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Le Risque Révolutionnaire N'Existe Pas

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27042009

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Le Risque Révolutionnaire N'Existe Pas Empty Le Risque Révolutionnaire N'Existe Pas




Or donc, celui qui, Premier ministre, lors des manifestations contre le CPE déclarait : “J’entends ceux qui manifestent mais j’entends aussi ceux qui ne manifestent pas.” (formule depuis reprise par son ennemi juré, Nicolas Sarkozy) or donc, disais-je, Dominique Galouzeau de Villepin nous explique que la colère qui s’exprime aujourd’hui est telle qu’il y a un risque révolutionnaire en France.

Eh bien tu sais quoi ?

Je me marre, me bidonne, vulgairement, je pouffe, et bien fort, car il n’y a aucun risque révolutionnaire dans ce pays, et quoi qu’il se passe demain, il n’y en aura pas. Jamais.
Tout ce que nous pourrons observer ce sont et seront des actes isolés de colère, comme des mises à sac, des séquestrations, des jacqueries en fait, peut-être autre chose, comme une vraie violence, celle qui dépasse tout, y compris la colère, mais de révolution, ou de soulèvement général, je te fiche mon billet que jamais nous ne le verrons.
Je dis même que c’est une cause entendue et qu’il n’y a pas à y revenir.

Le société est organisée de telle façon (et avec notre consentement) qu’elle tue dans l’œuf toute possibilité de rébellion, et ceux qui voudraient s’y risquer seraient, à court ou à moyen terme, désavoués par le “plus grand nombre”.
Car que veut-il ce “plus grand nombre” ?

La paix et la tranquillité.
Traduire : sa sécurité.

Et pour elle, cette sécurité (même illusoire, celle que te vend et te promet, matin et soir, ton gouvernement) il sera prêt à accepter jusqu’à perdre l’essentiel : sa liberté.
Ce qui, je le pense, est déjà fait.
Sinon, comme expliquer que “le plus grand nombre” soit tacitement d’accord pour vivre dans une société de plus en plus "fliquée", fichée, "radarisée", vidéosurveillée, "Hadopisée".
Cette dernière loi nommée Hadopi est d’ailleurs très significative ; car de quoi s’agit-il ?
De lutter contre les pirates - dont je fais partie, mais j'invite le législateur à venir constater l'énorme collection de DVD et CD légaux qui hantent mon terrier - ceux de l’Internet, ceux qui téléchargent illégalement dit-on, de la musique, des films, des jeux-vidéos ?
Bien sûr que non !
En vérité, Hadopi n’est pas faite pour cela. C’est un cache-nez. La véritable vocation d’Hadopi est de répertorier toutes les infos possibles sur chaque internaute via les fournisseurs d’accès. L’on me rétorquera que c’est déjà peu ou prou le cas, que de toutes les façons par Facebook ou toute autre plateforme équivalente, l’internaute est déjà classé, identifié, surveillé. Sauf que cette fois, il est question de légiférer, de valider une fois pour toute avec, ce qui est énorme, la complicité molle mais réelle des "providers", ce que j’appelle une loi liberticide.
Une telle loi, je parle de sa nature clairement liberticide, devrait provoquer à défaut d’un soulèvement général, une vive réaction, une opposition ferme et outrée du peuple. Dans sa majorité !
Mais comment veux-tu que cette opposition se manifeste quand ce même peuple a déjà accepté d’être "fliqué", fiché, "radarisé", vidéosurveillé ?
Comment veux-tu qu’il se soulève quand il pense (parce que c’est le message qu’on lui fait passer) que toutes ces lois ne sont votées dans un seul et unique but : le protéger ?

Quant à la colère (celle des Continental, des Molex et consort) qu’évoque Dominique Galouzeau de Villepin, celle qui naît du sentiment d’avoir été floué, trahi, humilié, puis abandonné, est-elle suffisante, assez grande, pour demain entraîner tout un pays ?
En d’autres termes, “le plus grand nombre” peut-il envisager de sacrifier ce qui lui reste, ce qu’il a peur de perdre, son semblant de liberté dans une société cadenassée qu’il a validée sans pratiquement broncher, pour ceusses qui viennent de tout perdre, ceusses qui vont plonger ?

La réponse est contenue dans ma question, elle est négative.

Jamais “le plus grand nombre” ne sacrifiera quoi que ce soit, fut-il précaire.
Jamais “le plus grand nombre” ne se sentira solidaire de ce qu’il redoute pour lui-même.
Parce que c’est fini, c’est râpé, il est conditionné, parce qu’il marche à la peur depuis trop longtemps.
Parce qu’il est servile.
Parce qu’il a été éduqué, embrigadé, lobotomisé (notamment par l’outil télévisuel).
Parce que, au fond, il préfère encore (vivre dans) un état totalitaire. Oui, tu as bien lu : un état totalitaire !
Tant il ne veut plus qu’une seule chose : qu’on assure sa sécurité. Pour elle, il est prêt à tout sacrifier. Et tout démontre qu’il a commencé à le faire.

Alors pourquoi veux-tu qu’il risque, demain, de perdre le peu (sa servilité en échange de sa sécurité) qui lui reste ? Au nom de quoi ? Et pour qui ?

Non, définitivement non, et n’en déplaise, il n’y a aucun risque révolutionnaire en France.
C’est une cause entendue et il n’y a pas à y revenir.


”Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort (…) D’où tire-t-il ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ?”[Étienne de La Boétie - “Discours De La Servitude Volontaire

http://sagephilippe.20minutes-blogs.fr/archive/2009/04/26/le-risque-revolutionnaire-n-existe-pas.html
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Le Risque Révolutionnaire N'Existe Pas :: Commentaires

country skinner

Message Lun 4 Mai 2009 - 15:24 par country skinner

Dossier intéressent en effet du Monde Diplo. J'ai mis en gras une partie de l'article de Serge Halimi qui répond en partie aux questions posées.

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country skinner

Message Lun 4 Mai 2009 - 15:23 par country skinner

Serge Halimi

http://www.monde-diplomatique.fr/2009/05/HALIMI/17050

Deux cent vingt ans après 1789, le corps de la Révolution bouge encore. François Mitterrand avait pourtant convié Mme Margaret Thatcher et Joseph Mobutu à en vérifier la mise en bière lors des cérémonies du bicentenaire. Dès lors que l’année de la commémoration fut aussi celle de la chute du mur de Berlin, Francis Fukuyama annonça la « fin de l’histoire », c’est-à-dire l’éternité de la domination libérale sur le monde et la fermeture, à ses yeux définitive, de l’hypothèque révolutionnaire. Mais la crise du capitalisme ébranle à nouveau la légitimité des oligarchies au pouvoir. L’air est plus léger, ou plus lourd, selon les préférences. Evoquant « ces intellectuels et artistes qui appellent à la révolte », Le Figaro se désole déjà : « François Furet semble s’être trompé : la Révolution française n’est pas terminée (1). »

Comme beaucoup d’autres, l’historien en question n’avait pourtant pas ménagé sa peine pour en conjurer le souvenir et pour en éloigner la tentation. Autrefois tenue pour l’expression d’une nécessité historique (Marx), d’une « ère nouvelle de l’histoire » (Goethe), d’une épopée qu’avaient ouverte ces soldats de l’an II chantés par Hugo — « Et l’on voyait marcher ces va-nu-pieds superbes sur le monde ébloui » —, on ne montrait plus d’elle que le sang sur ses mains. De Rousseau à Mao, une utopie égalitaire, terroriste et vertueuse, aurait piétiné les libertés individuelles, accouché du monstre froid de l’Etat totalitaire. Puis, la « démocratie » s’était ressaisie et l’avait emporté, enjouée, paisible, de marché. Héritière de révolutions elle aussi, seulement d’un autre ordre, à l’anglaise ou à l’américaine, plus politiques que sociales, « décaféinées (2) ».

On avait également décapité un roi outre-Manche. Mais la résistance de l’aristocratie y ayant été moins vigoureuse qu’en France, la bourgeoisie n’éprouva pas la nécessité de faire alliance avec le peuple pour asseoir sa domination. Dans les milieux favorisés, un tel modèle, sans va-nu-pieds ni sans-culottes, apparaissait plus distingué et moins périlleux que l’autre. Présidente du patronat français, Mme Laurence Parisot ne trahissait donc pas le sentiment de ses mandants en confiant à un journaliste du Financial Times : « J’adore l’histoire de France, mais je n’aime pas beaucoup la Révolution. Ce fut un acte d’une violence extrême dont nous souffrons encore. Il a obligé chacun d’entre nous à être dans un camp. » Elle ajouta : « Nous ne pratiquons pas la démocratie avec autant de succès que l’Angleterre (3). »

« Etre dans un camp » : ce type de polarisation sociale est fâcheux quand il faudrait au contraire, surtout en temps de crise, se montrer solidaire de son entreprise, de son patron, de sa marque — mais en demeurant chacun à sa place. Car, aux yeux de ceux qui ne l’apprécient guère, le tort principal de la révolution n’est pas la violence, un phénomène tristement banal dans l’histoire, mais, chose infiniment plus rare, le bouleversement de l’ordre social qui intervient à l’occasion d’une guerre entre nantis et prolétaires.

En 1988, à la recherche d’un argument massue, le président George Herbert Bush tança son adversaire démocrate, M. Michael Dukakis, un technocrate parfaitement inoffensif : « Il veut nous diviser en classes. Ça c’est bon pour l’Europe, mais ce n’est pas l’Amérique. » Des classes, aux Etats-Unis, on mesure l’horreur d’une telle accusation ! Au point que vingt ans plus tard, au moment où l’état de l’économie américaine paraîtrait imposer des sacrifices aussi inégalement répartis que le furent les bénéfices qui les précédèrent — un vers de l’Internationale réclame que « le voleur rende gorge »... —, l’actuel locataire de la Maison Blanche a jugé urgent de désamorcer la colère populaire : « L’une des leçons les plus importantes à tirer de cette crise est que notre économie ne fonctionne que si nous sommes tous ensemble. (...) Nous n’avons pas les moyens de voir un démon en chaque investisseur ou entrepreneur qui essaie de réaliser un profit (4). » Contrairement à ce que prétendent certains de ses adversaires républicains, M. Barack Obama n’est pas un révolutionnaire...

« La révolution, c’est d’abord une rupture. Celui qui n’accepte pas cette rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. » Ainsi parlait Mitterrand en 1971. Depuis, les conditions d’adhésion au Parti socialiste (PS) sont devenues moins draconiennes, puisqu’elles ne rebutent ni le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), M. Dominique Strauss-Kahn, ni celui de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Pascal Lamy. L’idée d’une révolution a également reflué ailleurs, y compris dans les formations les plus radicales. La droite s’est alors emparée du mot, apparemment encore porteur d’espérance, pour en faire le synonyme d’une restauration, d’une destruction des protections sociales conquises, voire arrachées, contre l’« ordre établi » (lire « Jeunes sarkozystes au poing levé »).

On reproche leur violence aux grandes révolutions. On s’offusque par exemple du massacre des gardes suisses à l’occasion de la prise des Tuileries en août 1792, ou de celui de la famille impériale russe en juillet 1918 à Iekaterinbourg, ou de la liquidation des officiers de l’armée de Tchang Kaï-chek après la prise du pouvoir par les communistes chinois en 1949. Mais mieux vaudrait alors ne pas avoir précédemment occulté les famines de l’Ancien Régime sur fond de bals à Versailles et de dîme extorquée par les prêtres ; les centaines de manifestants pacifiques de Saint-Pétersbourg fauchés un « dimanche rouge » de janvier 1905 par les soldats de Nicolas II ; les révolutionnaires de Canton et de Shanghaï précipités vivants, en 1927, dans les chaudières des locomotives. Sans rien dire des violences quotidiennes de l’ordre social qu’on entendait autrefois mettre bas.

L’épisode des révolutionnaires brûlés vifs n’a pas seulement marqué ceux qui s’intéressent à l’histoire de la Chine, il est connu des millions de lecteurs de La Condition humaine.Car, pendant des décennies, les plus grands écrivains, les plus grands artistes ont fait corps avec le mouvement ouvrier pour célébrer les révolutions, les lendemains qui chantent. Y compris, c’est vrai, en minorant les déconvenues, les tragédies, les petits matins blêmes (police politique, culte de la personnalité, camps de travail, exécutions).

Depuis trente ans, en revanche, on ne parle plus que de cela ; c’est même recommandé pour réussir à l’université, dans la presse, et pour briller à l’Académie. « Qui dit révolution dit irruption de la violence, explique ainsi l’historien à succès Max Gallo. Nos sociétés sont extrêmement fragiles. La responsabilité majeure de qui a accès à la parole publique est de mettre en garde contre cette irruption (5). » Furet estimait pour sa part que toute tentative de transformation radicale était totalitaire ou terroriste. Il en concluait que « l’idée d’une autre société est devenue presque impossible à penser (6) ». On conçoit qu’une telle impossibilité ne contrariait pas la plupart de ses lecteurs, protégés des orages par une existence agréable de dîners et de débats.

« ... mais c’est nous qui avions
les plus belles chansons »
La phobie des révolutions et son corollaire, la légitimation de l’ordre établi, dénichèrent bien d’autres relais que Gallo et Furet. Qu’on pense ici au choix des médias, cinéma compris. Depuis trente ans, ils ont voulu établir qu’hors la démocratie libérale on ne trouvait que régimes tyranniques et connivence entre eux. La place faite au pacte germano-soviétique l’emporta donc largement sur celle réservée à d’autres alliances contre nature, tels les accords de Munich et la poignée de main entre Adolf Hitler et Neville Chamberlain. Le nazi et le conservateur communiaient au moins dans la haine des fronts populaires. Et cette même peur de classe inspira les aristocrates de Ferrare et les maîtres de forges de la Ruhr lorsqu’ils favorisèrent l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini et du IIIe Reich (7). Cela, est-il encore permis de le rappeler ?

Dans ce cas, allons plus loin… Tout en théorisant avec éclat son refus d’une révolution de type soviétique, qualifiée par un de ses amis de « blanquisme à la sauce tartare », une figure aussi respectée par les professeurs de vertu que Léon Blum a réfléchi aux limites d’une transformation sociale dont le suffrage universel serait le seul talisman. « Nous ne sommes pas bien sûrs, prévenait-il en 1924, que les représentants et dirigeants de la société actuelle, au moment où ses principes essentiels leur paraîtraient trop gravement menacés, ne sortent pas eux-mêmes de la légalité. » Les transgressions de ce genre n’ont en effet pas manqué depuis, du pronunciamiento de Francisco Franco en 1936 au coup d’Etat d’Augusto Pinochet en 1973, sans oublier le renversement de Mohammad Mossadegh en Iran en 1953. Le chef socialiste soulignait au demeurant que « jamais la République n’a été proclamée, en France, par la vertu d’un vote légal rendu dans les formes constitutionnelles. Elle fut installée par la volonté du peuple insurgé contre la légalité existante (8) ».

Désormais invoqué pour disqualifier d’autres formes d’intervention collective (dont les grèves dans les services publics, assimilées à des prises d’otages), le suffrage universel serait devenu l’alpha et l’oméga de toute action politique. Les questions que Blum se posa à son propos n’ont pourtant guère vieilli : « Est-il aujourd’hui une pleine réalité ? L’influence du patron et du propriétaire ne pèse- t-elle pas sur les électeurs, avec la pression des puissances d’argent et de la grande presse ? Tout électeur est-il libre du suffrage qu’il émet, libre par la culture de sa pensée, libre par l’indépendance de sa personne ? Et, pour le libérer, ne faudrait-il pas précisément une révolution (9) ? » Il se murmure que le verdict des urnes a cependant déjoué dans trois pays européens — les Pays-Bas, la France, l’Irlande — les pressions conjointes du patronat, des puissances d’argent, de la presse. Pour cette raison même, on n’en a tenu aucun compte...

« Nous avons perdu toutes les batailles, mais c’est nous qui avions les plus belles chansons. »Ce propos, dont l’auteur serait un combattant républicain espagnol cherchant refuge en France après la victoire de Franco, résume à sa manière le problème des conservateurs et de leur lancinante pédagogie de la soumission. Simplement dit, les révolutions laissent dans l’histoire et dans la conscience humaine une trace indélébile, y compris quand elles ont échoué, y compris quand on les a déshonorées. Elles incarnent en effet ce moment si rare où la fatalité se soulève, où le peuple prend l’avantage. D’où leur résonance universelle. Car, chacun à sa manière, les mutins du Potemkine, les rescapés de la Longue Marche, les barbudos de la Sierra Maestra ressuscitèrent cette geste des soldats de l’an II qui suggéra à l’historien britannique Eric Hobsbawm que « la Révolution française a révélé la puissance du peuple d’une façon qu’aucun gouvernement ne s’est jamais autorisé à oublier — ne serait-ce que par le souvenir d’une armée improvisée de conscrits non entraînés, mais victorieuse de la puissante coalition formée par les troupes d’élite les plus expérimentées des monarchies européennes (10) ».

(suite)

Dernière édition par country skinner le Lun 4 Mai 2009 - 15:27, édité 3 fois

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country skinner

Message Lun 4 Mai 2009 - 15:22 par country skinner

(suite de l'article de Serge Halimi dans le Monde Diplomatique)


Prévenir les restaurations conservatrices nées du savoir

Il ne s’agit pas seulement d’un « souvenir » : le vocabulaire politique moderne et la moitié des systèmes juridiques du monde s’inspirent du code que la Révolution a inventé. Et qui pense au tiers-mondisme des années 1960 (lire Alain Gresh, « Indestructible rêve d’un monde meilleur ») peut se demander si une part de sa popularité en Europe ne vint pas du sentiment de reconnaissance (au double sens du terme) qu’il fit naître. L’idéal révolutionnaire, égalitaire, émancipateur des Lumières paraissait alors renaître dans le Sud, en partie grâce à des Vietnamiens, des Algériens, des Chinois, des Chiliens qui avaient fait leurs classes sur le Vieux Continent.

L’Empire s’empâtait, d’anciennes colonies prenaient le relais, la révolution continuait. La situation actuelle est différente. L’émancipation de la Chine ou de l’Inde, leur affirmation sur la scène internationale suscitent çà et là curiosité et sympathie, mais elles ne renvoient à aucune espérance « universelle » liée, par exemple, à l’égalité, au droit des opprimés, à un autre modèle de développement, au souci de prévenir les restaurations conservatrices nées du savoir et de la distinction.

Si l’engouement international que suscite l’Amérique latine est plus grand, c’est que l’orientation politique y est à la fois démocratique et sociale (lire Maurice Lemoine, « Cette Amérique latine qui assume l’affrontement »). Une certaine gauche européenne a justifié depuis vingt ans la priorité qu’elle accorde aux demandes des classes moyennes en théorisant la fin de la « parenthèse révolutionnaire », l’effacement politique des catégories populaires. Les gouvernants du Venezuela ou de la Bolivie remobilisent au contraire ces dernières en leur prouvant que leur sort est pris en compte, que leur destin historique n’est pas scellé, que le combat continue en somme.

Pour souhaitables qu’elles demeurent, les révolutions sont rares. Elles supposent à la fois une masse de mécontents prêts à agir ; un Etat dont la légitimité et l’autorité se trouvent contestées par une fraction de ses partisans habituels (en raison de son impéritie économique, ou de son incurie militaire, ou des divisions internes qui le paralysent puis le disloquent) ; enfin, la préexistence d’idées radicales de remise en cause de l’ordre social, extrêmement minoritaires au départ (lire Laurent Bonelli, « En 1789, subversifs malgré eux »), mais auxquelles pourront se raccrocher tous ceux dont les anciennes croyances ou loyautés ont été dissoutes (11).

L’historienne américaine Victoria Bonnell a étudié les ouvriers de Moscou et de Saint-Pétersbourg à la veille de la première guerre mondiale. Comme il s’agit du seul cas où ce groupe social fut l’acteur majeur d’une révolution « réussie », sa conclusion mérite d’être rapportée : « Ce qui caractérise la conscience révolutionnaire est la conviction que les griefs ne peuvent être satisfaits que par la transformation des institutions existantes et par l’établissement d’une autre organisation sociale (12). » Autant dire que cette conscience n’apparaît pas spontanément, sans une mobilisation politique et un bouillonnement intellectuel préalables.

D’autant qu’en général, et c’est ce à quoi on assiste à l’heure actuelle (lire Michael Klare, « Géopolitique de l’effervescence »), la demande des mouvements sociaux est d’abord défensive. Ils entendent rétablir un contrat social qu’ils jugent violé par les patrons, les propriétaires de terres, les banquiers, les gouvernants. Le pain, le travail, un logement, des études, un projet de vie.Pas (encore) un « avenir radieux », mais l’« image d’un présent débarrassé de ses aspects les plus douloureux (13) ». C’est seulement ensuite, quand l’incapacité des dominants à remplir les obligations qui légitiment leur pouvoir et leurs privilèges devient manifeste, que la question est parfois posée, au-delà des cercles militants, de savoir « si les rois, les capitalistes, les prêtres, les généraux, les bureaucrates, conservent une utilité sociale (14) ». On peut parler alors de révolution. La transition d’une étape à l’autre peut intervenir vite — deux ans en 1789, quelques mois en 1917 — ou ne jamais se faire.


Question posée en 1977 :

pourquoi l’URSS est-elle donc si stable ?
Depuis près de deux siècles, des millions de militants politiques ou syndicaux, d’historiens, de sociologues ont examiné les variables qui déterminent l’issue : la classe dirigeante est-elle divisée et démoralisée ? son appareil répressif intact ? les forces sociales qui aspirent au changement, organisées et capables de s’entendre ? Nulle part ces études n’ont été plus fournies qu’aux Etats-Unis, où il s’agissait souvent de comprendre les révolutions, d’admettre tout ce qu’elles avaient apporté, mais pour en conjurer la perspective effroyable.

La fiabilité de ces travaux s’est révélée... aléatoire. En 1977, par exemple, on se souciait avant tout de l’« ingouvernabilité » des sociétés capitalistes. Et par contraste on s’interrogeait : pourquoi l’URSS est-elle si stable ? Dans ce dernier cas, les explications se bousculaient : préférence des dirigeants et de la population soviétique pour l’ordre et la stabilité ; socialisation collective confortant les valeurs du régime ; nature non cumulative des problèmes à résoudre, ce qui permettait au parti unique de manœuvrer ; bons résultats économiques qui contribuaient à la stabilité recherchée ; progression du niveau de vie ; statut de grande puissance, etc. (15). Déjà immensément célèbre, le politologue de Yale Samuel Huntington n’avait plus qu’à conclure à partir de cette moisson d’indices concordants : « Aucun des défis prévus dans les prochaines années ne semble qualitativement différent de ceux auxquels le système soviétique a déjà réussi à répondre (16). »

Serge Halimi.

(1) Le Figaro, Paris, 9 avril 2009.

(2) « En un mot, ce qu’exige la sensibilité libérale, c’est une révolution décaféinée, une révolution qui n’aurait pas le goût de la révolution », résume Slavoj Zizek, dans Robespierre : entre vertu et terreur, Stock, Paris, 2008, p. 10.

(3) Financial Times Magazine, Londres, 7-8 octobre 2006.

(4) Conférence de presse du 24 mars 2009.

(5) Le Point, Paris, 25 février 2009.

(6) François Furet, Le Passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XXe siècle, Robert Laffont - Calmann-Lévy, 1995, p. 572.

(7) En 1970, les réalisateurs Vittorio De Sica, dans Le Jardin des Finzi Contini, et Luchino Visconti, dans Les Damnés, ont abordé ce sujet.

(8) Léon Blum, « L’idéal socialiste », La Revue de Paris, mai 1924. Cité par Jean Lacouture, Léon Blum, Seuil, Paris, 1977, p. 201.

(9) Ibid.

(10) Eric J. Hobsbawm, Aux armes, historiens. Deux siècles d’histoire de la Révolution française, La Découverte, Paris, 2007, p. 123.

(11) Lire Jack A. Goldstone, Revolution, Wadsworth Publishing, Belmont (Californie), 2002, et Theda Skocpol, Etats et révolutions sociales, Fayard, Paris, 1985.

(12) Victoria Bonnell, The Roots of Rebellion. Workers’ Politics and Organizations in St. Petersburg and Moscow, 1900-1914, University of California Press, Berkeley, 1984, p. 7.

(13) Barrington Moore, Injustice. The Social Bases of Obedience and Revolt, Sharpe, White Plains (New York) 1978, p. 209.

(14) Ibid., p. 84.

(15) Cf. Seweryn Bialer, Stalin’s Successors. Leadership, Stability, and Change in the Soviet Union, Cambridge University Press, 1977.

(16) Samuel Huntington, « Remarks on the meaning of stability in the modern era », dans Seweryn Bialer et Sophia Sluzar (sous la dir. de), Radicalism in the Contemporary Age, vol. 3, Strategies and Impact of Contemporary Radicalism, Westview Press, Boulder (Colorado), 1977, p. 277.

Dernière édition par country skinner le Lun 4 Mai 2009 - 15:28, édité 2 fois

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brusyl

Message Ven 1 Mai 2009 - 14:01 par brusyl

(j'ai acheté le diplo et vous ai scanné la suite de l'article..... mais ce n'est pas le meilleur article - à mon sens- de ce dossier, le plus intéressant étant " Contestation à consommer pour classes cultivées" qui démontre que dans la situation actuelle la jonction est en train de s'opérer entre une classe intellectuelle -qui a toujours eu, un rôle important dans toutes les révolutions de notre pays- et une classe à opinions plus radicales, et comment cette classe dite "intellectuelle " est en train de chercher à penser un nouveau monde)

En 1789,subversifs malgré eux


PAR LAURENT BONELLI
En1902, Lénine écrit Que faire ?. Il considère alors qu'il ne peut y avoir de transformation sociale majeure sans une organisation constituée « principalement d'hommes ayant pour profession l’ activité révolutionnaire», c'est-à-dire des agiteurs, des organisateurs, des propagandistes spécialisés. Les bolcheviks adopteront rapidement cemodèle, inaugurant une voie qui sera suivie par beaucoup d’autres, y compris d'options idéologiques différentes.
Le rôle de ces militants aguerris - un Jan ValTin, un Max Hölz - dans le déclenchement de grèves ou d’insurrections, comme dans le développement et la circulation des idées, fait qu'ils sont devenus une référence
obligée de l'imaginaire progressiste (I).

Ces minorités agissantes suscitent également l'intérêt des polices politiques : elles renforcent sans relâche leur coopération - leur internationalisme devance souvent l'internationalisme prolétarien- et cherchent inlassablement derrière toute mobilisation sociale les menées occultes d'organisations subversives poursuivant d'autres fins.

Bien qu’opposées pratiquement sur tout, ces deux visions s'accordent pour considérer que les dynamiques révolutionnaires naissent de l'action consciente, planifiée et organisée de certains acteurs.
La Révolution française a démontré l'insuffisance d’une telle analyse. En effet, si l'on étudie,
comme l’historien américain Timothy Tackett (2), les membres des trois ordres - clergé, noblesse et
convoqués en mai 1789 pour les Etats Généraux, on peine à trouver les suspects habituels de la sédition.
Sont réunis au contraire des individusqui comptent parmi les plus respectables du royaume : princes, ducs, marquis, comtes, barons, archevêques, évêques, magistrats, avocats, médecins, professeurs d'université, banquiers... A l'exception d’une centaine de députés du tiers-état et d’une partie du clergé constituée des prêtres de paroisse, l’immense majorité du millier de délégués qui convergent à Versailles appartient aux catégories les plus privilégiées de l'Ancien Régime.

Pourtant, ce sont eux qui, en quelques semaines, vont jeter à bas les fondements mêmes du système monarchique. Des années après les faits, le constituant Malouet s'étonnait encore de l'œuvre accomplie en 1789 : « On ne sait comment, sans plan, sans but déterminé, des hommes divisés dans leurs intentions, leurs mœurs, leurs intérêts, ont pu suivre la même route et arriver de concert à la subversion totale (3). »

Pour expliquer ce phénomène, des historiens comme Albert Soboul ou Michel Vovelle ont mis l'accent, dans un contexte de crise financière profonde de l'Ancien Régime, sur l'antagonisme entre la bourgeoisie économique et la noblesse foncière. La première finance en effet les dettes sans cesse croissantes de la monarchie, sans pour autant accéder au pouvoir politique, accaparé par la seconde en vertu de sa naissance.

JUSTE sur le fond, cette analyse néglige trop les enchaînements par lesquels les délégués des Etats généraux sont devenus des révolutionnaires. Et, collectivement, ont conclu que le monde politique et institutionnel qu'ils avaient toujours connu devait être renversé.

La Révolution se déroule par à-coups, sans que personne ne soit en capacité de la maîtriser complètement. Elle passe d'abord par le renforcement de l'unité du tiers-état, qui paradoxalement va être favorisé par l'attitude du clergé et de la noblesse. En effet, en refusant de rencontrer les représentants du tiers et en les obligeant à se réunir sépa-rément, les ordres privilégiés ont contribué à développer chez les premiers une cohésion que leurs différences d'origines et d'aspirations rendaient peu probable. L'intransigeance des nobles, enmenés par leur fraction la plus conservatrice, provoque une virulente hostilité à leur encontre. Leur morgue et leur dédain irritent les délégués du tiers-état jusqu'aux plus modérés, si bien que ceux-ci se constituent le 17 juin en Assemblée nationale, sans représentants des deux autres ordres.

LE DECRET fondateur de cette assemblée indique qu'elle contrôle l'intégralité de la levée des impôts. La mesure, remarquablement révolution-naire, déclenche immédiatement l'hostilité du roi. Ce dernier laisse entendre qu'il va dissoudre l'as-semblée et déploie des troupes autour de la salle du conseil. Mais le bras de fer est enclenché : les députés prennent leur nouvelle fonction au sérieux et, encouragés par le soutien enthousiaste des centaines de Versaillais et de Parisiens qui assistent aux séances, déclarent que qui-conque tenterait de les disperser ou de les arrêter serait « coupable d'un crime capital ». L'audace de cet acte collectif accélère le rythme de la mobilisation : une bonne part du clergé puis quarante-sept nobles rejoignent l'Assemblée nationale. Le roi fait alors volte-face. Il ordonne à l'en-semble du clergé et de la noblesse de siéger ensemble dans ce qu'il appelle encore les Etats généraux. Les députés des trois ordres se met-tent au travail dans de multiples bureaux et com-missions, limant peu à peu les antagonismes qui les opposaient quelques jours plus tôt.

La lente pacification des relations à Versailles contraste néanmoins avec la dégradation de la situation générale du pays. Une violente insurrec-tion populaire éclate le 12 juillet à Paris. La Bastille est prise le 14, et les scènes de lynchage (dont celui de l'intendant de Paris et de son gendre, accusés d'être responsables des difficultés d'approvisionnement) se multiplient. Les pillages et les émeutes s'étendent en province, provoquant ce que l'on appellera la Grande Peur. L'administration royale semble au bord de l'effondrement et en tout cas incapable de ramener le calme. Inquiets - et par-fois horrifiés - de la situation, les députés inaugurent une série de débats sur les mesures à prendre pour en finir avec les troubles. Et la séance historique du 4 août 1789 commence en réalité par l'examen d'un décret visant à restaurer l'ordre et la loi...

Au milieu des débats, deux représentants de la haute aristocratie, le vicomte de Noailles et le duc d'Aiguillon - faisant écho aux doléances des émeutiers -, proposent alors, à la surprise de leurs homologues, d'en finir avec les droits seigneuriaux et d'instaurer un impôt proportionnel aux revenus. Le duc du Châtelet, courtisan et pair du royaume, commandant en chef des troupes ayant réprimé les troubles parisiens de la mi-juillet et considéré comme un intransigeant, s'avance à son tour et déclare officiellement renoncer aux droits sur ses terres, sous réserve d'une «juste compensation ». Une sorte d'euphorie s'empare de l'assemblée et, les uns après les autres, les députés viennent faire leurs propres offrandes : instauration d'un système judiciaire gratuit, suppression des droits casuels du clergé, du droit de chasse, réforme de la gabelle et des traites, abolition de certains privilèges provinciaux ou municipaux... A 2 heures du matin, il ne reste apparemment plus rien à offrir. Pendant un bref moment, un curieux mélange d'idéalisme, d'inquiétude et de fraternité a réuni les députés de tous ordres. Un moment que le député Pellerin, tard dans la nuit, consignait ainsi dans son journal : « La postérité ne voudra jamais croire ce que l'Assemblée nationale a fait dans l'espace de cinq heures. [Elle] a anéanti des abus qui existent depuis neuf cents ans et qu'un siècle de philosophie avait en vain combattus (4). »

BIEN SÛR, les antagonismes resurgirent par la suite, lors des débats sur la nationalisation des biens du clergé ou lorsque, le 19 juin 1790, l'assemblée vote l'abolition de la noblesse héréditaire, provoquant le départ d'une bonne part des aristocrates vers les armées d'émigrés, qui luttent contre la Révolution. Mais la nuit du 4 août 1789, qui vit l'abolition des privilèges, n'en reste pas moins une illustration éclairante de la manière dont, dans une situation de crise, les dynamiques propres de l'assemblée ont pu entraîner des députés à adopter des positions révolutionnaires qui, quelques semaines auparavant, leur auraient paru totalement inconcevables.

LAURENT BONELLI.

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brusyl

Message Jeu 30 Avr 2009 - 0:13 par brusyl

Dossier : comment naissent les révolutions

En 1789, subversifs malgré eux

En 1902, Lénine écrit Que faire ?. Il considère alors qu’il ne peut y avoir de transformation sociale majeure sans une organisation constituée «principalement d’hommes ayant pour profession l’activité révolutionnaire», c’est-à-dire des agitateurs, des organisateurs, des propagandistes spécialisés. Les bolcheviks adopteront rapidement ce modèle, inaugurant une voie qui sera suivie par beaucoup d’autres, y compris d’options idéologiques différentes. Le rôle de ces militants aguerris — un Jan Valtin, un Max Hölz — dans le déclenchement de grèves ou d’insurrections, comme dans le développement et la circulation des idées, fait qu’ils sont devenus une référence obligée de l’imaginaire progressiste .

Ces minorités agissantes suscitent également l’intérêt des polices politiques : elles renforcent sans relâche leur coopération — leur internationalisme devance souvent l’internationalisme prolétarien — et cherchent inlassablement derrière toute mobilisation sociale les menées occultes d’organisations subversives poursuivant d’autres fins.

Bien qu’opposées pratiquement sur tout, ces deux visions s’accordent pour considérer que les dynamiques révolutionnaires naissent de l’action consciente, planifiée et organisée de certains acteurs.

La Révolution française a démontré l’insuffisance d’une telle analyse. En effet, si l’on étudie, comme l’historien américain Timothy Tackett , les membres des trois ordres — clergé, noblesse et tiers-état — convoqués en mai 1789 pour les Etats généraux, on peine à trouver les suspects habituels de la sédition. Sont réunis au contraire des individus qui comptent parmi les plus respectables du royaume : princes, ducs, marquis, comtes, barons, archevêques, évêques, magistrats, avocats, médecins, professeurs d’université, banquiers... A l’exception d’une centaine de députés du tiers-état et d’une partie du clergé constituée des prêtres de paroisse, l’immense majorité du millier de délégués qui convergent à Versailles appartient aux catégories les plus privilégiées de l’Ancien Régime.

Pourtant, ce sont eux (...)

Retrouvez la version intégrale de cet article dans Le Monde diplomatique actuellement en kiosques (mai 2009)
http://www.monde-diplomatique.fr/2009/05/BONELLI/17061

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Donald11

Message Mar 28 Avr 2009 - 12:56 par Donald11

brusyl a écrit:ce n'est pas "mon sentiment", duck, je ne sais pas trop quoi penser de ce texte qui dit que la peur, la lâcheté et l'individualisme l'emporteront sur le collectif, l'idéal et la lutte contre l'injustice... tu sais bien que ce n'est pas trop ma philosophie, moi la pauvre utopiste naïve....
Quel collectif ? Nous sommes tous éparpillés, divisés (pour mieux régner ?). Les organisations syndicales sont des coquilles vides. Les politiques sont tous de la même couleur. Sur M2 même, nous sommes 15 pelés et 15 tondus à pousser dans le même sens, soit une poignée d'irreductibles gaulois.
Je l'ai posté juste pour donner un autre son de cloche à d'autre articles annonçant pour bientôt le grand soir.....
(par ex :Séquestrations et mise à sac : la classe dangereuse renaît de ses cendres)
Je continue à espérer que la colère des français qui est sensible en ce moment, saura s'organiser pour se faire entendre ....
Là aussi, je pense que c'est une colère éparpillée. Contre les fermetures d'usines, et les vagues de licenciements actuels, c'est tout le monde qui devrait se retrouver dans la rue, ou à la sous-préfecture de Compiègne, pas seulement les désespérés lourdés comme on jette un kleenex. Mais faut pas s'en faire, c'est certain, avec Chérèque, ils sont sauvés !!!

Salauds d'ouvriers !!!

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brusyl

Message Mar 28 Avr 2009 - 12:36 par brusyl

ce n'est pas "mon sentiment", duck, je ne sais pas trop quoi penser de ce texte qui dit que la peur, la lâcheté et l'individualisme l'emporteront sur le collectif, l'idéal et la lutte contre l'injustice... tu sais bien que ce n'est pas trop ma philosophie, moi la pauvre utopiste naïve....
Je l'ai posté juste pour donner un autre son de cloche à d'autre articles annonçant pour bientôt le grand soir.....
(par ex :Séquestrations et mise à sac : la classe dangereuse renaît de ses cendres)
Je continue à espérer que la colère des français qui est sensible en ce moment, saura s'organiser pour se faire entendre ....

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Donald11

Message Lun 27 Avr 2009 - 22:48 par Donald11

Je partage entièrement ce sentiment avec toi, Sylvie. De révolution, que nenni ... La Société est beaucoup trop divisée, et la peur est un être exigeant ... Il peut y avoir tout au plus quelques foyers de révoltes ...

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brusyl

Message Lun 27 Avr 2009 - 17:42 par brusyl

des éléments de réponse country dans cet article....

"Après 1789, 2009 ?",
Sophie Wahnich, Le Monde, 04 avril 2009

La Révolution française, vingt ans après le bicentenaire, affleure à nouveau dans les discours publics. Le président de la République de reconnaître que ce n’est pas facile de gouverner un "pays régicide". Alain Minc de mettre en garde ses "amis de la classe dirigeante" en rappelant que 1789 a commencé en 1788 et qu’il faut sans doute savoir renoncer à certains privilèges. Jean-François Copé de déplorer "la tentation naturelle de refaire en permanence 1793".

Ces énoncés témoignent pour le moins d’une inquiétude : le peuple français ne se laisse pas si facilement gouverner, il a su et saurait peut-être à nouveau devenir révolutionnaire, voire coupeur de têtes. Parler de la Révolution française vise soit à la congédier en affirmant qu’on ne laissera pas faire à nouveau, soit à en faire le lieu d’une expérience utile pour ne pas répéter les erreurs passées. La violence doit aujourd’hui pouvoir rester symbolique et ne pas atteindre les corps. Pour ce faire, il faut savoir d’un côté la retenir, et de l’autre tarir les sources de son surgissement.

Retenir la violence, c’est là l’exercice même du maintien de l’ordre. Or il n’appartient pas aux seules "forces de l’ordre". Les révolutionnaires conscients des dangers de la fureur cherchent constamment des procédures d’apaisement. Lorsque les Parisiens, le 17 juillet 1791, réclament le jugement du roi, ils sont venus pétitionner au Champ-de-Mars sans armes et sans bâtons. L’épreuve de force est un pique-nique, un symbole dans l’art de la politique démocratique.

Aujourd’hui, les mouvements sont non violents, ils inventent, comme de 1790 à 1792, des formes qui permettent de dire la colère tout en retenant la violence. Les manifestations et les grèves encadrées par les syndicats et les coordinations relèvent de cette tradition, mais on peut aussi voir des occupations avec pique-nique, un "printemps des colères" qui propose en même temps une guinguette. On lit La Princesse de Clèves dans un vaste relais de voix devant un théâtre public.

Or ces outils de l’auto-retenue de la violence peuvent être mis à mal par les forces de l’ordre quand elles usent de la violence répressive sur les corps. Ici encore, ce n’est pas sans rappeler la violence exécutive qui surgit contre les corps désarmés de la foule. Le 17 juillet 1791, certains sont morts dans une fusillade sans sommation, aujourd’hui certains perdent un oeil dans un passage à tabac, des enfants rentrent chez eux traumatisés, des manifestants sont interpellés et jugés pour rébellion.

Enfin cette auto-retenue peut céder si ceux à qui est adressée la demande de nouvelles lois n’entendent pas ces émotions disruptives que sont la colère, l’indignation et même l’effroi lié à la crise. Le désir de lois protectrices est au fondement du désir de droit. Le gouvernement joue avec le feu en refusant de traduire dans les faits cette demande populaire. Elle incarne un mode spécifique de la souveraineté en France : la souveraineté en actes. La disqualifier au nom de la seule démocratie représentative, c’est fragiliser encore davantage un pacte social d’unité déjà exsangue.

En effet, plus on s’éloigne de l’élection présidentielle, et plus la nécessité pour un président de la République de représenter le pays tout entier, réuni après la division électorale, semble négligée, voire méprisée.

Loin de tenir compte des attentes du camp adverse, notre gouvernement n’a pas non plus tenu compte de son propre camp, à qui il avait promis un meilleur niveau de vie. Aujourd’hui, la crise s’installe. Les effets sociaux et politiques du bouclier fiscal sont devenus lisibles. On assiste à une volonté de réformer le système éducatif français sans concertation et les réformes sont vécues comme des démantèlements purs et simples. Une dette d’honneur et de vie pourrait opposer frontalement deux groupes sociaux antagonistes et diviser profondément la société.

Dette d’honneur, car l’électorat a été trompé par un usage sans vergogne du registre démagogique et que, maintenant, il le sait. Dette d’honneur, car le refus de concertation prend appui sur la valeur supposée des résultats électoraux en démocratie. Effectivement, Nicolas Sarkozy a été bien élu, et la valeur donnée au rituel se retourne contre ceux mêmes qui y ont cru, dans toutes les catégories sociales révoltées. Enfin, "dette de vie", car aujourd’hui le travail et l’éducation nationale sont vécus comme des "points de vie" qui semblent disparaître sans que les plus riches semblent s’en soucier, avouant une absence totale de solidarité dans la crise.

Le mot d’ordre qui circule "nous ne paierons pas votre crise" met en évidence cette division sociale entre un "nous", les opprimés, et un "vous", les oppresseurs. Mais elle a surgi également dans l’enceinte de Sciences Po Paris. Des étudiants de l’université étaient venus chercher des alliés dans cette maison. Ils ont été éconduits et parfois insultés, qualifiés de futurs chômeurs dont les étudiants de Sciences Po auraient à payer le RMI. Cette violence symbolique traverse déjà donc différents segments de la société et ne peut qu’attiser la rébellion de ceux qui se sentent ainsi bafoués par une nouvelle morgue aristocratique. Les étudiants venaient chercher des alliés, ils ont rencontré des ennemis.

Mais le "nous" des opprimés n’est pas constitué uniquement des précaires, chômeurs, ou futurs chômeurs, il est constitué des classes moyennes qui sont précarisées, des classes lettrées qui manifestent et se mettent en grève pour défendre une certaine conception de l’université et des savoirs. Il est constitué de tous ceux qui, finalement, se sentent floués et réclament "justice". A ce titre, les mouvements sociaux de cet hiver et de ce printemps sont déjà dans la tentation naturelle de refaire 1793. Ils veulent plus de justice et pour l’obtenir affirment que, malgré les résultats électoraux, ils incarnent le souverain légitime.

Cette tentation naturelle du point de vue du président de la République, c’est celle de "l’égalitarisme", terme disqualifiant le fondement même de la démocratie : l’égalité. Ce supposé égalitarisme viserait à empêcher ceux qui ont le mieux réussi en termes de gains de richesse, de pouvoir pleinement bénéficier de cette richesse. Le bouclier fiscal serait une loi protectrice contre l’égalitarisme. Ici, refaire 1793 supposerait de refuser ce faux débat. Pendant la Révolution française, l’épouvantail brandi par les riches s’appelle "loi agraire", une volonté supposée de redistribuer toutes les terres. Robespierre, le 24 avril 1793, en rejette l’idée : "Vous devez savoir que cette loi agraire dont vous avez tant parlé n’est qu’un fantôme créé par les fripons pour épouvanter les imbéciles ; il ne fallait pas une révolution pour apprendre à l’univers que l’extrême disproportion des fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes. Mais nous n’en sommes pas moins convaincus que l’égalité des biens est une chimère. Il s’agit bien plus de rendre la pauvreté honorable que de proscrire l’opulence".

Le 17 juin 1793, il s’oppose à l’idée que le peuple soit dispensé de contribuer aux dépenses publiques qui seraient supportées par les seuls riches : "Je suis éclairé par le bon sens du peuple qui sent que l’espèce de faveur qu’on veut lui faire n’est qu’une injure. Il s’établirait une classe de prolétaires, une classe d’ilotes, et l’égalité et la liberté périraient pour jamais."

Une loi, aujourd’hui, a été votée pour agrandir cette classe d’ilotes, mais le gouvernement refuse que l’impôt sur les immenses richesses puisse venir en aide aux "malheureux". Le pacte de la juste répartition des richesses prélevées par l’Etat semble avoir volé en éclats quand les montants des chèques donnés aux nouveaux bénéficiaires du paquet fiscal ont été connus : les 834 contribuables les plus riches (patrimoine de plus de 15,5 millions d’euros) ont touché chacun un chèque moyen de 368 261 euros du fisc, "soit l’équivalent de trente années de smic". Une dette de vies.

Lorsque Jérôme Cahuzac, député du Lot-et-Garonne, affirme qu’il est "regrettable que le gouvernement et sa majorité soient plus attentifs au sort de quelques centaines de Français plutôt qu’aux millions d’entre eux qui viennent de manifester pour une meilleure justice sociale", il retrouve en effet le langage révolutionnaire. Ainsi le cahier de doléances du Mesnil-Saint-Germain (actuellement en Essonne) affirme : "La vie des pauvres doit être plus sacrée qu’une partie de la propriété des riches."

Certains, même à droite, semblent en avoir une conscience claire quand ils réclament, effectivement, qu’on légifère contre les bonus, les stock-options et les parachutes dorés. Ils ressemblent à un Roederer qui, le 20 juin 1792, rappelle que le bon représentant doit savoir retenir la violence plutôt que l’attiser. Si le gouvernement est un "M. Veto" face à ces lois attendues, s’il poursuit des politiques publiques déstabilisatrices, alors la configuration sera celle d’une demande de justice dans une société divisée, la justice s’appelle alors vengeance publique "qui vise à épurer cette dette d’honneur et de vie. Malheureuse et terrible situation que celle où le caractère d’un peuple naturellement bon et généreux est contraint de se livrer à de pareilles vengeances".

SOPHIE WAHNICH

Historienne Chercheuse au CNRS-Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (Laios-IIac). Elle est l’auteur de nombreux ouvrages sur la Révolution française, dont "L’Impossible Citoyen, l’étranger dans le discours de la Révolution française" (Albin Michel, 1997) ; "La Longue Patience du peuple, 1792, naissance de la République" (Payot, 2008).

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country skinner

Message Lun 27 Avr 2009 - 14:46 par country skinner

Je pense que ce raisonnement, logique (il n'y aura pas de mouvement révolutionnaire en France parce qu'il n'y a pas de mobilisation préalable sur un projet révolutionnaire) sous estime le potentiel aggrégateur de mouvements de révolte populaire par exaspération. Je fais appel aux connaissances historiques (que je n'ai pas) pour savoir si lors des révolutions précédentes, il y avait réellement un projet révolutionnaire prévu et préexistant dans l'attente des premiers soulèvements populaires ?

Bien évidemment, la question subsidiaire est : Quel sera le facteur déclenchant qui mettra le feu aux poudres de la colère populaire ?

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