer les autres , qui ai fait le tour de mon ego, de mes pulsions, de mes instincts et cherche un principe, une dynamique dans mon comportement avec les autres autre que le conflit et la lutte ?

Quant à une transcendance collective : Penses-tu vraiment qu’une société sans croyance est viable ? où est alors l’origine du bien vivre ensemble ? où va-t-elle chercher les fondements de sa régulation ?
L’autonomie de l’individu ? suffit pas, la société actuelle nous montre parfaitement le vide auquel elle aboutit, plus rien excepté le désir de possession et de domination, le darwinisme social où il tout à fait normal et bien que les plus forts l’emportent , la raison ? la nature humaine ? : c’est déjà faire preuve de croyance que de penser est capable d’arriver par sa condition ou sa réflexion à choisir le bien plutôt que le mal… de « croire » en son innocence originelle.

Hein dis moi : n’est ce pas justement cette capacité au sacré (au sens large) qui fit l’humanité ?
Explique moi : qu’est ce qui donne sens à l’agir, au collectif sinon ?

Ne te méprends pas, je ne plaide pour aucune transcendance, aucune croyance, aucune religion particulière, je me bats juste pour avoir la possibilité de faire ce choix sans avoir à être traitée d’inférieure intellectuelle qui cherche réconfort dans les œillères d’ une foi de charbonnier .

Quant à ma remarque sur violence/transcendanc e que tu interprètes uniquement par rapport au pouvoir… la violence horizontale est aussi un fait social.
A ce propos, voyant ce soir les images des émeutes en GB je me faisais cette réflexion : les pays à haute transcendance, croyance collective holistique viennent de démontrer qu’une révolution peut être non violente et même joyeuse : Tunisie, Egypte ou Israël en ce moment par exemple. Dans les pays à culture individualiste et matérialiste par contre, où la marchandisation a tout gangrené, les mouvements sont destructeurs et violents : émeutes de Los Angeles, les banlieues en France, ou Londres en ce moment…

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Lun 8 Aoû 2011 - 17:24 par country skinner

Pourquoi il "faut"
La réponse était dans la phrase suivante : Toute transcendance est aliénation.

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Lun 8 Aoû 2011 - 17:21 par brusyl

il faut aussi tuer le dieu qui est en nous

Pourquoi il "faut" ?
Dieu n'épargne-t'il pas à l'homme de vouloir jouer les démiurges ? de respecter la nature plutôt que d'en jouer les apprentis sorciers ?
Sans référence à une transcendance, où trouver le principe fondateur d'un comportement humain, ses limites ?
A moins d'un optimisme forcené envers la nature humaine, digne du bon sauvage, je ne vois guère...

Revenir en haut Aller en bas

country skinner

Message Lun 8 Aoû 2011 - 16:35 par country skinner

comment cette dimension sacrée que l'on a cru expulser de nos société revient par la fenêtre
Oui, il ne suffit pas de constater que dieu est mort, il faut aussi tuer le dieu qui est en nous. Toute nouvelle transcendance n'est qu'une nouvelle aliénation. Quant à l'origine de cette volonté de transcendance, certains la situeront dans les rapports sociaux (Feuerbach puis Marx), d'autres dans le cycle ontologique exigence nihiliste de lucidité / besoin métaphysique d'illusion (Nietzsche)
le sacré et le religieux eurent, socialement parlant, bien d'autres but que d'assurer la soumission des peuples. Il eut celui notamment de canaliser la violence
L'exemple est éclairant et amusant : Si j'étais un tyran, je craindrais par dessus tout la montée de la violence individuelle populaire, et j'utiliserais les moyens les plus efficaces pour la canaliser, éviter qu'elle ne finisse contre moi et in fine assurer ainsi la soumission de mon peuple... Comme moyens les plus efficaces de cette canalisation de la violence, je ne vois guère que le sacré national (la patrie est en danger) et le sacré spirituel (Dieu le veut). Mais je serais sans doute un piètre tyran...

Country "ni dieu ni nation" Skinner

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Lun 8 Aoû 2011 - 15:45 par brusyl

En effet les religions pour asseoir leur emprise sur la population avait besoin de prédire un châtiment suprême du divin!

Tu crois pas que c'est un peu simpliste ?

- je n'ai pas parlé des "religions" mais du sacré ce qui est tout à fait différent : le sacré est tout ce qui relie les personnes à l'adhésion à leur société et auquel "on ne touche pas" (éthymologie exacte) : ce sont les récits fondateurs, les mythes, l'eschatologie d'une société... bien plus large; Si tu lisais Dupuy, tu verrais comment cette dimension sacrée que l'on a cru expulser de nos société revient par la fenêtre : il cite par exemple le rite électoral ou la science économique.
Tiens amuse-toi à lire les journaux actuellement et à regarder le vocabulaire qu'ils emploient à propos du dieu "Marché", cette entité dont personne ne connait véritablement la composition : il faut le "rassurer", faut "craindre" ses réactions car on ne sait pas comment il va "réagir" on offre des victimes à sa colère pour le "calmer"... cela rappelle fortement le rite d'adoration et de sacrifice aux dieux des sociétés primitives non ?

- le sacré et les religions sont bien antérieurs au phénomène social, dès l'homme de Néanderthal . Alors sur quoi bases-tu anthropologiquement ton affirmation ?
- le sacré et le religieux eurent, socialement parlant, bien d'autres but que d'assurer la soumission des peuples. Il eut celui notamment de canaliser la violence, c'est notamment le rôle de la victime expiatoire que le peuple offre à ses dieux dont le sacrifice canalise le potentiel de violence qui est en chacun d'entre nous et laisse le groupe apaisé.

Revenir en haut Aller en bas

brusyl

Message Lun 8 Aoû 2011 - 14:17 par brusyl

@ ducky

Profite bien de tes visiteurs (et n'oublie pas de finir ton sac à dos... je te conseille tout de même d'y mettre quelques semences d'oignons et de pommes de terre car la viande de chamois tout seul.. pas terrible!)
Tu me dois une réponse ? sur quel sujet ?

@ country
Nous arrivons à peu près à la même conclusion par des cheminements différents, à savoir l'importance des réseaux locaux.
Mais la différence est que tu envisages cela dans la perspective d'une chute brutale : insurrection, révolution, écroulement des structures étatiques et juridiques.
Dans l'hypothèse d'un "effondrement" per ipse du système, le processus sera beaucoup plus lent et donc moins perceptible. Ainsi peut-être est déjà enclenché ce processus et peu de personnes le réalisent. Combien de romains avaient réalisé durant les quatre siècles de décadence de l'Empire que la fin approchait ?
Donc sans prise de conscience, pas de réaction possible et fort probablement, les premières réactions à s'organiser ne seront pas politiques mais de simples organisations de survie vis à vis d'une insécurité croissante ( voir Moyen-Age) ?

Revenir en haut Aller en bas

Message  par Contenu sponsorisé

Revenir en haut Aller en bas

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum