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Programmées pour dominer- Machines hostiles

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14092011

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Il n’est pas difficile de faire l’expérience de la violence des portillons automatiques dans les couloirs du métro parisien. Un défaut d’attention, un mouvement décalé, un sac à dos un peu large, un enfant tenu par la main qui n’accepte pas de se presser… et la tenaille de caoutchouc broie les épaules ou frappe les tempes. L’aventure fait sourire les usagers quotidiens du métro : ceux-là ont appris à s’adapter aux machines. Les victimes elles-mêmes n’incriminent que leur propre maladresse. Mais imaginons un instant que ces portillons soient remplacés par des vigiles chargés de distribuer des claques ou des coups aux clients ne circulant pas à la bonne vitesse : ce serait scandaleux, insupportable. Nous l’acceptons pourtant de la part des machines, car nous savons qu’elles ne pensent pas. Nous estimons, en conséquence, qu’elles ne sont animées d’aucune mauvaise intention. Erreur : si les automates n’ont pas conscience de leurs actes, ils obéissent toujours à un programme, produit d’un réglage intentionnel. Dans d’autres villes, on trouve des composteurs, mais pas de portillons ; ailleurs, la validation des tickets est effectuée sous surveillance humaine ; et, à Aubagne ou à Châteauroux, les transports urbains sont… gratuits.

L’apparente logique du contrôle des billets (à la rationalité économique fort discutable) crée d’autres contraintes. Les barrières assignent le public à des zones précises : on est soit dedans, soit dehors. Dans la gare SNCF de mon village de banlieue, l’installation récente de portillons interdit aux usagers de quitter librement le quai pour acheter un journal, boire un café ou retourner au guichet chercher un renseignement. Le voyageur n’aura plus qu’à utiliser le distributeur automatique de sodas et de friandises (hors de prix) placé sur le quai. Et, pour lire, se contenter des panneaux publicitaires.

D’innombrables dispositifs programmés gèrent ou assistent notre quotidien. Qui n’est jamais devenu fou face à l’un de ces serveurs vocaux interactifs intimant d’« appuyer sur la touche étoile » ou d’articuler à voix in-tel-li-gible des expressions grotesques : « Si vous désirez des informations, dites “information” » — « Information » — « Je suis désolé mais je n’ai pas compris votre réponse, veuillez réessayer » — « In-for-ma-tion » — « Veuillez rappeler ultérieurement » ?

Anticipant l’existence de conversations programmées, le pionnier de l’informatique Alan Turing proposait en 1950 un test devenu célèbre : en conversant à travers une interface textuelle, peut-on distinguer si notre interlocuteur est un homme, une femme ou encore un programme particulièrement bien conçu ?

Les pratiques du marketing téléphonique ou des services d’assistance en ligne ajoutent un paramètre à ce problème : à qui parlons-nous vraiment lors de ces échanges programmés ? Dans de nombreux cas, les employés des centres d’appel suivent un logiciel « expert » et ne disposent d’aucune marge de manœuvre. Ces automatismes sont conçus avec l’idée, sans doute justifiée, que les questions sont peu ou prou toujours les mêmes. Les employés « robotisés » servent de filtre et évitent de mobiliser des techniciens pour des problèmes mineurs. Souvent, le filtre s’avère si puissant qu’il est totalement impossible d’atteindre la personne compétente.

Mais si ce sont des humains qui répondent, et non des logiciels interactifs, c’est aussi parce que, à défaut de voir leurs problèmes résolus, les usagers ont le sentiment de pouvoir trouver auprès de leur interlocuteur une forme d’empathie ou, au pis, l’occasion de se défouler verbalement — ce qui, comme l’a démontré Henri Laborit dès la fin des années 1950, permet d’évacuer le stress, au niveau neurologique, presque aussi bien que le ferait la résolution effective du problème qui en est la cause.

Pour finir, les téléopérateurs dont la conversation suit un scénario programmé ont l’avantage d’être parfaitement interchangeables. Travaillant un jour pour une administration, le lendemain pour un opérateur de téléphonie et le jour suivant pour un institut de sondages, ils bénéficient d’une très courte formation consistant avant tout à apprendre à ne plus prononcer que des phrases positives (on ne dit pas « ce n’est pas possible » mais « nous mettons tout en œuvre pour résoudre votre problème »). Il n’est pas impossible que ces opérateurs, souvent localisés dans des pays francophones où la main-d’œuvre est bon marché, ne comprennent pas vraiment les cas qu’ils sont censés gérer — on voit mal pourquoi une résidente de Casablanca ou de Tunis se passionnerait pour les griefs des clients d’un service d’expédition de colis en France.

Prolétarisés, les employés de centres d’appel n’ont ni la possibilité de prendre des initiatives, ni celle d’acquérir (et de monnayer) des connaissances ou une expérience : aucun risque que tel employé devienne indispensable.

De manière aléatoire, d’autres programmes robotisés (100 %mécaniques, cette fois) rappellent les clients pour vérifier leur degré de satisfaction. Les questions portent rarement sur le service en général, mais sur la qualité de la conversation : « Avez-vous trouvé votre interlocuteur suffisamment poli ? S’exprimait-il dans un français correct ? » Ce questionnaire, qui n’a d’intérêt que pour l’employeur, fait effectuer le travail de contrôle par l’usager, désormais auxiliaire du chef d’équipe et placé en position de « patron en aval », pour reprendre l’expression de Marie-Anne Dujarier (1).

Présentée comme un moyen de réduire les tâches monotones, l’automatisation met en valeur, dans la « ressource humaine », non pas le libre arbitre ou la compétence (la procédure n’est pas du ressort de l’agent), mais la capacité à éponger le stress et l’agressivité. Tout semble fait non pour régler des problèmes, mais pour empêcher que ceux-ci n’atteignent leurs responsables.

Tournons un instant le regard sur nos papiers d’identité. Sans sourire, sans expression, les yeux vides, nous donnons de nous-même une figure triste, un peu angoissée, qui ne nous ressemble pas et que personne ne reconnaîtra comme nôtre. Ce sont les directives officielles du ministère de l’intérieur : le sujet doit « fixer l’objectif. Il doit adopter une expression neutre et avoir la bouche fermée. (...) La taille du visage doit être de 32 à 36 mm, du bas du menton au sommet du crâne » (norme ISO/IEC 19794-5). Le ministère de la tristesse a une bonne raison : cette image n’est pas destinée à des yeux humains mais à des logiciels de biométrie, très complexes, qui ne reconnaissent les gens que dans des conditions standardisées. Ainsi, le visage officiel de chacun est défini par les besoins d’un programme n’y voyant qu’une somme de cotes et une figure dont toute lueur expressive doit être bannie.

On teste à présent des logiciels qui lisent sur les lèvres des personnes filmées — comme l’ordinateur HAL 9000 dans 2001, l’odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick —, analysent les gestes, la démarche, la posture ou les déplacements. Tel individu resté sur un quai en laissant passer plusieurs rames est suspect. Tel autre, marchant à contre-courant de la foule, est suspect lui aussi. Chaque événement déviant déclenche une alerte et provoque un contrôle. Plus fort encore, le département de la sécurité intérieure des Etats-Unis compte équiper les aéroports d’un système baptisé Future Attribute Screening Technology (FAST), dont le but est de détecter les attitudes annonciatrices de mauvaises actions : regard fuyant, battements de cœur qui s’accélèrent, etc. Comme dans le film de Steven Spielberg Minority Report (d’après une nouvelle de Philip K. Dick), le crime est connu avant d’avoir été commis (2).

Des dispositifs numériques en apparence bien plus neutres peuvent avoir un caractère tout aussi coercitif. L’informatique personnelle a radicalement modifié de nombreuses pratiques professionnelles, rendant caducs certains savoir-faire. Il fallait autrefois des années pour former un retoucheur photo, car celui-ci devait disposer d’un tour de main particulier, connaître ses matériaux et ses outils. Aujourd’hui, on déporte la compétence technique sur le logiciel, on prolétarise l’artisan : celui-ci devient tributaire de décisions prises par les ingénieurs des sociétés Adobe ou Apple. Comme l’explique l’artiste et designer John Maeda, nul ne peut se prétendre « grand maître de Photoshop » : « Qui a vraiment le pouvoir ? L’outil ou le maître ? » Pour lui, le salut du créateur passe par la possession de ses moyens de production (3).

Comment reprendre en main notre « destin numérique » à une époque où, étant tous utilisateurs d’outils programmés, nous risquons d’en devenir la chose ? Les débats qui entourent les questions du hacking — utiliser un outil numérique au-delà de son mode d’emploi (4) —, du logiciel libre — ne rien ignorer du fonctionnement d’un programme et pouvoir l’améliorer — ou du bricolage (do it yourself) sont bien plus politiques que technologiques.
http://www.monde-diplomatique.fr/2011/07/LAFARGUE/20788
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Programmées pour dominer- Machines hostiles :: Commentaires

brusyl

Message Dim 18 Sep 2011 - 19:50 par brusyl

@ françois

Tu ne me réponds pas ? hmmm, mauvais signe ! je te connais un peu, je sais donc que d’habitude tu es plutôt du genre réactif lorsqu’un sujet t’intéresse.
Or le sujet t’intéresse, c’est toi qui as rebondi dessus le premier…

J’en conclus donc , qu’à part un manque de disponibilité conjoncturelle pour ce lieu , ce qui est fort possible, cela nous arrive à tous : dans ce cas ne tiens pas compte de ce que je vais te dire , donc hors cette possibilité, tu as pris ma réponse comme une agression.
Si c’est le cas- j’ai relu ce que je t’ai répondu et oui, il y a des paroles qui peuvent être interprétées comme agressives-, je te demande de bien vouloir m’en excuser. C’est l’histoire de ce forum où souvent je suis minoritaire voire isolée : en tant que femme , donc avec une sensibilité (innée ou culturelle ) différente, en tant qu’engagement politique (il est récent et donc non « formaté » par une longue pratique idéologique et politique) en tant que vision anthropologique (je suis la seule « spiritualiste » de cet endroit). Pour m’affirmer seule face au groupe, j’ai appris ce que tout animal isolé fait quand il se sent seul contre la meute : sortir ses griffes, gonfler ses poils et faire beaucoup de bruit . Et à force, cela devient de l’ordre du réflexe, du cerveau reptilien !
Mais sois bien sûr que ce n’est qu’idéologique (mais toute idéologie n’est-elle pas sentimentale dans la mesure où elle puise ses racines à ton enfance, à ton évolution, à tous les gens que tu as aimés ?) cela n’enlève rien à l’estime ni à l’empathie que j’ai pour vous. Ducky ou Country peuvent en témoigner ! il y eut ici de belles algarades et cela n’a pas (encore ) entamé l’entente commune. Cela fait même partie du jeu, mais je conçois que cela puisse surprendre un membre plus récent.
Il faudra que je fasse attention à limer plus court mes ongles !

Pour en revenir au message que je t’ai posté : je l’ai fait en réaction au mot « confiance » qui structurait ton post. Qui m’a sembl é être du discours idéologique postérieur recouvrant et justifiant une réalité beaucoup plus prosaïque : du même ordre que la main invisible, ou de l’équilibre du marché par la loi de l’offre et de la demande.
Je me souviens d’un autre épisode dramatique de l’histoire : la grande peste de Marseille de 1720, qui a tué plus du tiers des habitants de la ville. Un bateau arrive dans le port chargé de balles d’étoffes du Moyen-Orient. Des marin sont morts sur le bateau avant son arrivée, il lui fut interdit d’accoster dans de nombreux ports avant son arrivée à sa destination finale. On connait très bien à l’époque comment se propage la maladie, on sait la reconnaître même si on ne sait pas la soigner.Et il existe une réglementation très stricte de mise en quarantaine des bateaux sur lesquels ont eu lieu des morts douteuses. Le bateau est donc mis en quarantaine. Mais les familles qui ont financé l’expédition sont pressées de récupérer les marchandises qu’elles veulent vendre à une prochaine foire. Elles vont soudoyer les représentants du bureau du port , qui vont céder à leur appétit de profit . Les décès sont reclassés en « empoisonnements » la quarantaine est levée, la marchandise débarquée.
Cela fera 40 000 morts rien que sur Marseille, sans compter la propagation de l’épidémie aux alentours. Quelques capitalistes avides de profit immédiat ont provoqué une des plus grandes tragédies de l’histoire de la ville…

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brusyl

Message Sam 17 Sep 2011 - 17:35 par brusyl

Pfiou ! tu ne m'en voudras pas si je te dis que j'ai un peu de mal à m'y retrouver dans ton texte ?

Le droit de la consommation régit les rapports entre le vendeur et l'acheteur : c'est le sujet original du billet c'est pour cette raison que je m'étais limitée à lui.
Ce n'est pas un droit récent, c'est un droit qui peine à trouver son autonomie par rapport au droit civil des contrats. Les litiges entre acheteur et vendeurs sont vieux comme le monde et ont toujours été réglés par les tribunaux par le biais des vices du consentement au contrat : erreur sur la cause ou l'objet du contrat, dol (tromperie), violence. C'est du droit civil, le droit des personnes.

Les litiges entre professionnels eux sont régis par le droit commercial, droit des personnes morales privées, qui a son propre code et ses propres tribunaux ; les infractions caractérisées, elles, sont sanctionnées par le droit pénal des affaires. Droit pénal qui s'est créé au XIX° et enrichi durant la période de « solidarisme » que j'avais évoquée dans mon précédent message et qui est depuis quelques années régulièrement attaqué par les représentants du patronat , sous exactement le même « principe de réalité économique » donné par eux pour empêcher l'émergence des actions collectives au civil : son caractère déstabilisant pour l’entreprise et ses dirigeants, son impact sur l'opinion publique et ses conséquences économiques et boursières.

Il était dans l'intention de Sarkozy de supprimer toute cette branche du droit, de dépénaliser l'ensemble du droit des affaires... heureusement la crise et les scandales financiers l'ont empêché de le faire.

C'est bien parce que la tromperie a été érigée comme système de valeur

La tromperie a existé de tous les temps : relis le roman de Renard, les fables de La fontaine relis l'histoire de Laws sous la régence, le scandale des spéculations sur la farine sous Louis XVI ou des assignats durant la révolution.

Je ne partage pas ton opinion du « c'était mieux avant » car il y avait plus de morale
Ce n'est pas une question de morale : le capitalisme n'est pas moral, business is business, il s'en fout totalement : son unique but est de maximiser les profits

Tout est question de réglementation et de sanction des infractions à cette réglementation : c'est le domaine pur du droit.
S'il y a dérive dans les pratiques commerciales et financières c'est que le politique a renoncé à définir et appliquer le droit face au pouvoir économique.
Je vois plusieurs raisons à cela :

- déreglementation au niveau des états de tous les secteurs d'activité des entreprises et des services toujours au nom de ce principe de réalité économique : s'adapter à la concurrence, (et l'argument médiatique de lutter contre le chômage)
Non la crise des subprimes n'est pas dûe à une mort de la morale, elle est directement liée à la déreglementation bancaire (abolition du Glass-Steagall Act, création de produits dérivés assujettis à aucune réglementation, confusion des produits financiers purs et des contrats d'assurance etc...)

- Un résultat indirect de cette déreglementation est la concentration des entreprises, de la constitution de mastodontes dont les chiffres d'affaire rivalisent avec ou dépassent les budgets étatiques. Le rapport de force devient beaucoup moins favorable au pouvoir politique. Ajoute à cela la corruption le lobbying, les conflits d'intérêts qui enchaînent tout le monde politique dans la même magouille : résultat plus personne ne porte plainte car il traîne autant de casseroles que les autres.

-mondialisation des activités de production et de finance qui permet aux entreprises d'échapper aux législations les plus contraignantes. C'est encore un des arguments donné par le MEDEF contre la pénalisation du droit des affaires : cela dissuaderait les entreprises de venir s'installer en France.
- privatisation de tout un panel d'activités qui passent alors du droit public au droit privé bien moins contraignant pour les entreprises (transports, télécommunication, énergie, etc)
- Et enfin restructuration des entreprises vers une division du travail ahurissante couplée un superposition de couches de contrôleurs/controlés qui fait qu'il devient quasiment impossible désormais de trouver qui est à l'origine d'une infraction ou d'un délit. C'est l'affaire Kerviel où la société Générale a sacrifié un de ses employés à la colère populaire alors que celui ci ne faisait qu'appliquer les directives de l'entreprise : technique du bouc-émissaire classique.

Il y a certainement bien d'autres raisons, je laisse à d'autres le soin de corriger ou de compléter ce que j'ai dit.
Ce n'est pas l'immoralité ou l'a-moralité qui a été érigé en système de valeur c'est la démission de la puissance publique à sa mission d'édicter des règles de bonne conduite et à les faire respecter qui est l'origine.
Récemment Médiapart a posté une interview de deux traders qui ont voulu témoigner pour dénoncer cette dérive des pratiques commerciales et financières. Il disent exactement cela : si notre métier est d'enrichir par la spéculation, si notre rôle est souvent encore plus trouble quand nous blanchissons de l'argent sale, nous faisons que ce qui est unanimement accepté. Pourquoi donc le politique ne vient pas limiter ces pratiques ? Nous n'attendons que cela, la création d'un cadre réglementaire.

C'est ici : https://www.dailymotion.com/video/xl3hpx_paroles-de-traders_news
Ce n'est pas long et cela vaut la peine d'être entendu



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Message Sam 17 Sep 2011 - 14:25 par Invité

Le droit du consommateur est une notion récente qui est venue avec la société de consommation. Celui-ci étant destiné à apporter des garanties par rapport à des normes et une qualité que l'acheteur n'est pas toujours en mesure d'apprécier.

Mais avant cela, il existe un droit plus fondamental qui concerne les deux partis d'une transaction. Entre marchands professionnels. Je t'achète des peaux de loup à tel prix. Mais en échange, tu me garantis qu'il s'agit d'un produit franc, sans défauts correspondant à mes attentes et donc sur le quel tu me fournis toutes les informations nécessaires. Je finance ton voyage vers les Indes et en échange tu t'engages à me rapporter en exclusivité un certain nombre d'épices. Il s'agit d'une relation de confiance. Bien sûr il y eu des voyous de tous temps mais ces règles permettaient de les désigner comme tel.

A partir du moment où l'échange marchand s'établit en dissimulant des informations à l'une des parties, à propos de l'origine, de la qualité des produits ou de circuits financiers opaques passant par des comptes secrets et des paradis fiscaux, c'est tout le système qui est nié dans son principe. La confiance est considérée comme une valeur obsolète, une forme de naïveté qui ne concerne que les perdants. C'est la morale du gagnant, la loi du vainqueur qui finit par effacer toute distinction entre l'entrepreneur et le gangster. Est moral celui qui s'enrichit, tous les moyens étant licites tant qu'ils sont au service de cet objectif. Ainsi, les avocats d'affaire mettent-ils leur savoir faire à disposition pour détourner les règles au moyen des holdings et autres montages. Non seulement au détriment des Etats mais aussi de celui qui font affaire avec leurs commanditaires. D'ailleurs, si l'on a été obligé de protéger le consommateur c'est déjà qu'il existe un problème en amont.

C'est bien parce que la tromperie a été érigée comme système de valeur que la crise des subprimes à eu lieu. Et que les auteurs de ces magouilles n'ont toujours pas été confondus comme criminels. On est loin des règles marchandes qui sont fondées sur la transparence, la connaissance de l'identité des clients échangeurs et sur la traçabilité des échanges. En abandonnant ces règles, c'est tout le système marchand qui est perverti. Jusqu'à nous faire accepter de contracter des obligations auprès d'un fournisseur de télécommunication, sans savoir à qui nous avons affaire (puisqu'il a changé de nom et de raison sociale entre temps), sans vraiment avoir connaissance de la réalité du produit (par exemple internet prétendu illimité sur les téléphones portables) sans pouvoir rencontrer un responsable ni même avoir signé physiquement ce contrat. Voir certains contrats d'assurance qui sont revendus de société en société sans jamais avoir signé d'avenant.

Personnellement je suis prélevé par Orange alors que j'ai signé avec Wanadoo il y a 13 ans. Si j'interrompt mon prélèvement, je suis poursuivi par une société avec laquelle je n'ai jamais signé le moindre document.

Il ne suffit pas de constater cette réalité hors des principes du droit. Il serait peut-être temps de réaliser dans quelle galère elle nous entraîne. Pas seulement du côté du pillage et de l'appauvrissement. Mais vers un tel mélange entre économie réelle et économie maffieuse que cette dernière est en train de prendre en main notre société. Pour un asservissement que n'importe quel Napolitain pourrait nous expliquer.

Bises
Franz

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brusyl

Message Sam 17 Sep 2011 - 12:27 par brusyl

Je parle de ce que devrait être le commerce, ce qui fonde son principe, tu me parles de ce qu'il est devenu.

Si je peux contribuer à ce débat, avec ma vision juridique, cela permettrait peut-être de débroussailler le terrain.

Le commerce a un droit qui s'appelle le droit de la consommation. C'est un droit qui peine à trouver son autonomie, puisqu'il faut attendre 1993 pour voir arriver un code de la consommation qui d'ailleurs n'est pas un véritable code, ordonné par sujets mais une compilation de textes.

Je dirais qu'en matière du droit de la consommation, il y a deux théories opposées :

Une théorie classique de l'autonomie de la volonté : c'est en son nom qu'une partie des des juristes estiment que la consommation et ses litiges peuvent très bien continuer à être traités par le droit des contrats, pour le moins étonnant quand on sait que le contrat est censé se former entre deux volontés autonomes et égales, pour le moins étonnant quand on sait que le plus souvent le consommateur est livré pieds et poings liés à ceux qui détiennent le pouvoir de l'argent ou qui sont en situation de monopole.


L'autre théorie est celle du solidarisme, formulée par Léon Bourgeois et qui a profondément inspiré notre régime juridique jusqu'à présent : l'intérêt individuel n'est pas la fin du droit mais doit être tempéré par la prise en compte de l'intérêt social. En droit des contrats, le solidarisme est opposé à une vision pure et dure de l'autonomie de la volonté telle qu'elle a été conçue par les libéraux du XVIII°.
Le solidarisme a beaucoup imprégné le droit de la consommation :on retrouve son empreinte dans un certain nombre de lois qui ont été votées dans le souci de protéger le consommateur ( le surendettement, l'obligation de sécurité) dans beaucoup de règles de formation des contrats (clauses abusives, formalisme de beaucoup de contrats de consommation) et dans les sanctions de ces règles : les tribunaux sont dans leur majorité très attentifs à la défense du consommateur considérant qu'il y a inégalité entre un professionnel qui dispose de toutes les informations donc « un sachant » et un consommateur qui n'est pas dans le secret de la fabrication du produit, ni dans celui de son « conditionnement » de sa vente. Il y a donc pour la jurisprudence une présomption de compétence de la part du professionnel qui joue en faveur du consommateur et de la mauvaise foi du vendeur.
La Cour de Cass, elle, a souvent tendance à revenir, à chaque fois que les textes le lui permettent, à l'autonomie de la volonté.

Donc les tribunaux protègent en général les droits du consommateur. J'ai un ami qui porte systématiquement devant la justice le règlement des conflits qui l'opposent aux entreprises. Il connait bien son droit , il a du temps et pour le moment , il a toujours gagné en justice (ou le plus souvent, l'entreprise lui propose règlement et indemnisation à l'amiable pour éviter le procès) Il dit que faire cela est son métier et qu'il en vit très bien.
Mais pour un que je connais d'informé et motivé, combien vont se décourager devant les délais, la lourdeur de la procédure, devant la ribambelle d'avocats dont disposent les entreprises ? C'est le combat du pot de terre contre le pot de fer.
La seule solution pour compenser ce déséquilibre serait d'introduire des actions à caractère collectif, c'est à dire indemniser un certain nombre de consommateurs qui subissent un préjudice du fait d'un même produit ou d'une même entreprise.

Il est faux de dire que rien n'a été fait en ce sens : une loi de 1992 introduit l'action en représentation conjointe (art 422 du code de la cons) . Mais elle est entourée de tellement de condition restrictives qu'à ce jour une seule action a été déclarée recevable !
Les associations de consommateurs plaident depuis des lunes pour l'instauration de l'action de groupe, inspirée de la class action des US. Sarkozy s'y était engagé, les arguments du MEDEF l'ont emporté : l'impact économique serait lourd, les atteintes à la réputation d'une marque ou d'une entreprise trop pénalisants. Là ou on voit bien que la raison économique est devenue dans notre société supérieure à la raison du citoyen. C'est le triomphe du libéralisme pur où les consommateurs sont soumis au pouvoir des producteurs et des distributeurs. La liberté du commerce permet aux producteurs de mettre sur le marché n'importe quel produit, de le présenter sous des formes alléchantes voire mensongères, l'essentiel étant de vendre au risque de nuire au consommateur : pour comprendre le triomphe de cette conception, il suffit de suivre l'affaire actuel du Mediator.

Mais un droit de la solidarité va beaucoup plus loin en matière de consommation que les mesures de protection des consommateurs dans la formation des contrats, c'est aussi l'affirmation droit à la sécurité, droit d'être entendu, droit d'être informé, droit de choisir, droit à la santé. C'est un droit à la consommation aussi entendu comme droit pour chacun de pouvoir disposer du minimum de ressources qui lui permette de faire les dépenses nécessaires pour sa consommation personnelle et celle de sa famille : mais quand des enfants ne peuvent fréquenter les cantines scolaires parce qu'enfant de chômeurs, ou sont exclus de soins en raison de l'insuffisance des ressources des parents, quand beaucoup n'ont pas de toit pour s'abriter... on peut considérer quel est le recul de cette conception juridique du droit à la dignité de l'homme.

Oui François je crois bien que les droits du consommateurs suivent la libéralisation de l'économie, d'un capitalisme de plus en plus étouffant qui encourage la consommation impulsive (l'éthos infantiliste) et le crédit facile, une conception philosophique d'un homme au service de l'économie.

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Message Sam 17 Sep 2011 - 10:21 par Invité


Deux parallèles sont faites pour ne jamais se rencontrer. J'émet un propos tu y réponds sur un plan différent. Je parle de ce que devrait être le commerce, ce qui fonde son principe, tu me parles de ce qu'il est devenu. Denis Robert expliquait dans un de ses bouquins que le commerce repose sur une contrat de confiance. Bafoué quand, dans Clearstream par exemple, il existe des accords secrets qui déterminent une relation déloyale. Cette observation permet de prendre les fautifs à leur propre piège. Là tu me parles d'un système d'extorsion. Derrière cela faut-il considérer que tout acte de commerce est définitivement malfaisant et doit être éliminé ? Je m'interroge. Derrière cette manière de débattre il y a une forme de défaitisme. Le commerce c'est cette saloperie, la politique, cette merde. On n'y peut rien. Mais dès lors que faisons-nous ici ? Soit la vie publique dépend de règles respectables (qui peuvent être largement améliorées) soit elle est intrinsèquement perverse. Et en ce cas là nous ferions mieux d'ouvrir un site de macramé.

Amicalement
Franz

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Donald11

Message Ven 16 Sep 2011 - 11:43 par Donald11

Ce qui est appelé "client" en général, c'est ce groupe de personnes qui a conclu un contrat avec une grosse boiboite et a qui il convient de soutirer un maximum d'argent en un minimum de temps. Les situations rencontrées avec orange en sont de bons exemples. Les centres d'appel ont plusieurs effets secondaires : 1) filtrer au maximum les appels et réduire les durées de com. 2) supprimer du personnel partout ou c'est possible en orientant les clients mécontents vers ce centre d'appel, toujours sous-dimensionne. 3) décourager les râleurs. Si, si, j'en ai fait l'expérience avec Avis ... Bon, ça s'est plutôt bien arrange, car 1) je suis très patient, 2) je ne lâche pas le morceau facilement, et 3) j'ai menace d'aller voir ailleurs ...

PS : ma réponse était sur le mode taquin, ayant eu dans mes attributions professionnelles l'assistance informatique en interne a ma grosse boiboite ! Cette assistance commençait souvent par rappeler a l'utilisateur son mot de passe de connexion. C'était l'époque ou j'avais encore un peu de mémoire !!!
Programmées pour dominer- Machines hostiles 99936

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Message Ven 16 Sep 2011 - 10:19 par Invité

Le processus, certes, mais pourquoi faire ? En premier lieu faire dépenser un maximum de fric dans la hotline (d'où les interlocuteurs incompétents) mais aussi pour rendre inacessibles les responsables du contrat qui nous lie. Ce qui est la négation même du commerce basée sur une confiance réciproque comme nous le savons depuis l'invention de l'ultralibéralisme. Je ne vois pas où est notre désaccord.

En ce qui concerne ma mauvaise volonté, que je ne nie pas, elle tient aussi à ma difficulté à consacrer le temps nécessaire à ma formation. Pour de mauvaises et de bonnes raisons. L'une d'entre elles étant d'introduire une forme de virus qui est loin de me déplaire.

Amicalement
Franz

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Donald11

Message Ven 16 Sep 2011 - 0:33 par Donald11

Non mon cher François, tu n'y es pas du tout. Tout repose sur le "processus" ! C'est le truc incontournable si tu ne veux pas que ta grosse boite parte à vau-l'eau. Pour mettre au point les processus, on a fait appel à une batterie de concepteurs, parfois assistés de consultants externes. Le "processus", comme son nom l'indique, décrit toutes les étapes incontournables pour que la boite fonctionne à plein régime. Le client, qui n'entre pas dans le processus, a un numéro d'appel unique, pour simplifier sa démarche, même si, au bout de quinze tentatives infructueuses, il obtient enfin un correspondant qui le guide dans le processus de recherche de panne, de A jusqu'à Z. Il est courant que la panne du client ne soit pas révélée par le processus, ce qui le mène à l'impasse, et généralement à une interruption de la communication. Dans ce cas, le client malchanceux a toujours le numéro d'appel pour tenter une nouvelle chance ... avec un autre interlocuteur qui va tout reprendre depuis le début ... Et ainsi de suite ...

Pour les logiciels, le problème est individuel, comme tu le montres bien toi-même avec le logiciel excel ... Mauvaise volonté de ta part, car il y a, avec chaque logiciel, une assistance contextuelle ... que personne ne consulte il est vrai !
Programmées pour dominer- Machines hostiles 840346
Bonne nuit.

Dernière édition par Donald11 le Ven 16 Sep 2011 - 11:28, édité 1 fois

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Message Jeu 15 Sep 2011 - 16:07 par Invité

Il me semble que tout concourt à créer la plus grande distance entre le donneur d'ordre, l'exploitant du système qui en tire profit et les usagers. On le voit avec le téléphone ou la livebox. Inutile de se rendre chez Orange pour changer celle qui est défectueuse. Le personnel a ordre de renvoyer le client à un standard téléphonique. Plus de responsable à rencontrer, plus d'obligation contractuelle à opposer. Il n'y a plus d'interlocuteur.

En ce qui concerne les logiciels d'aide à…. quelque chose, non seulement ils minimisent les savoir faire mais ils conduisent à la disparition des métiers. J'ai un pote imprimeur. Il est le dernier de ma ville. Il avait sept employés. Il travaille seul. Et les clients qui viennent le voir lui font remarquer qu'ils n'ont pas besoin de lui pour la mise en page de leurs prospectus ou carte de visite. Ils sont tous devenus concepteurs grâce à l'informatique à domicile. Il n'y a plus qu'à imprimer. A un coût relevant du train de vie Chinois. Sans voir que la mise en page préprogrammée a été conçue par un ingénieur qui impose à tous sa logique et sa vision esthétique. Voir ces thèses qui montrent que le monde est formaté suivant Power point.

Pour la photo c'est pareil. La majorité utilise le mode Programmes. Lesquels sont conçus par des ingénieurs; Certes ils facilitent la prise de la photo. Mais en effectuant les choix esthétiques à la place du photographe.

Personnellement, je présente quelques petits blocages vis-à-vis de l'informatique. Ainsi, je n'ai jamais bien maîtrisé un tableur. Ca ne doit pas être insurmontable mais chaque fois j'oublie le B A Ba dont j'ai besoin. Ayant rarement besoin de calculs compliqués j'ai contourné la difficulté au moyen de jolis tableaux conçus en PAO, aux couleurs chatoyantes que je remplis ligne par ligne en faisant les calcul avec ma calculette. Ce qui génère d'inévitables erreurs. Mais comme mes interlocuteurs sont persuadés avoir affaire à des tableurs, ils ne les vérifient jamais. J'avoue que parfois, j'introduis des erreurs volontaires.

De la même manière, je n'ai jamais trouvé le temps de maîtriser un logiciel de CAO. Je fais mes esquisses à la main puis je les scanne et les finis avec un petit logiciel de dessin qui n'a rien de vectoriel. Là où je rigole, c'est quand l'ingénieur me demande la disquette pour faire ses plans. En l'absence, le voilà contraint de refaire toute la saisie. Ce qui me permet de vérifier l'exactitude de mes cotes. Quant aux façades, elles sont toujours faites à la main ce qui est devenu un argument de vente non négligeable compte tenu de leur charme par rapport aux projections numériques.

Il reste que les fabricants de stylo de dessin ont disparu et que même en ayant un stock de stylos, il n'y a plus d'encre pour les faire fonctionner. Et que le papier calque ne se fabrique plus non plus. Voilà un savoir faire qui ne tardera pas à disparaître.

Bises
Franz

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