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Gauche libertaire contre gauche étatique

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05012009

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Gauche libertaire contre gauche étatique Empty Gauche libertaire contre gauche étatique




Par François Noudelmann •

http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2009/01/gauche-libertai.html#more

Les récentes reconfigurations de la gauche française effraient sans doute les stratèges socialistes mais elles montrent qu'un débat idéologique est en cours. Le Nouveau Parti Anticapitaliste, le Parti de Gauche, le Nouvel Espace Progressiste sont autant de démarquages à l'égard de partis dont la seule stratégie reste le maintien de leurs bastions électoraux. Cependant ce regain politique se développe sur le terrain plutôt balisé d'un marxisme orthodoxe jamais disparu en France et qui retrouve de la vigueur en dénonçant pêle-mêle la compromission libérale des sociaux-démocrates et l'hérésie du gauchisme soixante-huitard.

La gauche libertaire est la grande absente de la redistribution des formations progressistes. Mais que désigne au juste ce mot de "libertaire" un peu flou, repris tant par des anarchistes révolutionnaires que par des libertariens de droite? On peut en rappeler le spectre à travers les concepts et les combats qui l'ont porté il y a quarante ans: l'autogestion, la critique du travail, l'émancipation des mœurs, l'anti-étatisme. Cette inspiration fédérait des luttes hétérogènes : celles des ouvriers de Lip, des régionalistes, des féministes, des homosexuels, des immigrés. Elle accueillait ces mouvements revendicatifs sans les reléguer à des contradictions secondaires du capitalisme.

Cette frange libertaire a subi un laminage idéologique depuis deux décennies. Son éviction s'est exercée sur deux fronts. Par le côté gauche elle a été renvoyée à l'anarchisme de l'ultra gauche (les anarchistes "purs" comme les monarchistes purs qu'on désignait par ce terme d'ultras). Anti-pouvoir, destructionniste, cette mouvance politique indéfinissable (car "le drapeau noir, c'est encore un drapeau", déplorait Léo Ferré) s'apparente à une tradition nihiliste venue du XIXe siècle avec ses Ravachols, ses légendes russes ou, pour les plus glorieux, à ses héros de la guerre d'Espagne. N'en reste plus que le drapeau de la CNT dont la nostalgie flotte sur les manifestations étudiantes.

Mais c'est par le côté droit que l'inspiration libertaire a connu son plus fort matraquage. Elle a été associée au libéralisme, du moins dans son sens français, exclusivement économique, au détriment des diverses pensées libérales anglaises et de ce que signifie politiquement le terme de "liberal" outre-Atlantique. Le républicanisme français, qui domine tant à gauche qu'à droite, a promu cet amalgame selon lequel le libéralisme économique aurait réalisé les idéaux de mai 68, avec sa critique de l'autorité et son ambition émancipatrice, ouvrant la porte à l'enfant-roi et à la dépense incontrôlée, à l'individualisme et aux profits immoraux.

Des dizaines d'auteurs et des centaines de livres, de la psychanalyse à la science politique et à la philosophie, déclinent ce thème inlassablement, criant à la débâcle et appelant implicitement à la restauration. Il est piquant de constater que le président Sarkozy a repris cette rengaine aussi bien à la droite conservatrice qu'à la gauche anticapitaliste la plus orthodoxe (et dont Serge Audier a montré l'alliance objective dans La pensée anti-68). À cause de cette OPA négative, "antilibéral" et "antilibertaire" sont devenus synonymes. S'appuyant sur quelques doctes sociologues, les marxistes orthodoxes sont revenus à leurs fondamentaux, une analyse classiste et déterministe des mouvements sociaux, reléguant les autonomies libertaires à des revendications petites-bourgeoises. Cependant, faute d'identifier clairement un prolétariat uniformément dominé, c'est l'État qu'ils défendent désormais contre le capitalisme.

Depuis le thatchérisme, une logique libérale visant à briser les services publics et toutes les protections sociales a gagné l'Europe. L'empire du marché et la dérégulation généralisée ont été promus sous les noms de la modernisation et de la liberté. Quoi de plus naturel alors que d'être suspicieux face à toute réforme qui se pare de l'autonomie quand son but réel consiste à démanteler les organismes destinés au bien commun? Cependant il s'agit encore d'un rapt idéologique : car la liberté du capitalisme se présente en une version pauvre et passive, celle d'une absence de contrainte, avatar d'une vieille lune, la liberté d'indépendance. En revanche la liberté active de l'esprit libertaire suppose la responsabilité, elle promeut l'invention de formes sociales fondées sur l'assentiment individuel et collectif.

La préservation urgente des services publics menacés a conduit la gauche à une stratégie exclusivement défensive et étatiste. Conservatrice par force, elle en est venue à défendre ce qu'autrefois elle contestait. Dans l'éducation, domaine autrefois privilégié pour la réflexion de gauche, les motifs de la contestation ont été inversés: les lycéens manifestent contre le contrôle continu au baccalauréat et contre l'abandon des filières disciplinaires, les étudiants contre l'harmonisation européenne des diplômes puis contre l'autonomie des universités, les professeurs contre la fin des concours nationaux et des tutelles ministérielles. Encore une fois les réformes contestées suivent des logiques comptables à court terme que la gauche doit condamner. Mais celle-ci a perdu sa puissance de contre-proposition et n'a plus d'autre argument que de s'en remettre au modèle de l'État surpuissant qui contrôle, protège et légitime. Où sont passés les modèles alternatifs qui étaient la marque d'une pensée de gauche?

La solitude de certains penseurs qui ont continué à imaginer ces alternatives témoigne d'un tel effacement. Parmi eux, André Gorz (1923-2007), découvert par les médias à l'occasion de son suicide, a pourtant réfléchi au-delà des utopies 68, avec ses Adieux au prolétariat (1980) ou ses Métamorphoses du travail (1988), à une écologie politique fondée sur des pratiques d'autonomie à tous les niveaux de la société. Il n'avait pas besoin de jouer Bakounine contre Marx pour penser la sortie du capitalisme sans le retour du tout-État. Formé à la philosophie sartrienne, il savait qu'on peut être marxiste tout en affirmant la liberté pratique des humains dans l'Histoire.

L'oubli de la gauche libertaire dans la recomposition politique française n'est pas surprenant car elle n'a pas vocation à s'inscrire dans un parti, même si autrefois le PSU l'incarnait. On la retrouve parfois dans la constellation écologiste, et surtout dans la société civile et les associations qui luttent sur des terrains négligés par les partis institués. La résistance qui s'organise contre la traque des étrangers ou les mobilisations sur Internet contre les mesures sécuritaires du gouvernement, notamment dans le domaine psychopathologique, manifestent cette inspiration anti-autoritaire à la marge d'un républicanisme français dévoyé en étatisme, voire en nationalisme. La liberté y retrouve son sens politique, elle dit moins l'absence de règles que l'espoir d'une autre civilité.
country skinner
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Gauche libertaire contre gauche étatique :: Commentaires

country skinner

Message Lun 5 Jan 2009 - 16:08 par country skinner

Disons que globalement "libertaire" recouvre les tendances politiques foncièrement anti autoritaires (donc contestataires) , avec un versant "anti étatique individualiste" (plutôt de droite, dont se réclament les "vrais" libreraux), et un double versant "antiétatique marxiste" et "antiétatique socialiste" (mouvements anarchistes syndicalistes organisés ou mouvance autonome), plus un coté folklorique opt out soixantehuitard "faîtes l'amour pas la guerre", "dessous les pavés, la plage" (par contre je ne metrais pas l'antiparlementarisme "élections, pièges à cons" dans le même sac)

Tout ça fait quand même beaucoup de monde

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brusyl

Message Lun 5 Jan 2009 - 15:55 par brusyl

Mais que désigne au juste ce mot de "libertaire"

tiens, je n'étais pas la seule à me le demander ???
je voyais ce mot coincé quelque part entre une idéologie soixante-huitarde : "faîtes l'amour pas la guerre", "dessous les pavés, la plage", "élections, pièges à cons" "je décrète l'état de bonheur permanent" and so on et le comportement bobo actuel......
Me serais-je trompée ?

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country skinner

Message Lun 5 Jan 2009 - 15:50 par country skinner

A propos de "cette inspiration anti-autoritaire à la marge d'un républicanisme français dévoyé en étatisme, voire en nationalisme" ? (hé éhé)

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Mister Cyril

Message Lun 5 Jan 2009 - 15:03 par Mister Cyril

Je te répondrai plus tard mon Country hi hi hi...

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