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Pour une critique de la raison neurobiologique

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22012009

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Pour une critique de la raison neurobiologique Empty Pour une critique de la raison neurobiologique




Par Catherine Malabou •

http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2009/01/pour-une-critiq.html#more

Ecrire le compte rendu critique d’un livre de neuroscience, surtout lorsqu’il porte un titre aussi peu neuroscientifique et si évidemment philosophique que celui de Jean-Pierre Changeux, Du Vrai, du Beau, du Bien, est pour le philosophe une véritable gageure. En effet, celui-ci semble n’avoir d’autre alternative que d’approuver sans réserve cette tentative de domination du champ philosophique par la neuroscience d’une part, de résister de toutes ses forces à ce qui lui apparaîtra nécessairement comme une usurpation, une captation des idées métaphysiques par la neurobiologie d’autre part.

Le problème est que, dans le premier cas, le philosophe en vient à désavouer la philosophie au nom d’un positivisme qui l’humilie — car le neurobiologiste sera toujours plus fort que lui sur la connaissance des mécanismes cérébraux. Dans le second cas, le philosophe découvre qu’il n’a pas les moyens de sa politique car il n’a rien de sérieux ni de convaincant à opposer à l’hégémonie neuroscientifique, sinon l’affligeante pauvreté d’un idéalisme ou d’un spiritualisme des plus primitifs — et le neurobiologiste sera là aussi le plus fort.

C’est un fait, la philosophie s’est fait prendre de court par la neuroscience. La «nouvelle approche neuronale» du Vrai, du Beau, du Bien oblige dès lors la pensée philosophique à trouver une stratégie critique nouvelle qui ne consiste ni à résister ni à accepter mais à dialectiser la réduction de l’idéal au neuronal.

Du Vrai, du Beau, du Bien rassemble les réflexions les plus récentes de Jean-Pierre Changeux présentées lors de son enseignement au Collège de France. Ces réflexions ouvrent, à partir d’une prise en compte des découvertes les plus récentes de la biologie moléculaire, de la génétique, des sciences cognitives et de la neuroscience, des perspectives «philosophiques» sur la cognition (le Vrai), la neuroéthique (le Bien) et la neuroesthétique (le Beau).

Pourquoi ces perspectives mettent-elles le philosophe au défi d’inventer une nouvelle posture critique ? Elles lui permettent de prendre acte de ce que le mot philosophie» n’a fait que recouvrir, tout au long du XXe siècle, des réalités et engagements théoriques tellement différents que son unité est aujourd’hui purement nominale, la neuroscience étant précisément la pointe la plus aiguë de cet instrument à fragmentation philosophique.

On peut considérer que jusqu’à présent, «la» philosophie n’a fait, face à la révolution neuroscientifique opérée dans les années 70, que radicaliser sa propre scission, de manière sans doute irrémédiable, en demeurant incapable de penser ce qui arrivait autrement que dans les termes d’une alternative simpliste. D’un côté s’est constitué le camp des «cognitivistes», qui, dans le droit-fil de la philosophie analytique anglo-saxonne, entreprennent d’élaborer une philosophie naturelle de l’esprit en mettant au jour les substrats neuronaux de nos activités mentales, de nos conduites morales et sociales ainsi que de nos affects. De l’autre se tient le camp des philosophes dits «continentaux», spécialistes, déconstructionnistes ou non, de la tradition métaphysique européenne. Selon ces derniers, l’émergence de la neuroscience contemporaine constitue une pure et simple menace à la liberté — liberté de penser, d’agir, de jouir ou de créer.
Changeux n’a pas tort d’écrire que le «point de vue dominant dans les sciences humaines et la philosophie (Foucault, Levi-Strauss, Derrida)» est que «l’extension du mode de pensée et des modèles de la biologie et de l’évolutionnisme aux sciences humaines et sociales […] se confond […] avec la production d’idéologies totalitaires et répressives». (76) Comment dès lors faire droit à la signification philosophique de la biologie contemporaine en évitant à la fois le réductionnisme et le mépris de la science ?

Le livre de Jean-Pierre Changeux s’inscrit dans la parfaite continuité des deux autres ouvrages fondamentaux que sont L’Homme neuronal (1983) et L’Homme de vérité (2002). En intégrant les changements dus aux découvertes de ces vingt-cinq dernières années, l’auteur enrichit, complexifie et porte à son point d’accomplissement la thèse qu’il n’a cessé de défendre. Elaborée à partir des travaux de l’auteur sur les neurotransmetteurs et récepteurs de neurotransmetteurs, il s’agit de la théorie de l’épigénèse par stabilisation sélective de synapses. Elle est encore connue sous le nom de darwinisme mental.

Rappelons que l’épigenèse est au départ une théorie qui s’oppose à celle de la préformation de l’embryon. L’épigénétisme affirme une complexification progressive de l’embryon, complexification qui se poursuit chez l’enfant après la naissance. Dans le cas du cerveau, l’importance de l’épigenèse est considérable : «Le volume du cerveau de l’homme s’accroît 4,3 fois après la naissance (contre 1,6 fois chez le chimpanzé). Si la morphogénèse de l’architecture cérébrale s’effectue en plusieurs mois, la synaptogenèse se prolonge pendant des années (jusqu’à la puberté). Pendant cette période, les traces de l’environnement socioculturel et de l’éducation s’inscrivent dans le système nerveux en développement.» (258-259)

Il convient alors de distinguer entre «l’enveloppe génétique», qui contient les données génétiques déterminées du développement cérébral (lesquelles concernent les principaux traits de l’organisation anatomique du cerveau), et la «variabilité épigénétique» d’un individu à l’autre (attestée même chez les jumeaux monozygotes) qui dépend pour une part essentielle des influences du milieu, de l’éducation et de l’expérience. Des mécanismes darwiniens non génétiques de variation-sélection permettent d’éliminer d’un côté, de stabiliser de l’autre certaines configurations synaptiques, les «plus aptes».
La mémoire des expériences acquises se perpétue ainsi dans le cerveau sous forme de traces neuronales stables. Ce sont précisément ces mécanismes d’acquisition, qui se fondent sur le développement progressif de la connectivité cérébrale et sur la «sélection» de variations, qui permettront aussi de rendre compte de la formation des objets rationnels (le vrai), des valeurs ou objets moraux (le bien) et des formes esthétiques dominantes d’une culture (le beau). Cette structure épigénétique du développement cérébral est aussi connue sous le nom de plasticité neuronale.
Une telle plasticité, porteuse d’ouverture évolutive, propose au développement cérébral, la vie durant, un nombre «non infini mais inimaginable» de connexions possibles, selon une vertigineuse logique combinatoire.

Nous touchons là au point central de l’analyse. Les philosophes «continentaux» ont tort de ne pas s’intéresser à ces découvertes. En effet, contrairement à ce qu’ils affirment trop souvent, la neurobiologie, loin de proposer un dogme déterministe, révèle que l’organisation de la matière et de la vie apporte la preuve de ce que notre cerveau est pour une grande part ce que nous en faisons. Le grand bouleversement scientifique de notre époque tient à la séparation, accomplie dans tant de domaines, en particulier dans la biologie moléculaire, entre science et déterminisme strict. L’objet de la science est incontestablement devenu la liberté.

Changeux ne cesse d’insister d’ailleurs sur le paradoxe de la non-linéarité évolutive que l’on constate de fait entre l’accroissement de complexité de l’organisation du cerveau et l’invariance apparente du contenu d’ADN dans le noyau cellulaire de la souris à l’homme. Les gènes sont comme en retard sur la plasticité épigénétique. Changeux propose d’ailleurs d’abandonner la notion de «programme génétique» au profit d’un modèle beaucoup plus ouvert et complexe du développement : « l’abandon du concept de programme génétique incite à une observation à la fois plus précise et plus complète de la réalité qui met l’accent sur la contribution des interactions entre cellules dans le développement de l’organisation et la mise en place de la complexité de l’adulte. » (372)
Le rôle des «communications cellulaires» dans la création de fonctions cérébrales élevées offre de nouvelles perspectives de recherche qui interdisent l’assimilation du cerveau à un ordinateur ou de l’homme à un automate. Changeux l’affirme avec force : «L’homme [neuronal] n’est pas un automate génétiquement déterminé, acculturé, sans histoire, et dénué de toute sympathie et compassion, bien au contraire.» (40) Le neurobiologique, poursuit-il, «fait partie de la culture».

Nous parvenons ici au point délicat du raisonnement : si l’on admet le rôle essentiel de l’environnement sur la formation et l’évolution des connexions neuronales, la limite entre biologie et culture, deuxième grand bouleversement scientifique de notre époque, devient extrêmement floue. «L’extrême complexité de l’organisation fonctionnelle de notre cerveau, jusque là insoupçonnée, écrit Changeux, doit être prise en compte, qui inclut les multiples histoires évolutives passées et présentes, emboîtées les unes dans les autres : génétiques et épigénétiques, développementales, cognitives, mentales et socioculturelles, chacune déposant une trace matérielle singulière dans cette organisation.» (104) Les régulations épigénétiques du développement synaptique, qui inclut à la fois l’activité spontanée du réseau nerveux et l’interaction avec l’environnement proche et lointain, montre que la culture est la conséquence de la plasticité synaptique des réseaux nerveux.

C’est pourquoi Changeux propose ici d’explorer ce fondement biologique du culturel en développant une théorie de la construction des objets mentaux, une théorie sociale, une théorie de la normativité éthique, une théorie esthétique, toutes fondées sur l’architecture synaptique et son fonctionnement plastique.
L’étude des différents niveaux de complexité cérébrale, les multiples stratifications évolutives, permettent de montrer par exemple comment le cerveau de l’homme élabore le jugement moral, essentiellement à partir de l’empathie (92), ou parvient à un concept du beau à partir de la saisie sensible des rapports, de la perception de la lumière et de la vision des couleurs.
Tout un chapitre est consacré au rapport entre art et stabilisation synaptique. La musique est elle aussi analysée à partir du rapport entre résonance et dissonance : « notre cerveau perçoit, “aperçoit”, une “physique”, une physiologie des résonances et des dissonances. » (178) L’art de la collection procède également d’une telle “aperception” : « un trait propre aux humains est l’existence d’une réponse émotionnelle à la “beauté de la parcimonie” qui aurait été ainsi sélectionnée au cours de l’évolution des espèces. Elle serait utile à la survie des espèces par la capacité qu’elle offre de détecter des distributions organisées dans la nature. » (178)

C’est là sans doute, dans cette exploration biologique du culturel, que se manifeste la faiblesse du livre de Changeux. Certes, le spectre de l’analyse est très large, qui offre d’intéressants développements sur la conscience, le langage, l’écriture, développements qui étayent l’analyse de la cognition, de la neuroéthique et de la neuroesthétique. Reste malgré tout le caractère quelque peu simpliste, rapide, non approfondi, de toutes ces analyses qui ne pourraient en effet, telles qu’elles sont formulées, qu’entrer en conflit avec celles que Lévi-Strauss a proposé des structures mentales, ou que Freud a proposé des structures psychiques, pour ne rien dire de l’analyse foucaldienne du social et des rapports de pouvoir…

Mais on rencontre ici le piège évoqué au début. Comment critiquer ces analyses ? L’erreur fatale à ne pas commettre est de mener cette critique comme une critique du réductionnisme, en défendant l’idée que la morale ou l’art ne peuvent être établis, en leur essence, sur des fondements biologiques, qu’il s’agit de procès transcendantaux et non déterminés qui ne sont pas assimilables à des structures moléculaires. Erreur fatale en effet car il paraît absolument indubitable que les « structures moléculaires » conduisent à remettre en cause la notion de rigidité mécaniste, qu’elles ouvrent plus une promesse qu’un programme, et que la liberté épigénétique apparaît précisément aujourd’hui comme l’origine même du transcendantal. Nier la continuité du biologique au culturel — si l’on fait de la plasticité un fil directeur — est impossible et philosophiquement intenable. Après tout, les présupposés qui pourraient fonder une neurophilosophie ne sont pas contestables en eux-mêmes.
Nous n’avons rien à sauver, et il est temps de cesser de nous protéger de la science, qui contient à l’évidence beaucoup plus d’enseignements philosophiques aujourd’hui que la philosophie, à commencer, encore une fois, par une réélaboration du concept de liberté.

Reste qu’une critique est nécessaire car quelque chose ne va pas. Ce qui ne va pas est l’optimisme humaniste de Changeux. Toute la complexité évolutive semble disparaître d’un coup dans l’affirmation de ce que l’épigenèse ne peut que conduire à la formation de réseaux de plus en plus harmonieux, intégratifs, non violents. « Le Beau serait ainsi véhiculé sous la forme de synthèse singulières et harmonieuses entre émotion et raison qui renforceraient le lien social ; le Bien consisterait en la poursuite d’une vie heureuse [en] société ; enfin le Vrai serait la recherche incessante de vérités objectives, rationnelles, universelles et cumulatives, avec constante remise en question critique et progrès des connaissances ainsi engendrées. » (514) A ce projet devrait œuvrer un « éclectisme philosophique » (78-79) ainsi qu’une collaboration interdisciplinaire (biologie, neuroscience, sciences de l’homme, des sociétés et histoire des civilisations).

Ce qui manque fondamentalement à une telle perspective, qui assimile la neurobiologie à une science du progrès, outre le disparate qui l’accompagne et se cache mal sous le nom « d’éclectisme » ou de « collaboration interdisciplinaire », est l’absence de tout point de vue sur le nouveau type de réflexivité qu’elle rend pourtant possible et qui fait précisément tout son intérêt philosophique.
Avec la découverte de la plasticité apparaît pour la première fois la possibilité d’une réflexion du cerveau sur lui-même. Or comme, en même temps, personne ne sent ni n’est conscient de son propre cerveau, l’espace de cette réflexivité est tout entier à circonscrire, à décrire, à imaginer. Il n’est pas sûr que cette auto-réflexion, de par l’étrange structure de sa nécessaire médiateté, conduise au bonheur et à la vérité. Comme toute spéculation, elle engage des conflits, des contradictions, bref une aventure dialectique, inhérente à toute définition et toute réélaboration de la subjectivité, laquelle n’est jamais égale à soi.
Le problème n’est donc pas la réduction du culturel au biologique, mais le rapport du sujet neuronal à lui-même, la manière dont il se voit, s’aperçoit ou s’auto-affecte, manière qui n’a jamais été envisagée, ni en philosophie, ni en neurobiologie. Comment être conscient de son cerveau et que se passe t-il lorsque le cerveau devient la conscience d’une époque ?

La nécessité est aujourd’hui impérative de dépasser le clivage entre les deux camps philosophiques évoqués plus haut et de les abandonner tous les deux. Le temps est venu de construire une nouvelle approche conceptuelle de la science, qui s’appuie, en les redistribuant, sur les ressources conjointes du matérialisme et de la dialectique. L’homme neuronal doit produire l’esprit critique de l’esprit matériel.

Catherine Malabou, philosophe, maître de conférences à l'université de Paris 10, vient de publier Les Nouveaux blessés: de Freud à la neurologie, penser les traumatismes contemporains (Bayard).
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Pour une critique de la raison neurobiologique :: Commentaires

brusyl

Message Lun 26 Jan 2009 - 16:30 par brusyl

désolée mon country, je fais partie des 25% qui refusent de suivre le troupeau !
et je vais te dire, à mon humble avis de reubeu, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas paraitre différents des autres ou qu'ils ont moins irrigué la "partie rostrale de la zone cingulaire et striatum ventrale", qu'ils font le mouton, c'est parce qu'ils sont trop flemmes pour réfléchir par eux-mêmes ou que leur éducation leur a inculpé un sacré complexe d'infériorité !

"Selon les statistiques, il y a une personne sur cinq qui est déséquilibrée.
S'il y a 4 personnes autour de toi et qu'elles te semblent normales, c'est pas bon" (JC Van Damme)

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country skinner

Message Lun 26 Jan 2009 - 16:10 par country skinner

Tu cherches l'occasion de caser une nouvelle citation de Van Damme ou quoi ?

Non sérieux, une dimension neurobiologique expliquant notre propension à s'opposer ou non au consensus social, ça t'évoque rien ?

"Ce n'est pas moi qui parle...c'est nous qui parlons." (JC. Van Damme)

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brusyl

Message Lun 26 Jan 2009 - 14:51 par brusyl

Aah que voilà un article qu'il va susciter nombre de commentaires, je n'en doute pas une seule seconde
Tu cherches l'occasion de caser une nouvelle citation de Van Damme ou quoi ?

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country skinner

Message Lun 26 Jan 2009 - 11:27 par country skinner

Aah que voilà un article qu'il va susciter nombre de commentaires, je n'en doute pas une seule seconde.

Ceci dit au delà des explications bioneurologiques, la difficulté de douter par rapport à l'opinion collective me semble un processus social évident (la force du consensus de groupe)

Surtout quand l'opinion collective est orientée par les détenteurs des signums du pouvoir. Que le bon Marx me pardonne...

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country skinner

Message Lun 26 Jan 2009 - 11:24 par country skinner

http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/science_actualites/sitesactu/question_actu.php?langue=fr&id_article=11363&id_mag=0

Revendiquer tout haut ce que l'on est seul à penser tout bas, l'initiative demande parfois un effort surhumain. Mais pourquoi ? D'où nous vient cette propension à nous ranger toujours à l'avis de la majorité ? D'un automatisme cérébral lié à l'apprentissage, avance aujourd'hui une équipe hollandaise.

L'esprit de groupe

Une galerie d'art. Une peinture qui suscite l'admiration de tous. Sauf la vôtre. Pour autant, quand l'assemblée se met à acclamer l'auteur de cette horreur, vous vous surprenez à applaudir et même à reconnaître la valeur du peintre lorsque l'on vous demande votre avis. Un comportement de mouton, ironiseront certains. Un réflexe humain, répondront les psychologues. Un réflexe issu d'un mécanisme cérébrale « servant normalement à détecter les erreurs de jugement », vient de montrer une équipe hollandaise*.

Car, même si c'est difficile à admettre, dans certaines conditions, notre sacro-saint jugement personnel est altéré par celui du groupe. Le Polonais Solomon Asch, l'un des pionnier de la psychologie sociale, en fait la démonstration dès 1951.

Dans son expérience, Asch fait asseoir un individu au milieu d'une assemblée installée en arc de cercle devant un écran. Il projette deux images : la première montre une ligne longue de 8 pouces ; la seconde, trois lignes, respectivement, de 6, 10 et 8 pouces. Asch demande alors à chaque participant de lui désigner le trait du trio présentant la même longueur que celui de la première image. Facile. Sauf qu'interrogés en premiers, les membres de l'assemblée – des complices d'Asch – choisissent tous le mauvais trait, toujours le même. Résultat : dans 75% des cas, l'individu testé se rallie à l'opinion du groupe et pointe le mauvais trait. Ce, en dépit de l'évidence qu'il a sous les yeux.

Cette propension à se fondre dans la masse est donc bien réelle. Pour autant, son origine restait mystérieuse. Pour tenter de résoudre la question, une équipe hollandaise a cherché à visualiser, grâce à l'IRM fonctionnelle, les zones cérébrales s'activant lorsque de tels dilemmes de conformité surviennent. « Mais pour obtenir de telles images, il nous fallait des centaines d'observations par individu. Or, s'il est possible de berner un cobaye une ou deux fois de suite, il devient plus difficile de le faire des centaines de fois… explique Vasily Klucharev, chercheur à Radboud University de Nijmegen, aux Pays-Bas, et co-auteur de l'étude. Aussi, avons-nous mis sur pied une variante du protocole d'Asch. »

L'équipe a ainsi demandé à une vingtaine de jeunes femmes de juger de la beauté de 222 visages européens en les notant sur une échelle allant de 1 à 8. Chaque cliché était présenté deux fois, la première fois, sans indication, la seconde fois, accompagné d'une note censée représenter l'avis d'une population féminine sur la question. Premier résultat : entre les deux présentations des clichés, l'avis du groupe a effectivement influencé le jugement individuel. Mais, plus intéressant, chaque réajustement d'opinion a été précédé par l'activation de deux zones cérébrales très particulières (partie rostrale de la zone cingulaire et striatum ventrale), des zones servant d'ordinaire à vérifier la valeur d'une information apprise dans le passé et à confirmer, ou non, son apprentissage (ce mécanisme est appelé renforcement de l'apprentissage). Ces zones du cerveau ont de plus été beaucoup moins sollicitées lorsqu'il existait une conformité entre la note indicative du groupe et celle de l'individu.

L'erreur d'être différent ?

Ainsi donc, lorsqu'un désaccord survient entre l'opinion personnelle et le groupe, tout se passe comme si le cerveau tentait d'évaluer la possibilité qu'il soit en train d'effectuer une erreur de jugement. « Même si un tel lien avait été supposé dans le passé, c'est la première fois qu'il est mis aussi clairement en évidence, affirme Vasily Klucharev. Au final, il semble que nous nous raccrochions à l'avis du groupe parce que notre cerveau finit par décider que la plus grosse erreur pouvant être commise dans ce contexte, c'est de paraître différent des autres ! »

Conformité sociale : gare aux raccourcis !

Une affirmation qui fait bondir Blandine Bril, directeur de recherche à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) : « Il est impossible de tirer de telles conclusions à partir de ce type d'études. L'IRM fonctionnelle permet de suivre des flux sanguins, donc d'observer le fonctionnent de la mécanique cérébrale. Mais en aucun cas, elle ne renseigne sur l'origine du comportement étudié. Les processus cognitifs sont très complexes et il n'y a pas forcément de relations de causalité entre l'activation d'une aire cérébrale et l'origine d'un comportement. Laisser entendre que la conformité sociale découle d'un processus neurologique est non seulement inapproprié mais dangereux. Et comment expliquer alors qu'entre 25% et 30% de la population ne se plient pas aux règles de la conformité sociale ? Faut-il en déduire que leur cerveau fonctionne de façon différente ? »

De tels raccourcis de pensée sont de plus en plus courants en neurophysiologie, déplore la chercheuse... Un effet de mode selon elle. De quoi rappeler à certains que, comme le montre justement l'expérience pionnière d'Asch, ce n'est pas parce que la majorité l'affirme que la majorité a raison.

Viviane Thivent

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country skinner

Message Dim 25 Jan 2009 - 16:14 par country skinner

Tiens tu as renonçé à ne plus répondre ?

Doute horrible... et si j'avais fait exprès de faire ce contresens dans ma traduction ?

Aaah ce doute ce doute ...

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brusyl

Message Dim 25 Jan 2009 - 14:49 par brusyl

aahh country!!!tu veux aborder ce terrain de la traduction ? à tes risques et périls.....moi cela me plait plutôt !

J'ai été voir le texte original de la chanson de Paxton (je l'ai pas mal travaillé pour la protest song mais Dieu que ses musiques sont emmerdantes !) j'ai pu relever quelques erreurs dans ta traduction

Vas tu partir au loin sans même un adieu (farewell est vraiment l’adieu sans retour)
Plus aucun signe laissé derrière toi ? (ou « sans laisser aucune trace de toi »)
J'aurais pu t'aimer un peu mieux ok
Etre plus attentionné
C'était bien la dernière de mes pensées
(Etre plus attentionné
C'était bien la dernière de mes pensées
est un faux sens et laisse penser au lecteur que c’est « être attentionné « qui est la dernière chose que Paxton aurait voulue alors que c’est bien « être méchant » qu’il ne voulait pas..)


je proposerais plutôt :
Je ne voulais pas te faire (du, mais que l’on doit supprimer pour le rythme)mal
Tu sais bien que c’était bien la dernière des choses que je voulais
Pour respecter le rythme :
Ce n’est pas du tout ce que je cherchais (ou voulais)

une grosse faute de vocabulaire, un faux sens pour ne pas dire un contre-sens dans un texte de 5 lignes, cela mérite à peine la moyenne tout cela !

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country skinner

Message Dim 25 Jan 2009 - 11:42 par country skinner

Vas tu partir au loin sans même un au revoir
Plus aucun signe laissé derrière toi ?
J'aurais pu t'aimer un peu mieux
Etre plus attentionné
C'était bien la dernière de mes pensées

Tom Paxton - Last Thing on my mind
(libre traduction de Country Skinner)

J'aurais pu le mettre en anglais, mais ça aurait donné encore des boutons au Mister

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brusyl

Message Dim 25 Jan 2009 - 11:33 par brusyl

quasi compulsif

Alors réacte mon vieux, réacte ! try to compulse un peu moins et d’être un peu plus aware, tu vois ? faut avoir le feeling,tu vois, le touch.... le spirit ! Sinon à quoi te sert ta brain , tes neurones et ton épigénèse I mean ?

Fais pas ça...

j’ai déposé le préavis, je tiendrai bon ! tout le monde sait combien je suis déterminée (de détermination, pas de déterminisme) et ce ne sont pas des argument comme les tiens qui vont me faire….
...............Trop tard !!!! je me suis fait eue !

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country skinner

Message Dim 25 Jan 2009 - 8:41 par country skinner

je vais te tuer country si tu continues
Toutes mes excuses ma belle, mais c'était plus fort que moi, quasi compulsif... Ceci dit, ton commentaire reste toujours aussi bien propre, bien joli après mon intervention qu'il pouvait l'être avant, non ? (Même si Nietzsche nous invite à apprendre à écrire sur du sable)
C'était donc une réflexion a-critique...

Sur le fond, le débat sur le matérialisme / déterminisme, je l'entends depuis la terminale. Pour ce qui me concerne, oui je suis matérialiste (la pensée est la résultante de réactions chimico électriques entre les synapses des neurones, c'est comme ça et on n'y peut rien, même la conscience du moi est encore une pensée, du même ordre chimico électrique) et non je ne suis pas déterministe au sens ou un déterminisme non prévisible ressemble furieusement à ce que les spiritualistes appellent la liberté (libre arbitre, reflet de l'esprit divin en nous et tutti quanti)

mesure de réprésailles : je fais toute la semaine grève de réponse !
Fais pas ça... Baby reviens, Oooooh... Oublie tout ce que j'ai dit... Redevenons amis... Baby reviens, Oooooh...

(PS : Ca me semble le plus pitoyable argument pour tirer au flanc que j'aie jamais entendu)

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brusyl

Message Sam 24 Jan 2009 - 20:46 par brusyl

je vais te tuer country si tu continues : un commentaire que je me suis fait ch... à écrire pour qu'il soit bien propre, bien joli et que tu torpilles à coup de vandamme !
mesure de réprésailles : je fais toute la semaine grève de réponse !

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country skinner

Message Sam 24 Jan 2009 - 20:31 par country skinner

ce que les cognitifs anglais nomment "consciousness" et "awareness"

Te fais pas de mouron pour le Cyril, c'est un thing qu'il est aware...

Comme le disait Vandamme : "Si tu dors et que tu rêves que tu dors, tu dois te réveiller deux fois"

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brusyl

Message Sam 24 Jan 2009 - 20:15 par brusyl

J’ai eu un peu de temps pour me plonger dans cet article que je n’avais pu jusqu’à présent que lire en diagonale.
je ne comprends pas grand chose aux canaux ioniques, récepteurs, synapses, réseaux neuronaux ou neurotransmetteurs, mais bon, allons-y de notre lecture qui bien sûr, ne peut être que critique !

Cet article a le mérite de reposer à la lumière du dernier bouquin de Changeux le vieux débat entre cerveau /conscience ainsi que celui de l’ acquis/inné ….
Mais aussi, dans ce temps où la science est totalement éclatée, tellement spécialisée (comme par exemple, les neurosciences elles-mêmes) cet article pose la question du positionnement d’une science générale, comme la philosophie, face à ces sciences hyperspécialisées : des neurobiologistes qui auront passé leur vie à détailler les circuits neuronaux en imagerie cérébrale pourront-ils un jour déterminer le processus de la conscience et ainsi donner une réponse strictement scientifique à une question débattue par des générations de philosophes ?

Changeux s’y essaye : Il est résolument scientifiste et matérialiste :
matérialiste (« L’Homme n’a désormais plus rien à faire de “l’Esprit”, il lui suffit d’être un Homme neuronal »), la personne humaine est une simple alchimie hormonale, il n’y a pas d’inconnaissable juste de l’inconnu : nous voilà en plein positivisme comtien : les questions humaines fondamentales sont renvoyées dans le domaine d’une ignorance provisoire ou vers l’archaïsme de la pensée magique (théorie exposée dans l’homme neuronal 1983) Elle est scientifiste « totalitaire » aussi dans la mesure où elle ne reconnaît aucune légitimité aucune indépendance aux autres façons d’appréhender le monde (intuition, poésie,métaphysique, mystiques artistiques) : le vrai ? le juste ? le beau ? des 'interactions entre neurones où l'influx nerveux emprunte un chemin . Un chemin qui n’est pas fixe mais s’auto-modifie avec l’usage, , modifiant ainsi constamment nos représentations du monde admet-il…. ("l’épigénèse par stabilisation sélective de synapses"... )


Je ne pense pas tomber dans le piège dénoncé par l’auteur de l’article (sinon, celui de « l’affligeante pauvreté d’un idéalisme ou d’un spiritualisme des plus primitifs » énoncé par l’auteur qui très subjectivement expédie en trois mots toute une histoire de la pensée ) en dénonçant cette emprise de la neurologie recherchée par Changeux sur toutes les autres sciences : non seulement la philosophie, mais aussi la sociologie, l’anthropologie (le vrai) la politique l'éthique le juridique (le juste) et l’art (le beau).
Tout cela me semble extrêmement dangereux , dramatique même : on sait bien quelles dérives totalitaires ont été construites sur le biologisme Nietzchéen : au stade où veut la porter Changeux la neuroscience n’est plus seulement une discipline scientifique, elle devient le noyau dur d’une idéologie : l’homme –machine (bien qu’il s’en défende le bougre, il est malin !) l’homme privé de sa liberté.
Changeux ne parlait-il pas lors d’un colloque organisé en 1991 « de prédispositions neuronales à l’éthique »???

Enfin, l’auteur de l’article fait très bien une ultime critique que l’on peut opposer à la théorie de Changeux : aucune référence n’y est faite à la conscience : la conscience de soi, la conscience du monde (la weltmachin, si j’ai bien compris) ce que les cognitifs anglais nomment "consciousness" et "awareness" (pas gueuler mister !)
mais aussi pourrait–on ajouter à la critique faite par l'auteur : On aurait du mal à isoler un « moi » monolithique et autonome , isolé de sa relation à l’autre....
Le moi "un intérieur tout tissé d’extérieur » ou encore pour citer Nicolas Grimaldi « À travers le moi, tout se révèle, tout se réfléchit, tout s’exprime. Mais par rapport à ce dont il se fait ainsi le médium, le moi est-il autre chose que ce qu’est une vague sur la mer ? Elle se forme de très loin, enfle, monte, se précipite, elle explose, elle se brise ; et pourtant elle n’existe pas

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Mister Cyril

Message Jeu 22 Jan 2009 - 14:57 par Mister Cyril

Tu plaisantes ou quoi il t'a plagié le gars...

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country skinner

Message Jeu 22 Jan 2009 - 14:54 par country skinner

construire une nouvelle approche conceptuelle de la science, qui s’appuie, en les redistribuant, sur les ressources conjointes du matérialisme et de la dialectique. L’homme neuronal doit produire l’esprit critique de l’esprit matériel.

Putain !! Pourquoi je pense jamais à écrire des trucs comme ça, moi...?

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